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Sida : Le Maroc assume ses responsabilités

Jamais un mois de décembre n’a connu autant de rouge au Maroc. Pin’s, écharpes, affiches…la couleur de la passion se décline un peu partout. Rassurez-vous, le père Noël n’y est pour rien. La star du moment est d’un tout autre calibre, assez imposante pour mobiliser les instances internationales, le gouvernement, les associations, les imams et les professionnelles du sexe! Le SIDA fait de plus en plus parler de lui, les langues se délient et c’est tant mieux pour nous.

Des chiffres, des chiffres et des chiffres. 1120 malades du SIDA ont pu profiter du traitement en 2005, contre 167 en 2001. Rassurant ? Certes, d’un certain côté. Mais cela n’empêche que le virus gagne du terrain en parallèle : il y a actuellement entre 16 000 et 20 000 séropositifs au Maroc et le taux de développement annuel atteint…20%.

Les chiffres sont faibles mais alarmants rapporte Jeune Afrique l’Intelligent. En effet, la situation peut rapidement évoluer, plus par manque d’information que par inconscience. La majorité des Marocains n’en ont jamais entendu parler ; les plus éclairés d’entre eux croient que le SIDA s’attrape à travers une poignée de mains ou…le tabac. D’où le rôle des medias estime Al Bayane. « Il faut faire passer dans l’espace public l’information avec le poids des mots et le choc des images. Il s’agit de rompre le silence, de briser les préjugés et les tabous forgés par l’ignorance ». Cela risque d’être particulièrement délicat, mais c’est surtout indispensable. Nous n’avons plus le temps de tourner autour du pot quand on sait que le SIDA se transmet par voie hétérosexuelle dans 85% des cas.

Mais alors, « le SIDA comme bouzelloum ? » s’interroge l’Opinion. Si autrefois pour parler des rapports sexuels douteux, « on utilisait à demi-mots des expressions jugées aujourd’hui comme barbares ou traumatisantes », ces maladies sont actuellement « réduites à de simples abréviations (MST, SIDA, HIV...), alors que grossissent les virus, à l’instar des bénéfices des laboratoires pharmaceutiques ».

Mais au-delà de la terminologie, « comment dire le SIDA au Maroc ? » demande Libération. « Avoir le sida, signifie tout simplement que l’on souffre en silence, et que le remède le plus efficace se trouve en des instants d’intimité partagée avec les autres. Porter cette souffrance sur plateaux et scènes n’est forcément pas un traitement meilleur », estime le quotidien, faisant évidemment allusion à Sidaction. Le Téléthon marocain a tout de même eu le mérite, en plus de rassembler des fonds, de montrer l’autre face du SIDA. Des témoignages poignants de sidéens qui déclarent que le plus dur n’est pas la maladie, ni le traitement. Le véritable bourreau est la société, le regard des autres, des « sains de corps » (et d’esprit ?). Le SIDA au Maroc est perçu comme « le fruit d’un excès de sexe, d’alcool et de drogue. Le résultat d’une vie de travers, de bout en bout » signale Aujourd’hui le Maroc.

La solution ? Sensibiliser, continuellement. Les efforts doivent s’inscrire dans la durée et ne pas se limiter à des campagnes ponctuelles. La coordination des actions doit également être de mise, c’est pour cette raison que le réseau ROMS est né. Une trentaine d’ONG marocaines contre le SIDA se sont unies pour optimiser les chances de réussite des actions qui sont certes nombreuses mais trop isolées. Qui doit-on cibler ? Les jeunes, parce que « la politique de l’autruche n’est plus de mise : nos jeunes ont une vie amoureuse et il nous faut sans provocation, mais sans langue de bois, leur donner les armes nécessaires pour se préserver » continue Aujourd’hui le Maroc. Les imams, parce que la religion dépasse les tabous. Un groupe d’entre eux est d’ailleurs en train de suivre une formation, fruit de la collaboration des Ministère des Affaires Islamiques et de la Santé et du Fond Mondial de Lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose. Enfin, les professionnelles du sexe, plus exposées que tout autre catégorie à contracter le SIDA et à le transmettre. «Filles de joie et sensibles » titre à ce propos Le Journal Hebdomadaire. L’Association de Lutte Contre le SIDA (ALCS) se charge de former 15 prostituées d’ici à fin décembre, qui à leur tour pourront en informer d’autres. L’éducation par pairs est décidément le mot d’ordre du combat contre le SIDA puisque les actions de proximité sont les plus aptes à donner des résultats.

Les Marocains se réveillent. Les 25 millions de Dh récoltés par Sidaction prouvent bien qu’un autre monde est possible…Peut être pas un monde sans SIDA, mais du moins un monde qui se protège, accepte et respecte le sidéen. Responsabiliser sans culpabiliser, prendre en charge sans poser en victime, pour que le SIDA devienne une maladie comme les autres.

Salma Daki
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