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Grand Angle

Casablanca : Parents d’élèves et enseignants alertent sur le déclin programmé d’Al Jabr

Etablissement scolaire qui s’est construit une aura au fil des années, Al Jabr à Casablanca vit des temps incertains. Confrontés à l’absence de dialogue de la part des nouveaux propriétaires, parents d’élèves et acteurs pédagogiques s’inquiètent de la gestion de cet établissement, rattaché aux écoles françaises.

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Nouvelle école Al Jabr à Bouskoura / Ph. Al Jabr
Temps de lecture: 4'

L'inquiétude des parents d'élèves de l’école Al Jabr de Casablanca, ne concerne pas uniquement l'adaptation péfagogique en période de pandémie. Depuis le rachat de l’établissement en 2017 par le groupe Holding générale d’éducation (HOLGED), rien ne semblerait aller entre les nouveaux propriétaires, les cadres de l’institution et les parents. Organisés en association, ces derniers expriment leur colère, face à des décisions qu’ils jugent unilatérales de la part du holding, mais surtout contraires au bon fonctionnement éducatif de l’institution.

Secrétait général de l’Association des parents d’élèves (APE) d’Al Jabr, Mohamed Karaoui a déclaré à Yabiladi les nouveaux acquéreurs n'auraient pas respecté leurs engagements concertés avec l’APE. «Lors de ce rachat, l’association des parents d’élèves s’est réunie avec le président du groupe pour avoir des assurances, en discutant certains points. Il s’est engagé avec nous sur le fait de garder l’équipe éducative, avec à sa tête la directrice générale de l’école, Najate Belkady Chraïbi. Il a également été prévu que toute augmentation de frais de scolarité soit justifiée et soumise à l’APE pour approbation, que toute extension ou nouvelle construction soit proposée à l’avis de l’APE, entre autres obligations», a-t-il insisté.

Sauf que ces clauses «n’ont pas été respectées», selon ce parent d'élève, à commencer par ce dernier point à travers «la construction d’Al Jabr junior et d’un collège-lycée à Bouskoura».

Des parents d’élèves au pied du mur

«Les choses se sont aggravées avec des restrictions budgétaires, la réduction des horaires de travail des enseignants avant même le confinement sanitaire, de même que leurs rémunérations, certains ne touchent que la moitié de leurs salaires», souligne-t-il. L’année dernière, «les restrictions ont touché aussi des frais de fonctionnement, au point où les classes n’étaient plus toutes équipées de matériel de base, nécessaire au bon déroulement des cours (brosses ou craie)», a fustigé Mohamed Karaoui. A Bouskoura, la situation serait plus critique, avec «la suppression des cours de soutien gratuits pour les enfants en difficulté ou des examens blancs».

La goutte qui a fait déborder le vase, selon le secrétaire général de l’APE, c’est sa «surprise d’une décision récente prévoyant de renvoyer la directrice, en pleine période de pandémie où il est difficile pour une personne n’ayant pas autant d’expérience qu’elle de gérer le bon déroulement des cours». L’inquiétude parmi les parents d’élèves grandit, d’autant plus que «c’est une année scolaire charnière avec la réforme du baccalauréat et les changements de programmes».

Vu les conditions sanitaires générales, élèves et parents vivent «un stress considérable», dans une atmosphère tendue où «les départs forcés s’étendraient à tous les cadres anciens de l’établissement après le départ de la directrice», redoute Mohamed Karaoui. Un calcul purement financier, selon lui, au détriment de la qualité pédagogique.

Pourtant, Mohamed Karaoui dit avoir porté la situation à la connaissance des interlocuteurs de l’établissement au sein de l’ambassade de France.

«En leur présence, nous nous sommes réunis en conseil d’établissement, le 16 janvier 2020. Malheureusement, les propriétaires ne sont pas venus car ils savaient qu’il y aurait des tensions. En effet, l’association des parents d’élèves a dénoncé les décisions qui ont impacté le rendement pédagogique de l’école, mais sans que son administration ne reprenne les choses en main. Pour la première fois en neuf ans au sein de l’APE, j’assiste à un conseil où le propriétaire est absent.»

Mohamed Karaoui

Depuis la rentrée scolaire de septembre dernier, les choses ne se sont pas arrangées. «Jusqu’à lundi dernier, nous sommes entrés à l’école en exprimant notre colère et en demandant à ce qu’une rencontre avec la direction soit prévue, mais personne n’est venu nous voir», a-t-il souligné, déplorant que les nouveaux administrateurs «ne veulent pas discuter».

Contacté par Yabiladi au sujet de la situation actuelle, l’établissement n’a pas répondu à nos sollicitations téléphoniques. Pour sa part, le secrétaire général de l’APE décrit des «élèves et parents très inquiets, dans l’incertitude totale».

Un personnel pédagogique sous pression

Egalement contacté par Yabiladi, un membre du personnel pédagogique d’Al Jabr estime que la situation a impacté les enseignants et même l’ancienne directrice, récemment remerciée. «Depuis près de deux ans, nous avons été étonnés d’un changement inexpliqué dans la gestion. Sans jamais nous en parler pour ne pas démoraliser ses équipes, Mme Chraïbi subissait elle-même la pression des nouveaux acheteurs, qui ont voulu imposer une vision mercantille de l’enseignement et à laquelle elle a tenu tête pendant longtemps», nous confie notre source.

Selon elle, ce serait même la raison pour laquelle la responsable aurait été «remplacée par quelqu’un qui exécutera tout ce qu’on lui demande». «J’ai cru comprendre que le nouveau propriétaire voulait augmenter les frais de scolarité et que la directrice aurait refusé cette décision comme plusieurs autres, qu’elle a considérées comme injustifiées et non-recevables d’un point de vue administratif et éducatif», nous déclare-t-elle. La directrice aurait ainsi «été forcée à partir parce qu’elle a osé dire non lorsqu’il a fallu le faire».

Notre interlocuteur affirme également que des enseignants auraient été mis sous la pression d’accepter des réductions salariales ou de partir, ce qui «n’a pas fait courber l’échine de ceux qui tiennent à remplir entièrement leur engagement pris pour les enfants et leurs parents, quitte à ne plus être payés même».

«Lorsqu’on investit dans un projet pédagogique, on n’objectivise pas l’école en en faisant un fonds de commerce et en mettant en péril l’avenir de nos enfants. Si on parle de protection de l’enfance parce que la triste actualité de ces dernières semaines a remis ce débat en avant, protégeons-la aussi en garantissant son droit à l’éducation qui ne doit pas faire l’objet de surenchère.»

Source au sein d’Al Jabr

Ce membre du personnel pédagogique déplore  l'absence de dialogue direct avec les nouveaux propriétaires : «Nous n’avons jamais vu ce monsieur et il ne s’est jamais réuni avec nous.» Bien que ce climat est psychiquement pesant, il estime que «cette non-communication est une raison de plus pour ne pas perdre de vue la priorité éducative et ne pas céder au rapport de force qui veut être imposé par la nouvelle direction».

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