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L’Europe forteresse en échec : la tragédie marocaine


La forêt, le désert, la mer... La faim, la soif, la noyade...Les balles, les coups, les tortures... Quelle mort pour ceux qui tentent de quitter l’Afrique, terre de désespoir, pour les mirages des faux espoirs européens ? Les cris d’effroi que les scandalisés professionnels lancent contre la police et l’armée marocaines me choquent. Pourquoi diable de ne pas dénoncer les vrais coupables ?

Les Européens qui, face aux phénomènes migratoires clandestins, s’enferment dans une logique exclusivement policière donc répressive. L’Europe-passoire ou l’Europe-forteresse ? Ce débat qui date de plusieurs années a été tranché insidieusement, clandestinement, inintelligemment. En jouant sur les peurs des « assiégés » qui savent tout de même que pour continuer à vivre « bien » (par rapport à tant d’autres) ont besoin d’immigrés, de bras et de cerveaux « extérieurs », de « forces vives » venues de l’extérieur...

Les régimes corrompus qui dirigent tant de pays africains et dont les cerbères sont les premiers trafiquants, les premiers esclavagistes, les grands profiteurs des trafics illicites. Combien le voyage pour l’Espoir ? 1200 euros, pour le Sénégalais qui veut aller en Espagne, 4500 ou 7000 euros pour le Kurde qui veut aller au Royaume-Uni, 6 ou 8000 pour celui qui veut atteindre l’Union européenne visa Chypre ou Malte, Zéro euros pour les filles « de l’Est » à qui « on » paye le voyage vers Amsterdam, Francfort, Bruxelles ou Strasbourg ?


Les grands acteurs (légaux et illégaux) d’une « globalisation » qui n’est que marchandisation de la personne humaine et non la mondialisation d’idéaux qui placent cette Personne (et son respect) au cœur de toute action.
Comme le souligne à juste titre mon ami Driss Ajbali, avec qui j’ai publié un livre sur ces problèmes (« Ben Laden n’est pas dans l’ascenseur »), « ce qui est intolérable, c’est « le sanglot de l’homme blanc ». On n’est plus dans la conscience malheureuse. On est dans le malheur de la conscience. Le Maroc a les maladresses de ses défauts. Il était, jusqu’à là pourvoyeur d’émigration. Il devient un lieu de passage des immigrations. L’Europe veut en faire le gendarme et le cerbère. Il a le tort de ne pas savoir et encore moins d’avoir les moyens de gérer ces phénomènes autrement qu’à travers le prisme sécuritaire. Avec tous les effets désastreux que des images de gueux menottés, maltraités et entassés impriment dans les consciences. »


Dans son article publié dans les DNA, Driss précise justement : « En droit, il y a une règle intangible. On ne peut, dans une même affaire, être victime et coupable. Or le Maroc est, en l’occurrence, victime de sa géographie et de son histoire. Par un subtil transfert de culpabilité, il est devenu le bouc émissaire médiatique idéal. »


Driss Ajbali ajoute : « Les raids des Africains sur Melilla, ne sont pas un problème marocain. Ils sont la face tragique mais visible des rapports Nord Sud, cet immense iceberg. Ils posent la question de la misère qui ne sème, en Afrique, que désespoir. Aucune muraille n’endiguera les flots, à défaut d’un développement économique. L’Afrique réclame un « plan Marshall ». Seule l’Europe peut en être l’initiatrice. »
Le saura-t-elle ? Le fera-t-elle ? L’Europe a trop oublié l’Afrique, mal « arrivée » parce que « mal partie »....Cela ne date pas d’aujourd’hui. Les politiques africaines menées par les anciennes puissances coloniales européennes n’ont pas été dignes des enjeux : les factures à payer sont lourdes. On assume ou non ? Au-delà des images donc des émotions.... En espèces sonnantes et trébuchantes. Et en investissements productifs. L’Union européenne offre 40 millions d’ euros aux Marocains pour les aider à refouler les « clandestins ». Le problème de fond est dans le développement du continent africain, non dans des opérations militaro-policières.
Sait-on que le Maroc a lui-même des problèmes avec ses propres ressortissants qui nourrissent des rêves d’ailleurs, et d’Europe notamment ? Jeune Afrique/l’Intelligent vient de publier un dossier digne d’intérêt.


« Trois millions de Marocains sont aujourd’hui expatriés : 86 % d’entre eux dans les pays de l’Union européenne, 9 % dans le monde arabe et 5 % en Amérique. Ce sont donc plus de trois millions de personnes qui ont été déposées sur « l’autre rive » après s’être laissé emporter par les « flux migratoires », expression contemporaine désignant un immémorial exil. Un Marocain sur dix, au moins, vit aujourd’hui à l’étranger. Et chaque année, ce sont encore plus de 100 000 candidats au départ qui se mêlent aux touristes dans les ports et les aérogares du Maroc, pour ne pas dire sous les camions et sur ses plages. Aucun grand pays, dans l’Histoire, n’a subi une hémorragie d’une telle importance, sur une aussi longue période. »


Sait-on aussi que des efforts sont déployés en permanence, hors des champs des caméras de télévision, pour enrayer les phénomènes complexes des migrations illégales. Dernier exemple : ce que tente de réaliser l’OIM (l’Office international des migrations) dans la région de la mer Noire, à partir de la Turquie, pour douze pays.Ce programme permettra la création d’un centre de documentation régional sur la traite des êtres humains. Il informera également des tendances de ce phénomène, des zones les plus touchées, des conditions socio-économiques, de la législation en vigueur et du taux de poursuite en justice. Si ce type d’initiatives positives était davantage médiatisées, le monde irait peut-être mieux, ou moins mal. Mais on s’intéresse plus à ce qui va mal qu’à ce qui permet d’aller moins mal...Ce ne sont pas les médias qui en sont responsables mais leurs consommateurs : dans la communication, le récepteur est aussi (ou plus) important que l’émetteur....


Par Daniel RIOT
Source: AgoraVox : le journal media Citoyen

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