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Emeutes en France : Les troubles vus du Maghreb

En Algérie comme au Maroc, la rue ne se prive pas de commentaires. Les autorités restent, elles, plus circonspectes.

De l'autre côté de la Méditerranée, les violences urbaines qui secouent certaines villes de France résonnent largement. Grâce aux antennes satellites, Algériens et Marocains suivent au quotidien les nuits d'émeutes et commentent. Parfois dubitatifs : «Y a-t-il vraiment des discriminations en France ? Les casseurs ont-ils envie de travailler ?» demandent des Marocains de la rue au premier touriste français de passage. Parfois interloqués : «Les beurs ont la chance de vivre dans un pays riche et démocratique, et ils se plaignent. Maintenant ce sera encore plus difficile pour nous d'avoir un visa», s'inquiète Rédha, un jeune chômeur algérien de 19 ans au look de rappeur, qui craint que ses projets d'émigration en France ou au Canada ne tombent à l'eau.

Mais les propos sont aussi très acerbes. «Quand Sarkozy a parlé de «racaille», on l'a pris pour nous. Moi, dans ma voiture, je me suis senti autant visé que les beurs. C'est lui qui a déclenché la violence», raconte Tarek, chauffeur de «petit taxi» à Rabat. «Mon frère vit depuis cinq ans en région parisienne, il a un bac plus quatre mais ne trouve pas de travail», renchérit Mohammed, un fonctionnaire interviewé sur Medi 1, une radio marocaine en langue française qui dresse chaque matin un bilan des événements. «Quelques jours avant le début des violences, il m'a dit qu'il envisageait de partir en Norvège où la situation de l'emploi est meilleure. Malgré le froid et les différences de langue et de culture», poursuit l'homme.

Si du côté des autorités rien n'est évoqué directement, certaines positions transparaissent dans la presse. C'est un profil plutôt neutre qui ressort des journaux algériens. «La France des droits de l'homme est un Etat suffisamment fort pour pouvoir surmonter une crise qu'elle n'a pas connue depuis Mai 68», peut-on lire dans el-Watan. Seuls certains journaux arabophones, en écho aux islamistes, reprochent à leurs autorités de ne pas soutenir les émeutiers. Ce que traduit Yassin, un intégriste de 35 ans, qui jubile : «Cette intifada contre le taghout (pouvoir impie) français fait honneur à l'islam. Comme la «racaille» de Bab el-Oued qui a fait trembler les généraux athées d'Alger pendant une décennie, celle de Seine-Saint-Denis finira, avec l'aide de Dieu, par avoir la peau de Sarkozy.»


«Français de mauvaise extraction»

Dans la presse marocaine jugée proche du Palais royal comme Aujourd'hui le Maroc, le ton, en revanche, est plus tranché. Dans son dernier éditorial, le journal apporte une explication cinglante. «Dix millions de citoyens français sont exclus. Relégués dans des banlieues sordides, ils sont livrés à tous les marchands de haine et de désespoir. Ces Français sont convaincus qu'ils n'ont aucune chance de sortir de leur condition uniquement parce qu'ils sont ce qu'ils sont. Des Français certes, mais de mauvaise extraction puisqu'ils ont le tort inexpiable d'être d'origine arabe ou africaine ou d'être musulmans. Des qualités ou des attributs complètement démonétisés sur le marché secondaire des valeurs républicaines.»

Mais la presse marocaine s'inquiétait aussi ces derniers jours de la possible annulation en raison des «graves événements», de la rencontre de football Maroc-Cameroun. Le match devait se dérouler demain à Evry-sur-Seine pour «ameuter un maximum de beurs et de beurettes». Il a finalement été déplacé au stade Charlety, «en plein coeur de Paris et à deux pas de la Cité universitaire», se félicite L'Opinion.

A ces inquiétudes terre à terre s'ajoute parfois l'ironie : notre pays devrait proposer la création d'une commission d'enquête pour aller voir ce qui se passe dans les banlieues parisiennes, se moquent en substance certaines gazettes algériennes.

Source : Le Figaro

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