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France: Un maire jugé pour discrimination

Un maire jugé pour avoir empêché la vente d'une maison à un couple d'origine étrangère

Cravate rose, mocassins et chaussettes blanches, Gérard Dezempte, 54 ans, maire UMP de Charvieu-Chavagneux, a pris place sur le banc des prévenus, flanqué de son premier adjoint chargé de l'urbanisme, Georges Boyer, un ancien sapeur-pompier de 69 ans. L'élu de cette petite commune du nord de l'Isère comparaissait, mardi 18 octobre, devant le tribunal correctionnel de Vienne (Isère) pour "discrimination raciale par personne dépositaire de l'autorité publique" .


Les faits remontent à l'année 2000. L'élu et son adjoint sont accusés d'avoir exercé le droit de préemption de la mairie sur la vente d'une maison d'un particulier pour éviter qu'elle ne soit vendue à un couple de Français d'origines algérienne et marocaine, Moussa Ghezzal et Aïcha Inegmirs, parfaitement inséré professionnellement et socialement.

Ces derniers avaient eu, ont-ils expliqué au tribunal, un "coup de foudre" pour la maison des Marin, mise en vente au prix de 648 000 francs. Mais lors de la signature du compromis de vente, le 29 janvier 2000, le notaire des vendeurs les avait brusquement mis en garde contre les difficultés susceptibles de se poser en raison de leur origine.


"FACIÈS PAS TROP TOLÉRÉ"


"Il nous a dit : "Je ne vous cache pas que votre faciès est pas trop toléré dans le coin"", a raconté M. Ghezzal à la barre. Puis l'officier ministériel leur a conseillé de se présenter à la mairie. Sous le choc des propos, le couple a rendu alors visite à Georges Boyer. Cinq jours plus tard, les Ghezzal ont reçu un courrier de la mairie leur indiquant que la municipalité exerçait son droit de préemption pour convertir la maison en local social.

Aux propriétaires, la mairie a proposé un prix ridiculement bas, en deçà de l'estimation des domaines. "Là, on s'est dit que le notaire avait raison, a commenté à la barre M. Ghezzal. Les Marin nous ont raconté que Georges Boyer leur avait indiqué que s'ils vendaient à une personne d'origine étrangère, la vente ne se ferait pas. La seule solution pour eux était de trouver un acheteur avec un nom à consonance européenne." "Dégoûtés", les Ghezzal ont préféré renoncer et acheter un terrain à L'Isle-d'Abeau, une commune voisine. Finalement, la mairie n'a jamais préempté et ne s'est pas opposée à la vente lorsque les Marin ont trouvé un acquéreur portant un nom français.

Pour sa défense, Gérard Dezempte assure qu'il n'a pas voulu "gêner" le couple des vendeurs en proie à des difficultés de santé et d'argent. Il affirme que la mairie n'avait pas voulu investir au moment où une usine fermait ses portes sur la commune.

Les explications n'ont pas convaincu le ministère public et encore moins les parties civiles, SOS-Racisme et le MRAP, qui ont rappelé que le maire de Charvieu-Chavagneux, ancien "milloniste", déjà condamné pour "incitation à la haine raciale", avait fait de la baisse de la population étrangère sur sa commune un véritable programme.

Dans un réquisitoire d'une grande sévérité, le procureur a estimé que les deux élus avaient abusé et détourné leur droit de préemption dans le seul but de faire échec à la vente. Il a conclu à leur culpabilité. Malgré cela, Franck Rastoul, souhaitant "une peine judiciaire et non politique", n'a requis qu'une sanction à portée symbolique ­ 1 500 euros ­ d'amende. Le procureur avait pourtant rappelé que la loi prévoit des peines aggravées pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour les élus ayant commis des délits de discrimination.

Jugement le 29 novembre.

Source: Le Monde

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