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Grand Angle

Les décharges d'Agadir : Emblématiques des difficultés marocaines

La mode est aux décharges contrôlées au Maroc. Une dizaine ont déjà été mises en place. Cette solution moins polluante que les décharges sauvages est cependant loin d'être la panacée. A Agadir, les difficultés rencontrées par la commune urbaine et la société délégataire Tecmed Maroc sont emblématiques de tous les problèmes qui se posent au Maroc.

Publié
/DR abdouhouda
Temps de lecture: 3'

«Aujourd’hui, au Maroc, 36% des déchets ménagers urbains vont dans des décharges contrôlées», indique Hassan Chouaouta, président de l’association AMEDE (Association Marocaine des Experts en gestion des Déchets et en Environnement) de conseil aux collectivités locales.

Il s’agit de décharges isolées de la terre par plusieurs membranes imperméables pour empêcher les infiltrations. Depuis le début des années 2000, 10 décharges contrôlées ont été construites au Maroc dont une à Agadir mise en service en 2010. Dans sa gestion de la décharge, Agadir est emblématique des difficultés de toutes les grandes villes du Maroc.

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Situé à près de 6km d’Agadir, «le Centre d’Enfouissement Technique (CET) de Tamelast regroupe les déchets de 9 communes. C’est une façon de minimiser les coûts», explique Chikh El Khorchi, ingénieur chef propreté pour la commune urbaine d’Agadir. «La tendance poussant à créer d’immenses décharges prêtes à accueillir les déchets de grands ensembles urbains est problématique, notamment parce que cela suppose de transporter les déchets sur de longues distances», souligne Simon Cadio, chargé d’affaires en gestion des déchets pour l’entreprise de conseil aux collectivités locales Iskane.

Si ces nouvelles décharges ont tout de même permis d’éviter d’augmenter la pollution des nappes phréatiques, elles n’ont pas, sauf hypothétiques centre de tri, prévu de place pour les chineurs et autres récupérateurs. Grâce à leur travail en ville et sur les décharges, ils permettent le recyclage de 10% de la masse totale des déchets au Maroc et 33% de la masse recyclable, selon une étude Sweep-Net de 2010. A Tamelast, ils sont l’objet des griefs de Tecmed Maroc, la filiale de la société espagnole en charge de la gestion du site. «Tecmed ne recouvre pas quotidiennement les ordures de terres comme ce doit être le cas, selon le cahier des charges», affirme Chikh El Khorchi. «L’opération de recouvrement des déchets prend du retard en raison de la présence sur le site de chiffonniers-trieurs qui interviennent accompagnés, généralement de leurs animaux», répond la direction de Tecmed. Se faisant, les déchets restent à l’air libre et rendent nauséabond l’air ambiant par la putréfaction, en particulier, des déchets organiques.

Ils représentent, à eux seuls, 65% des déchets, au Maroc. Cette proportion est beaucoup plus importante que dans les pays européens. Une chance car la pollution qui en émane est moins complexe, mais aussi un gâchis : ils sont valorisables. Aujourd’hui, le compostage, largement expérimenté dans les années 70, au Maroc a souvent échoué et ne concerne plus que 1% des déchets. Les déchets organiques sont composés à plus des deux tiers d’eau, aussi, les lixiviats - l’eau qui s’écoule de la putréfaction et qui s’infiltre en «essuyant» tout le contenu la décharge - sont-ils très importants.

A Agadir, ces «jus de poubelles», tellement nauséabonds qu’ils sont la source d’une véritable pollution olfactive pour le voisinage de la décharge en fonction des vents, ont failli déborder de leurs bassins de rétention. En juillet 2011, ils ont été aspirés par Tecmed puis emportés sur le site de l’ancienne décharge. «Nous avons plutôt réalisé une injection du lixiviat à l’intérieur de l’ancien corps des déchets au niveau des puits», indique la direction générale de Tecmed Maroc. Cela contribue à favoriser du biogaz, qui est par la suite brulé conformément au cahier de charges.» Le plus sûr moyen, surtout, puisque l’isolation de la décharge, pour sa réhabilitation, s’est faite par-dessus et non par-dessous le corps de déchets, pour que ces encombrants lixiviats s’écoulent de proche en proche dans les nappes phréatiques. Leur récupération dans les bassins étaient justement destinée à éviter ces infiltrations.

Les biogaz, ainsi que les nomment Tecmed, sont en fait des gaz qui s’échappent de la décharge avec la décomposition des déchets organiques et sont en majeure partie constitués de méthane, un gaz très explosif dont l’impact sur l’effet de serre est 20 à 25 fois plus élevé que celui du gaz carbonique. Ce gaz s’échappe de la décharge par une cheminée où il est brûlé pour en limiter la pollution. «Ce qui se passe à Agadir, doit interpeler. Chaque ville a une vieille décharge et ce sont de véritables bombes écologiques», alerte Mehdi Guadi, délégué exécutif de l’Association Marocaine pour les Eco-Villes (AMEV). Les torchages, une quinzaine au Maroc, associés systématiquement à la réhabilitation d’anciennes décharges, signalent leurs emplacements.

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Avec le développement du royaume, la composition des déchets va évoluer. « Aujourd’hui, quand une mère de famille achète des produits au marché, sa famille mange tout et il ne reste que des épluchures. Avec l’enrichissement de la population vient le consumérisme et un changement des habitudes de consommation où les emballages divers sont plus importants, notamment », explique Mehdi Guadi, délégué exécutif de l’Association Marocaine pour les Eco-Villes (AMEV). Des déchets plus complexes, des pollutions durables. En France, en 2007, seuls 32,3% des déchets étaient putrescibles, contre 65% au Maroc. 

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