Saad et Farid, 28 et 22 ans, veulent aujourd’hui une chose : que l’Etat français reconnaisse son erreur et que le tort causé à toute une famille soit réparé. Avec leurs avocats, Me Julien Marco et Me Thierry Sagardoytho, les deux frères poursuivent les démarches pour obtenir justice. Ils ont été arrêtés puis relâxés dans le cadre d’une descente des forces de l'ordre dans les «milieux islamistes radicaux présumés» pour lutter contre le terrorisme en France.
Tout a commencé le mercredi 4 avril dernier. La police s’est introduite violemment au domicile familial des jeunes hommes à Pau, défonçant la serrure de la porte à coup de feu, rapporte Le Monde. Le père de famille, Mohamed, pensant que c'était un problème de gaz, alla vérifier. Alors qu’il sort de la cuisine, un policier braque un fusil sur lui et lui demande de se coucher à même le sol. «Par terre, Par terre !», hurle-t-il. Les policiers ont alors récupéré ceux qui les intéressaient, les deux fils de Mohamed, Saad et Farid qu'ils ont tout de suite menotté. La police a fouillé leurs chambres de fond en comble et confisqué leurs téléphones mobiles, ordinateurs portables et disques durs. «Ils vont leur faire comme à Mohamed Merah ?», demande Assia, la benjamine pendant que la police embarque les jeunes hommes.
Seule piste policière : des voyages touristiques
Entre septembre 2011 et janvier 2012 Saad et Farid Z. avaient voyagé en Inde, en Birmanie, en Thaïlande et au Cambodge, juste après le bac pro de menuisier-aluminium du benjamin. L’Inde, parmi tous ces pays, est le seul frontalier avec l’Afghanistan, les soupçons de la police seraient basés uniquement là-dessus. Les deux frères sont restés en garde à vue, bien qu’un collègue de Saad ait témoigné avoir voyagé en Inde avec eux. A ce moment, les enquêteurs abordent la question de la religion. «Nous prions cinq fois par jour mais pas à la mosquée puisqu'on travaille, nous faisons le ramadan, et oui, on aimerait aller à La Mecque. Nous l'avons dit, explique Saad au Monde. «De temps en temps, on entendait dans le commissariat, "Ils sont encore là, les terroristes ?"», lance Farid.
«L'enquête du vide»
Jeudi 5 avril en soirée, ils ont été relaxés. Mais leurs avocats sont déçus. «Ils n'ont eu droit à aucun mot d'excuse alors qu'on les a salis», a déclaré à La République Me Thierry Sagardoytho. Pour lui, la police est allée trop loin. «Si le voyage en Asie de nos clients posait question, une convocation au commissariat suffisait, s'insurge-t-il. Pour placer quelqu'un en garde à vue, il faut des indices laissant présumer la commission d'une infraction. Or, les enquêteurs ne disposaient d'aucun élément. Alors que Mohamed Merah, repéré par la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur), n'a pas été inquiété avant ses assassinats, on peut s'étonner que des gens ne figurant même pas dans les fichiers locaux du renseignement intérieur fassent l'objet d'un tel traitement», argumente l’avocat. «C'est l'enquête du vide», martèle Me Sagardoytho.
Après leur remise en liberté, Saad, titulaire d'une licence professionnelle de formateur et conseiller à Pôle emploi à Pau, est retourné à son travail. Farid, quant à lui, a perdu son job en intérim lors de son arrestation. Il est retourné à l’agence d’intérim où il a pu décrocher un nouvel intérim dans le bâtiment. Leur père, arrivé en 1973 du Moyen Atlas marocain pour travailler dans les usines françaises de chocolat Lindt, est encore meurtri par l'incident.