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Grand Angle  

Maroc : Bras de fer médiatique entre la DGSN, Mohamed Ziane et Wahiba Kharchich

L’affaire concernant l’ancienne policière Wahiba Kharchich, défendue par Me Ziane, a fait réagir la DGSN. Le directeur central de la police judiciaire, Mohamed Dkhissi, a estimé que l’espace d’expression permis sur Internet ne donnait pas le droit aux utilisateurs de porter atteinte aux personnes ou aux institutions.

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L'officière de police suspendue Wahiba Kherchich et Mohamed Dkhissi, directeur central de la police judiciaire au sein de la DGSN / DR.
Temps de lecture: 4'

Cette semaine, l’officière de police Wahiba Kharchich s’est exprimée pour la première fois sur ses différends avec la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et le harcèlement dont elle dit avoir été victime de la part de ses supérieurs. Depuis les Etats-Unis, où elle est désormais installée avec son mari et sa fille après sa suspension du corps policier, elle a pris la parole sur la chaîne YouTube Touhfa Show, en revenant sur les origines de l’affaire. Elle reproche à l’institution d’avoir couvert Aziz Boumehdi, chef de la sûreté préfectorale d’El Jadida au moment des faits, en 2014.

Nouvellement désigné cette année-là, le responsable aurait eu Wahiba à l’usure, selon le récit de la policière, qui raconte avoir fini par porter plainte contre lui en 2016. Elle estime que depuis, il aurait eu droit à un traitement de faveur, en étant «promu grâce à son beau-frère» qui est Abdellatif Hammouchi, directeur général de la DGSN. En retour, elle considère sa mutation après sa révélation des faits de harcèlement comme des représailles à son encontre.

Des pressions depuis la plainte pour harcèlement

S’ensuit alors une longue guerre psychologique, que Wahiba Kharchich décrit dans la vidéo, où elle fait par ailleurs état de menaces la ciblant elle et sa petite famille. Selon elle, son salaire a été gelé, puis elle a été interdite de sortie du territoire, sous motif de l’enquête en cours après sa plainte. L’officière suspendue dit alors avoir été au cœur d’un enchaînement de faits, qui l’a conduite à fuir du pays à travers l’enclave espagnole de Melilla, pour gagner San Francisco.

Après avoir épuisé les voies juridiques et administratives dont elle a déploré les limites, la policière a déclaré avoir saisi le Palais royal à travers un courrier, très récemment. «Au lieu d’avoir une réponse du Palais royal, j’ai eu une réponse à travers les médias de diffamation, qui ont publié des vidéos fabriquées», a-t-elle affirmé. En effet, Wahiba est apparue dans des images récemment relayées par certains médias, où elle est vue avec son avocat, Mohamed Ziane.

Dans ce sens, Wahiba Kharchich a dénoncé les campagnes médiatiques visant l’ancien bâtonnier, commencées peu après que ce dernier s’est exprimé sur le cas de sa cliente. Elle a réaffirmé que les images fuitées étaient «fausses et fabriquées», dans une logique de «vengeance sur Me Ziane, que beaucoup ont pensé être derrière [sa] sortie du Maroc». Selon elle, il ne l’aurait «aucunement aidée à traverser la frontière de Melilla».

«Me Ziane ne m’a pas permis de sortir du Maroc car je ne lui en ai jamais parlé. Je n’avais annoncé mon départ de cette façon à personne, car j’étais sûre qu’étant surveillée de près, je ne serais jamais sortie si je l’avais verbalisé.»

Wahiba Kharchich

La policière a finalement taxé la DGSN de passer sous silence une affaire où l’institution serait «mise en cause directement». Par ailleurs, elle a accusé son représentant d’être derrière la fuite des images, mais aussi de renseignements personnels concernant les coordonnées de son époux. De son côté, l’avocat d’Aziz Boumehdi a donné des déclarations, vendredi 4 décembre, où il a affirmé que Wahiba Kharchich serait l’auteure présumée de la vidéo enregistrée.

Quelques jours après la sortie de Wahiba, le Parti marocain libéral (PML) de Mohamed Ziane a réclamé la dissolution de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), également dirigée par Abdellatif Hammouchi et tenue responsable par l’ancien bâtonnier de laisser fuiter des contenus diffamatoires.

La DGSN réagit à l’affaire Wahiba Kharchich

Des accusations suffisamment graves pour faire réagir le directeur de la police judiciaire au sein de la DGSN, qui s’est exprimé ce samedi 5 décembre. Dans un entretien accordé à la MAP, Mohamed Dkhissi a déploré que certaines parties profitent de la marge de liberté que permettent les nouveaux médias pour la détourner à des fins personnelles, diffuser de fausses informations ou encore diffamer personnes et institutions.

Celui qui est également directeur d’Interpol au Maroc a souligné que le royaume avait connu un changement significatif en termes de droits et de libertés, tout en indiquant que «personne n’a le droit d’exploiter cette évolution pour faire des déclarations qui incluent des insultes, des diffamations et des atteintes à l’honneur des gens».

Dans ce même entretien, Mohamed Dkhissi a souligné que l’affaire de Wahiba Kharchich a «passé toutes les étapes judiciaires». «Toutes les procédures juridiques et administratives requises dans cette affaire» ont été effectuées, a-t-il martelé. Selon lui, les conclusions ont été soumises à la Direction générale de la sûreté nationale, avant que l’Inspection générale n’entre en ligne pour écouter la fonctionnaire suspendue.

«Les instructions écrites que j’ai reçues du directeur de la sûreté nationale indiquent qu’‘il faut appliquer la loi, ne ménager personne et aller jusqu’au bout’», a souligné Mohamed Dkhissi, d’où sa demande à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) d’ouvrir une enquête, sous la supervision du Parquet. Il a par ailleurs affirmé qu’Aziz Boumehdi a été écouté, avant que le juge d’instruction ne décide de la non-poursuite.

«Le Parquet et la défense de l’intéressée ont fait recours contre cette décision du juge d’instruction, qui a été confirmée, avant que l’affaire ne soit portée en cassation, où la décision a de nouveau été confirmée», a ajouté Mohamed Dkhissi. Dans le même sens, il a assuré qu’Aziz Boumehdi «n’a bénéficié d’aucun privilège».

Une semaine après la fuite de la vidéo impliquant Me Ziane et Wahiba Kharchich, le responsable a finalement révélé que la justice a «donné des instructions à la police judiciaire pour mener une enquête fine et engager toutes les procédures».

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