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Villepin appelle à "éviter certains amalgames"

Vendredi 18 novembre, dans l'avion qui le conduit à Strasbourg, le premier ministre décide de modifier le discours qu'il s'apprête à tenir pour le soixantième anniversaire de l'ENA. Au terme de vingt jours de violences dans les banlieues, Dominique de Villepin s'inquiète du "climat d'excitation" dans le pays. Il sent les Français déboussolés et sa majorité se raidir. "Une ambiance anti-bougnoules", dit un de ses proches.

Jeudi encore, comme les jours précédents, Matignon a reçu quelque 2 000 courriers électroniques remplis de haine et de racisme. Selon un sondage du Point publié le 17 novembre, 63 % des Français approuvent les déclarations de Nicolas Sarkozy sur l'expulsion des étrangers fauteurs de troubles, même ceux qui sont en situation régulière. La loi n'a pas été modifiée mais l'opinion semble apprécier les discours musclés. Enfin, depuis quarante-huit heures, certains ministres, comme le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, et plusieurs élus UMP, dont le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, ont pointé la polygamie et le regroupement familial comme causes des violences urbaines.


"CRISE DES VALEURS"


Pour M. de Villepin, c'en est trop. Il se présente, vers 11 heures devant les élèves de l'ENA, avec un message ferme pour son propre camp. "Il faut éviter certains amalgames (...). Une majorité des populations de ces quartiers ne veut pas être stigmatisée (...). Les habitants ne veulent pas que leur quartier soit frappé du sceau de l'infamie", affirme-t-il devant la promotion Simone Veil. Alors que le ministre de l'intérieur a dénoncé la "racaille" et les "caïds" qui se cachent derrière les "grands frères", il met en garde contre la recherche d'une "cause unique". "Je crois au rassemblement, pas à la suspicion, à la recherche de responsables", martèle-t-il. Jeudi au Sénat, il avait dénoncé ceux qui cherchent des "boucs émissaires".

M. de Villepin impute, lui, le malaise des banlieues à la "crise des valeurs", au chômage, à un "urbanisme inhumain" et aux déficiences des services publics. C'est sur ce terreau que, selon lui, le décès des deux adolescents de Clichy-sous-Bois, la "situation particulière à la Mosquée" — euphémisme pour évoquer le jet d'une grenade — et le "mimétisme entre bandes rivales" excitées par leur exposition dans les médias ont embrasé les quartiers.

Aux élèves de l'ENA, il propose de "restaurer les principes républicains" en "faisant vivre l'égalité des chances". Une nouvelle fois, il s'oppose à M. Sarkozy sur l'idée d'amender la loi de 1905 : "La laïcité permet d'éviter des discriminations, comme celles entre les garçons et les filles", insiste le premier ministre, qui ne veut pas toucher à la loi. A l'inverse, il semble réconcilié avec le ministre de l'intérieur sur la discrimination positive. "Egalité des chances ou discrimination positive : c'est une bataille des mots. Nous sommes d'accord, dès lors qu'il ne s'agit pas de réserver des avantages à quelqu'un en fonction de sa race ou de sa religion, mais uniquement en fonction des territoires [de résidence]", dit-il. M. de Villepin critique aussi ceux qui, à droite, ont relancé le débat sur la suppression des allocations familiales aux parents d'enfants fauteurs de troubles. "Il faut préparer un dispositif gradué pour inciter les parents à assumer leurs responsabilités", confie-t-il.

Le premier ministre quitte ensuite l'ENA pour faire une nouvelle incursion discrète dans les banlieues. Cette fois-ci, c'est dans un restaurant d'insertion qu'il écoute les doléances des responsables associatifs, des éducateurs. Et celles d'Imen, une jeune femme de 20 ans en école de commerce, qui lui demande de "ne pas seulement changer les quartiers mais aussi de changer la France".


Source: Le Monde

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