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Maroc/ Algérie : Leçon amère

Le peuple marocain est sans doute en train de créer une différence qualitative avec son voisin de l’Est. La formidable mobilisation des Marocains devant le kidnapping de deux de leurs compatriotes par les groupes en activité en Irak contraste, en effet, avec l’inqualifiable passivité observée en Algérie lors du rapt de nos deux diplomates, malheureusement assassinés en fin de compte.

Mis à part l’Algérie officielle, aucune initiative réfléchie, durable, en leur faveur n’avait vue le jour. Ni partis politiques, ni media, ni associations, ni hommes de religion n’avaient pensé à mobiliser pour tenter de préserver les deux vies qui nous restent, qu’on le veuille ou non, à tous sur la conscience.

Ce n’est qu’après coup, lorsque le forfait fut accompli, que les voix se sont élevées pour la partition des infructueuses condamnations classiques. Pourtant à l’époque, dans les lieux publics, dans les familles mêmes, le sujet monopolisait les discussions algériennes.

Et même si les perceptions étaient différentes sur la guerre en Irak, tous, comme aujourd’hui au Maroc, entretenaient le fol espoir d’une libération des deux victimes. Les précédentes libérations d’otages entretenaient l’espoir et les esprits loin du fatalisme étaient prédisposés à faire quelque chose, à rejoindre les initiatives.

L’action s’est limitée alors à l’Algérie officielle. Une Algérie qui n’est plus la «Mecque des révolutionnaires», que l’épisode rouge a affaibli aux yeux, et qui, il faut l’admettre, n’est plus un «repère» pour les déshérités de la planète.

Et si aujourd’hui sa diplomatie opère un retour laborieux sur la scène internationale, ses formations politiques, ses organisations associatives et, dans une moindre mesure, son monde religieux restent à la traîne sur les affaires extérieures, y compris les causes qui nous concernent directement en tant que partie intégrante de la civilisation arabo-islamique.

Consternant ! Au Maroc, sur l’histoire des kidnappings en Mésopotamie, nous assistons à un traitement où les rôles s’expriment autrement que chez nous. Contrairement à l’attitude mesurée et correcte de notre diplomatie qui n’a à aucun moment blessé les sensibilités irakiennes, celle marocaine use de la vindicte, de menaces et se montre, comme à l’accoutumée, arrogante et pleine de morgue.

En revanche, on assiste à une mobilisation qui touche toutes les couches sociales du Maroc. De l’extrême gauche à l’extrême droite, des communistes aux islamistes radicaux, tous ont exprimé à travers des manifestations, par des marches, par des affiches, des banderoles leur solidarité avec leurs compatriotes en captivité.

Et chose importante, les rassemblements n’étaient pas organisés par le gouvernement mais découlaient de la volonté du peuple marocain dans sa totalité, comme devait le souligner Saâdeddine Othmani, le secrétaire général du Parti islamiste justice et développement (PJD, siégeant au parlement marocain).

Chez nous à Alger, où les résonances sont plus fortes que dans le reste du territoire national, les populations n’ont plus malheureusement la latitude de se solidariser publiquement avec quiconque, ni avec nos frères en Palestine ni avec ceux d’Irak, du Cham, d’Afghanistan ou d’Iran.

Les marches sont toujours interdites, résultat désastreux des «indus» de la politique. Alger, où se trouve l’ensemble des QG politiques, la totalité des syndicats et le plus grand nombre de mouvements associatifs se trouve paralysée, contre sa volonté, ne pouvant afficher aucun sentiment profond publiquement si ce n’est la retraite aux flambeaux des scouts à l’occasion de la commémoration du déclenchement de la guerre d’indépendance.

Alger se porte-t-elle mieux avec l’interdiction de la politique dans ses rues ? L’Algérie a-t-elle plus de considération chez les autres peuples, particulièrement les peuples frères, quant toute une alliance présidentielle rechigne à refléter les volontés de la population comme le feraient de véritables représentants ? Les défaillances et les déficits chez les partis ne peuvent être acceptés durablement.

Et si l’on ne pense pas remédier sérieusement et rapidement à la situation, l’une des conséquences fatales est que les Algériens penseront un jour ou l’autre à se doter d’un cadre où ils pourront se prendre en charge, imposer leurs représentants et consacrer leur volonté.

par Mohamed Zaâf
Source: Le Jeune Indépendant (Algérie)

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