Menu

A nos frères africains nous devons aujourd'hui demander pardon...

Bien sûr l'hypocrisie européenne atteint des sommets. Bien sûr cette mondialisation boiteuse permet, impose la libre circulation des biens et des services mais restreint celle des hommes. Bien sûr le Maroc manque de moyens pour faire face au phénomène de la migration de nos frères d'Afrique sub-saharienne vers l'Europe. Bien sûr le pouvoir Algérien ne se grandit pas par son attitude à la Ponce Pilate.

Tout cela n'explique pas et justifie encore moins la cruauté du traitement infligé à ces hommes et femmes lesquels, à l'instar de nombre de Marocains, aspirent à une vie décente et digne en allant proposer leur force de travail dans des économies du nord.

Il y eut d'abord les tirs à balles réelles et puis il y eut cette décision sidérante d'inhumanité : abandonner en plein désert des milliers d'êtres humains sans eau ni nourriture, les tabasser lorsqu'ils réclament un minimum de considération. Les images ont fait le tour du monde et une série de rapports d'ONG aussi crédibles que Médecins Sans Frontières condamnent sans appel la gestion marocaine du dossier. Le comportement de ses derniers jours à l'égard des migrants a été criminel.

Une fois le mal fait, la moindre des choses eut été de reconnaître les faits, de diligenter une enquête et pointer les responsabilités. Le discours de la classe politique, dûment briefée par les pontes sécuritaires, a été en dessous de tout. Un discours lepéniste, qu'elle est si prompte à annoncer lorsque le FN sévit en France, est aujourd'hui adopté sans vergogne.

Mais disons-le à nos frères d'Afrique sub-saharienne, notre société est innocente de cette ignominie. Lorsqu'attirés par la lueur de l'ampoule rouge qui surmonte l'antenne GSM dans un petit village perdu entre Bouarfa et Errachidia, plus de 1500 migrants se réunirent, les habitants de Aïn Chouatter ont réagi avec cette humanité et grandeur d'âme dont les gestionnaires sécuritaires du dossier étaient dépourvus. Ils partagèrent leur maigre pitance. Ce faisant, ils permettaient à leurs concitoyens du reste du Maroc de ressentir un peu moins de honte.

Le travail admirable de l'Association des Familles des Victimes de l'Immigration Clandestine (AFVIC) dirigée par Khalid Jemmah montre que cette société, qui subit un appareil sécuritaire si peu respectueux des droits de l'Homme, enfante aussi des miracles d'humanisme. Qu'il est loin le voyage du souverain au Niger en soutien à un peuple frappé par la famine. Chassez le naturel, il revient au galop.

Encore une fois, quelles que soient la sincérité et les bonnes dispositions de la monarchie, son peu d'entrain à réformer les institutions du pays et le maintien au sein de l'appareil sécuritaire d'une culture indigne d'un Etat aspirant à la démocratie, conduit immanquablement aux dérapages. Il nous faudra beaucoup de temps et de gestes de bonne volonté pour corriger l'horrible image dont vient de s'affubler le Maroc aux yeux de nos frères du reste de l'Afrique.

Notre Etat n'a pas été à la hauteur du devoir de solidarité qui nous lie à tous les peuples qui partagent notre calvaire de l'immigration clandestine. Il a failli à l'Africanité de la nation marocaine. Il a surtout failli à son humanité. A nos frères africains nous devons aujourd'hui demander pardon.

Aboubakr Jamaï
Le Journal Hebdomadaire

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com