Si la finance islamique a eu du mal à démarrer en France, une nouvelle dynamique pourrait être en train d’émerger. Après les comptes courants lancés par Chaabi Bank en 2011 (ndlr filiale du groupe marocain Banque Populaire), c’est un nouveau produit qui voit le jour : l’assurance-vie ‘charia compliant’. «On a identifié une demande de plus en plus manifeste. Comme l'assurance-vie est le contrat d'épargne préféré des Français, cela faisait sens de convertir aux principes de la finance islamique un contrat d'assurance-vie», a expliqué à l'AFP Anouar Hassoune, directeur de la Sicav. Le lancement de ce produit est prévu d’ici la fin avril. Mais avant, un «Sharia Board» ou comité de conformité devra valider la conformité du portefeuille à la loi islamique.
Contrairement à un contrat d'assurance-vie traditionnel, le contrat d'assurance-vie «islamique» est uniquement composé d'unités de compte [à capital non garanti], en raison de l'absence d'obligations islamiques [sukuks] libellées en euros. Il s'apparente donc à un fonds de fonds islamiques. L'argent récolté par la Sicav, dont l’objectif est de 50 millions d’euros d’ici fin 2013, est ensuite investi dans des fonds répondant aux règles de la finance islamique, qui s'appuient sur la charia [absence d’usure et actif dans des secteurs non prohibés par l'Islam - exemple: Industrie alcoolique]. «Le principe de l'assurance-vie n'est aucunement illicite, ce sont davantage les éléments qui le composent qui doivent respecter certains principes», a souligné M. Hassoune. Parmi eux figure par exemple le fait de n'avoir recours qu'à des actions d'entreprises faiblement endettées, au plus à hauteur d'un tiers de la valeur économique de leurs fonds propres.
Une question d’éthique
Les promoteurs de l'assurance-vie 'charia compliant' visent, à la fois, une clientèle musulmane et non musulmane. La crise financière ayant entrainé un manque de confiance prononcé sur les marchés, les investisseurs sont à la recherche de valeurs plus ou moins sûres. «On sent que les gens veulent se positionner sur de l'éthique. Ils n'ont plus confiance dans le système financier», a relevé Patrick Zen, dirigeant de la Compagnie française de conseil et d'investissement (CFCI), distributeur non exclusif de cette assurance-vie. Pour appuyer ce raisonnement, Anouar Hassoune confie que la première personne à avoir souscrit au contrat d'assurance-vie qu'il propose n'est pas musulmane et qu'elle avait investi «plusieurs centaines de milliers d'euros».
En dépit de ces avancées, la finance islamique en France reste encore «embryonnaire», comme l’a souligné le coordinateur du pôle finance islamique à l'Université Paris Dauphine, Kader Merbouh. Ce, contrairement à d’autres pays européen où la finance islamique est plus développée. C'est le cas par exemple du Royaume uni où les actifs financiers «islamiques» s’élèvent à près de 19 milliards de dollars. Il est vrai qu'en 2008 l'Etat français avait annoncé sa volonté de promouvoir une finance conforme aux préceptes de l'Islam. Cependant, pour Kader Merbouh, «il faut du temps pour que les gens, musulmans ou non, s'y intéressent».