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Habib El Malki s'exprime sur le sytème éducatif marocain

Deuxième chantier prioritaire après le Sahara, l’enseignement mobilise l’attention des acteurs politiques et sociaux à l’occasion de la rentrée 2005-2006. L’heure est au bilan, surtout que l’enseignement se trouve aujourd’hui au confluent de plusieurs politiques de développement du pays dont l’initiative nationale de développement humain.

Pour Habib El Malki, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le train de réalisation des réformes est globalement positif, mais il reconnaît que certaines lacunes continuent à handicaper notre système éducatif. Des chantiers comme le renforcement de l’infrastructure collégiale, le problème de l’arabisation ou encore la surcharge des programmes attendent toujours une action d’envergure.

- L’Economiste: Comment se présente la rentrée 2005-2006?
- Habib El Malki: Elle s’annonce sous de bons auspices puisque certains indicateurs sont en train de passer au vert. Pour cette année, nous avons dépassé, pour la première fois, le seuil de 300.000 étudiants au sein de l’université. Leur nombre est de 305.000, soit une progression de 5% par rapport à l’année dernière. Cela est dû principalement à l’amélioration des résultats du baccalauréat.
Il faut signaler que l’ensemble des étudiants post-baccalauréat dépasse les 400.000, dont en moyenne 40.000 à l’étranger. Cela est encore très fragile. Il ne faut pas oublier que le nouveau système n’existe que depuis deux ans, donc encore largement perfectible. A partir de cette rentrée scolaire, nous allons procéder à une évaluation pédagogique afin de détecter les éventuelles anomalies et tenter d’y remédier. A cette fin, un centre national des examens, chargé d’analyser les résultats et de faire des suggestions pour l’amélioration du système, est créé.
Au niveau du primaire, la progression est également de mise avec 646.000 nouveaux inscrits, soit +3% par rapport à l’année dernière. Il y a certes des poches de résistance qui continuent à sévir, principalement dans les zones montagneuses, mais les campagnes de sensibilisation menées par le ministère atténuent le problème. L’expérience de Figuig est un bon exemple des résultats que l’on peut obtenir grâce à la sensibilisation des populations. Les enfants de nomades sont aujourd’hui scolarisés dans cette région.
Quant au préscolaire, il y a une baisse des effectifs. Cela est dû à la politique de généralisation de l’enseignement entamée depuis 1998. Ceci étant, je tiens à préciser que le préscolaire ne relève pas de la responsabilité directe des pouvoirs publics, mais dépend largement du privé et des collectivités locales. Des efforts importants sont toutefois entrepris en concertation avec les collectivités locales et l’Agence de développement social (ADS) pour renforcer cet important pilier de l’enseignement. D’ailleurs, l’opération 1.500 classes, lancée à la rentrée 2004-2005, en concertation avec les collectivités locales, est en bonne voie.

- Quelles nouvelles mesures avez-vous entreprises à cette occasion?
- Je tiens tout d’abord à préciser que la rentrée scolaire se déroule cette année sous le slogan «tous ensemble pour la réussite de l’INDH». Il était nécessaire pour nous de souligner que l’école se trouve au cœur du développement humain. Et à ce titre, nous avons demandé aux responsables des établissements scolaires d’accorder le temps nécessaire pour le salut du drapeau national. Des sanctions sévères seront prises pour tout manquement à ce sujet.
S’agissant des mesures entreprises à l’occasion de l’actuelle rentrée, il y a lieu de souligner la poursuite de la réforme à travers la généralisation du nouveau livre scolaire -220 manuels scolaires- et la mise en place des méthodes pédagogiques pour couvrir la totalité du primaire et collégial. Nous entamons la réforme du cycle du baccalauréat par l’architecture des troncs communs.
Ainsi, quatre troncs communs sont mis en place à partir de cette rentrée: Lettres et Sciences humaines, Enseignement originel, scientifique et technologique. L’enseignement a été également enrichi par le lancement d’un programme de généralisation des nouvelles technologies de l’information dans tous les établissements scolaires; Il s’agit d’un programme triennal 2005-2007, d’un montant d’un milliard de dirhams, en concertation avec l’ANRT et parrainé par le Premier ministre.
Au niveau universitaire, la principale nouveauté est le lancement d’une génération de licences dites professionnelles, qui sont cette année au nombre de 51. Ceci vise à mieux positionner l’université dans son environnement socioéconomique. Par ailleurs, et dans le même sens, un programme de sensibilisation au monde de l’entreprise au profit des élèves de première année du lycée sera lancé dès cette rentrée. Des stages d’immersion de courte durée seront également organisés.
- Le problème de la surcharge dans les classes inquiète de plus en plus. Comment comptez-vous y remédier?
- C’est un phénomène limité (8% des effectifs) et dont l’acuité varie selon les cycles d’enseignement et les régions. Cette année, nous avons une grande vague d’élèves qui arrivent dans le collégial surtout en milieu rural. Ces nouvelles demandes poseront des problèmes de logistique parce que les structures d’accueil sont déjà saturées.
Les mêmes problèmes risquent de se poser dans les lycées dans les deux années à venir, d’où l’urgence d’investir dans la construction de nouveaux collèges et lycées, ce que le ministère est en train de faire grâce au partenariat international. Bien entendu, nous faisons de notre mieux pour rationaliser les dépenses, mais la réforme de l’enseignement a tout de même un coût.

