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Grand Angle

Fikra #48 : Au Maroc, l’enseignement de demain passera par les TIC ou ne passera pas

Dans une étude sur les compétences numériques chez les futurs enseignants marocains, quatre chercheurs interrogent les difficultés auxquelles se heurte la mise en place d’un enseignement numérique au Maroc.

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Photo d'illustration. / DR
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L’éducation n’échappera pas à la numérisation des contenus. Partant de ce constat inéluctable, les chercheurs Mourad Benali, Toufik Azzimani, Mehdi Kaddouri et Mohammed Boukare se sont penchés, dans une étude publiée en 2019, sur les compétences numériques chez les futurs enseignants marocains en formation initiale.

L’un des constats qui ressortent, c’est que ces derniers peinent à se familiariser avec les technologies de l’information et de la communication, plus connues sous l’acronyme «TIC». «Les principaux obstacles relèvent de l’ordre du manque de compétences techno-pédagogiques chez les enseignants, du manque relatif en quantité et qualité des ressources numériques éducatives adaptées aux programmes enseignés et, enfin, de l’insuffisance et de la mauvaise gestion des équipements informatiques», relèvent les auteurs de l’étude.

Ils en veulent pour preuve un rapport d’évaluation publié par la Cour des comptes en 2014, qui avait mis au jour les anomalies du programme de généralisation des TIC dans l’enseignement marocain. Pêle-mêle, le rapport faisait état d’un retard dans la mise en place des infrastructures dédiées à ces technologies, «ce qui a créé une disparité dans l’équipement entre les établissements scolaires et, par la suite, dans les connaissances et le savoir relatifs aux TIC entre les régions», souligne l’étude. Même si, fait important, «les futurs enseignants marocains se disent relativement à l’aise dans l’usage de logiciels spécifiques au traitement de l’image, de la vidéo et de l’audio».

Encadrer et familiariser les enseignants avec les TIC

L’encadrement des enseignants et leur familiarisation avec ces nouvelles technologies est pourtant primordial, plaide Mourad Benali, l’un des coauteurs de l’étude, contacté par Yabiladi. «L’intégration des TIC ne réside pas uniquement dans l’équipement des établissements et la formation des enseignants du numérique, mais dans une implication globale du système, notamment le curriculum disciplinaire et les programmes, les méthodes d’enseignement, l’évaluation et le suivi des enseignants et des élèves, le fonctionnement des établissements, les relations entre tous les acteurs de la communauté», estime cet enseignant. «Encadrer et promouvoir les bonnes pratiques pédagogiques intégrant les TIC auprès des enseignants est primordial pour la durabilité de tout programme d’intégration des TIC dans l’éducation», recommande-t-il.

Ces nouvelles technologies vont en effet être amenées à reconfigurer les modes d’apprentissage et de transmission des savoirs. «L’émergence des TIC dans l’enseignement a bouleversé entièrement le rapport au savoir et au processus de l’enseignement-apprentissage», explique Mourad Benali.

«L’intégration des TIC dans le processus d’apprentissage offre plusieurs avantages, notamment la motivation accrue chez les apprenants, la communication augmentée et améliorée, l’accès plus important à l’information et aux connaissances, l’enseignement plus efficace et plus individualisé et la plus grande autonomie des apprenants», énumère cet enseignant des sciences de l’ingénieur, se référant aux travaux menés par les chercheurs Thierry Karsenti et François Larose sur le rapport entre pédagogie et nouvelles technologies.

De la nécessité d’une réforme de l’enseignement informatique au Maroc

«A titre d’exemple, l’usage croissant des appareils mobiles, comme les smartphones ou les tablettes, permet des opportunités d’apprentissage plus flexibles, puisque l’apprentissage se fait désormais partout et à tout moment. De plus, ces équipements mobiles estompent la frontière entre l’apprentissage formel et informel», souligne encore Mourad Benali.

L’enseignant s’en remet également à l’intelligence artificielle et à la démultiplication des possibilités qu’elle a entraînée, en l’occurrence dans le domaine de l’éducation. «L’intelligence artificielle permet de créer des contenus personnalisables au moyen d’applications et de logiciels d’apprentissage adaptatif, et d’élaborer des diagnostics à des fins de suivi et de contrôle à travers des tuteurs virtuels intelligents», argumente-t-il.

«Un autre exemple est celui de l’enseignement du codage qui vise à ce que les élèves acquièrent les compétences nécessaires pour développer des applications informatiques basées sur des algorithmes. L’apprentissage du codage permet aux élèves d’organiser, d’exprimer et de partager leurs idées sous d’autres formes et à l’aide de la pensée algorithmique (ou computationnelle), qui se trouve au fondement des sciences informatiques.»

Mourad Benali 

Des promesses qui ne se concrétiseront que si une profonde réforme de l’enseignement informatique au Maroc est mise en place, «en allant au-delà de l’alphabétisation, de la bureautique et de l’usage de l’outil vers un niveau supérieur, celui d’une science de modélisation, de raisonnement, d’analyse, de résolution de problèmes et de créativité», soutiennent les chercheurs, cette fois-ci sur la base des recommandations formulées par le chercheur marocain Ibrahim Ouahbi, également enseignant en informatique.

Une réforme qui devrait passer par la mise en place, dans le système éducatif marocain, de procédures de certification de compétences en TIC, à l’instar du B2i et du C2i en France et du Passeport TIC en Belgique. «En fait, la mise en place d’une telle certification renforcera l’assimilation et les usages des TIC chez les apprenants dans tous les cycles», concluent les chercheurs.

La revue

La Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire est une revue scientifique créée en 2004. Elle est spécialisée dans les dimensions pédagogiques de l’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’enseignement supérieur.

L'auteur

Mourad Benali est enseignant-chercheur en sciences de l’ingénieur au Maroc. Il a notamment participé à la fondation du Réseau marocain de l’éducation et de ressources (MEARN). Il est titulaire d’un master en didactique et technologies éducatives et est l’auteure d’un doctorat sur l’impact des technologies mobiles dans l’apprentissage des sciences et des techniques. Mourad Benali est également membre du laboratoire de recherche CEDUC à l'université Mohammed Ier à Oujda. Auteur de plusieurs recherche sur l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement, il conduit actuellement ses recherches sur l’élaboration d'un référentiel de compétences numériques de la profession de l’enseignement supérieur.

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