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Des jeunes diplômés chômeurs devant le Medef 93

Quand on lui a demandé son prénom, il a hésité avant de répondre : "Mettez "Claude". C'est mon prénom français." Celui qui vaut à Djamel de recevoir enfin des réponses plus substantielles à ses demandes d'emploi que la formule consacrée : "Désolé, vous n'avez pas le profil."

Djamel l'a adopté après avoir consulté un cabinet de conseil en recrutement, qui l'a aidé à "refaire un CV correct". "J'ai des préférences", a-t-il déclaré à un recruteur qui, découvrant son visage, se montrait interloqué : "C'est "Claude" pour la vie professionnelle. Et "Djamel" pour la vie amicale."


Né à Montreuil (Seine-Saint-Denis), d'une mère d'origine algérienne et d'un père tunisien, ce jeune homme de 25 ans est titulaire d'une maîtrise en gestion d'entreprise obtenue en 2003 à l'université Paris-XII (Créteil). Depuis, il a obtenu quelques stages, un contrat à durée déterminée de deux mois, mais aucun emploi durable.


"PHASE D'ESPÉRANCE"


Djamel fait partie des 200 jeunes chômeurs diplômés de Seine-Saint-Denis — minimum bac+4 — qui ont été sélectionnés pour l'opération "Nos quartiers ont du talent", organisée par le Medef nord- francilien. Bon nombre d'entre eux sont des Français issus de l'immigration. But de cette initiative : les mettre en contact avec les 80 entreprises du département qui se sont engagées à leur accorder un entretien individuel dans un délai de deux mois, si leurs qualifications correspondent à un poste à pourvoir.

Le lancement de l'opération a eu lieu à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), jeudi 18 novembre, en présence du ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag, de la présidente du Medef, Laurence Parisot, et d'élus de Seine-Saint-Denis, dont les députés Bruno Le Roux (PS) et Eric Raoult (UMP).

Nordine, lui, a choisi de forcer le trait. Titulaire d'un DESS en marketing, ce jeune homme né en Picardie de parents marocains arrivés en France en 1968, adresse systématiquement deux CV aux entreprises. Ceux qui sont rédigés à son nom ont reçu de rares réponses écrites, toutes négatives. "Richard Delatour", lui, s'est vu proposer plusieurs entretiens d'embauche. Un "recruteur" s'est agacé en découvrant la supercherie ; les autres se sont montrés plus compréhensifs, mais n'ont pas proposé le moindre poste à Nordine.

Après avoir "galéré pour financer ses études", ce dernier voudrait qu'on lui propose "ce qu'il mérite" ; et pas seulement ces postes de télémarketing, où "l'on doit mettre un casque sur ses oreilles, en évitant de faire travailler ses méninges". Nordine souhaiterait que chaque entretien d'embauche fasse l'objet d'une "expertise" délivrée par une tierce personne, de préférence "un représentant de l'Etat".

Halima, 32 ans, reconnaît qu'elle a eu "beaucoup de chance". Née au Maroc, arrivée à l'âge de 3 ans, cette aînée d'une fratrie de neuf enfants, est titulaire d'un DEA de sciences de l'éducation. Ses parents habitent à Dijon. Pour financer ses études à Paris, elle a échangé des gardes d'enfants contre un petit logement à Neuilly-sur-Seine. Sa domiciliation dans cette banlieue huppée des Hauts-de-Seine lui a valu d'attirer l'attention d'une entreprise d'investissement de capital située dans le 8e arrondissement de Paris. "La personne qui m'a embauchée me l'a dit plusieurs années après", raconte Halima.

Née à Paris "d'une mère antillaise et d'un père africain", Géraldine, 24 ans, a commencé ses études en Martinique, avant d'obtenir, à Paris, une maîtrise de droit public. Elle habite depuis un an à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et cherche du travail depuis six mois. "Des entreprises qui réclamaient des débutants m'ont dit que je n'avais pas assez d'expérience", raconte-t-elle.

Sans trop d'amertume, pour l'instant : "Je suis quand même dans la phase d'espérance. L'an prochain, je ne tiendrai pas le même discours."

Jean-Baptiste de Montvalon
Source: Le Monde

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