- Le rapport de la Cosef vous reproche de dépenser plus dans le fonctionnement que dans l’investissement…
- C’est une réalité. Comme je l’ai déjà dit, nous avons des effectifs qui augmentent chaque année, impliquant une augmentation des dépenses. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au problème de la vétusté de l’infrastructure éducative et nous n’avons pas les moyens d’assurer l’entretien de nos établissements. Les collectivités locales jouent pour l’instant le rôle de palliatif, mais elles ne peuvent se substituer aux pouvoirs publics. Je pense qu’il est temps d’introduire des crédits pour la maintenance dans le budget du ministère de l’Education nationale et de réfléchir sérieusement à l’externalisation de certains services comme le gardiennage, l’entretien…

- L’année dernière a été ponctuée de grèves. Y a-t-il un risque que le même scénario se reproduise?
- A chaque fois qu’il y a eu un problème, le ministère s’est empressé d’entrer en contact avec les partenaires sociaux. Cette politique de dialogue permanent a permis de satisfaire l’essentiel des revendications du corps enseignant. Le problème des professeurs du collégial est en voie de règlement. Je puis vous assurer que les revendications de cette catégorie d’enseignants seront satisfaites sur une base juste.

- L’horaire continu pose des problèmes tant aux parents qu’aux élèves. Comment comptez-vous vous adapter à cette nouvelle contrainte?
- C’est un problème exagéré! L’école ne doit pas obéir à une logique d’entreprise. Nous sommes tenus par les exigences du temps pédagogique. D’ailleurs, le décret qui organise le contrôle continu exclut le ministère de l’Education nationale. Je crois que la polémique actuelle est dénuée de fondements puisque les parents arrivent à s’organiser pendant le mois de Ramadan. Pourquoi ne le feraient-ils pas le reste de l’année? Le ministère a cependant demandé aux académies régionales, dans un cadre concerté, de trouver les solutions locales les plus satisfaisantes.

- L’arabisation constitue toujours un handicap pour les bacheliers quand ils accèdent au supérieur. N’est-il pas temps de corriger cette anomalie?
- Je suis conscient de ce paradoxe. C’est pourquoi nous allons entamer à partir de cette rentrée scolaire une réflexion sur l’arabe en tant que langue d’apprentissage.
Les conclusions de cette étude, qui s’achèvera à la fin de l’année prochaine, nous renseigneront sur les meilleures voies à suivre.
- Quel bilan faites-vous de la réforme de l’enseignement supérieur?
- Très encourageant. La réforme a permis de réhabiliter l’université qui attire de plus en plus de bacheliers. Le mérite revient d’abord à la nouvelle approche pédagogique, basée sur l’évaluation continue des connaissances. Celle-ci a permis d’augmenter substantiellement le nombre de candidats admis. Ainsi, 60% des étudiants ont réussi la moitié des modules par semestre alors qu’avant la réforme, le taux d’échec dépassait les 60%.
Par ailleurs, 2006 sera l’année des études doctorales. Il s’agira d’aller dans le sens d’une plus grande professionnalisation des masters, une plus grande ouverture des études doctorales sur la recherche. Une plus grande mobilité entre les différentes composantes de l’enseignement supérieur, sera aussi possible.


Vers l’allégement des programmes?

Habib El Malki plaide pour un allégement des programmes. «Nous avons plus de 260 manuels pour le primaire et le secondaire. Ceci offre, certes, un large choix aux enseignants et inspecteurs, mais il faut réfléchir à l’allégement des programmes». Cette orientation est dictée par la place privilégiée qu’occupent les nouvelles technologies de l’information dans les sociétés modernes. «Il est vrai qu’aujourd’hui l’école n’est plus l’unique source du savoir et se trouve bousculée par les nouvelles technologies de l’information». Mais le ministre reconnaît qu’une évolution dans ce sens ne se fera pas sans à-coups.
L’école reste, selon lui, la principale source du savoir dans une société inégalitaire comme la nôtre. «Malheureusement, notre société n’accorde pas une égalité de chances aux élèves, chose que l’école garantit».


Les filières scientifiques désertées

Il y a de moins en moins d’élèves qui s’orientent vers les filières scientifiques, surtout les mathématiques. Ce constat de Habib El Malki est corroboré par les chiffres. «Seulement 4% des lycéens sont inscrits dans les filières Sciences mathématiques A et B. Ceci dénote d’un problème d’orientation et de motivation qu’il faut corriger». Ce problème trouvera un début de solution avec l’introduction du tronc commun technique, assure El Malki. Par ailleurs, le ministre préconise la mise en place d’un système d’orientation à plusieurs filtres, appuyé par une évaluation régulière des performances et penchants de l’élève.

Mohamed BENABID
Morad EL KHEZZARI &
Mostapha BENTAK

Source : L'Economiste

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