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Maghreb: Les Etats-Unis gardent un fer islamiste au feu

Délicate navigation entre intégristes «modérés» et «radicaux».

Les Etats-Unis portent un intérêt... croissant au Maghreb, région riche en pétrole et gaz ainsi qu'en bouleversements sociaux potentiels.

Mais les interventions du gouvernement Bush paraissent parfois déroutantes, notamment aux yeux des démocrates algériens ou marocains. En ménageant la chèvre des dirigeants en place et le chou des islamistes dits «modérés», Washington mène une partie aussi délicate que périlleuse.

Récemment, les Etats-Unis sont intervenus pour défendre une islamiste fort influente, Nadia Yassine. Fille du cheikh Yassine - dirigeant du parti intégriste «Al Adl Wal Ihssane» (Justice et Bienfaisance spirituelle) - elle est accusée par la justice marocaine d'«atteinte aux institutions sacrées de la nation.» Motif: dans une interview donnée le 2 juin dernier à l'hebdomadaire marocain Al Oubouiya Al Jadida, elle a déclaré sa préférence pour le régime républicain tout en annonçant la chute du trône marocain.

Procès renvoyé

Avant la tenue de ces débats judiciaires, l'ambassadeur américain Thomas T. Riley en poste à Rabat a rencontré le ministre marocain de la justice Mohamed Bouzoubaa afin de surseoir au procès. Bien entendu, tant l'ambassadeur que le ministre ont juré leurs grands dieux que leur conversation n'avait pas roulé sur ce sujet. Il n'empêche que le Département d'Etat (affaires étrangères) avait publiquement regretté les poursuites contre Nadia Yassine qui avait d'ailleurs été récemment invitée à l'Université de Berkeley (Californie). Et qui plus est, le procès a bel et bien été renvoyé par le président du Tribunal de première instance de Rabat, le 28 juin dernier! Il devrait reprendre en septembre mais rien n'est moins sûr.

Cette ingérence américaine a provoqué un tollé de la part des partis et associations démocrates qui se sont demandés pour quelles raisons Washington soutenait la figure médiatique du mouvement le plus important des intégristes marocains. Car si «Al Adl Wal Ihssane» milite pour la république, c'est pour qu'elle devienne islamiste!

Les Algériens s'étonnent De leur côté, des médias algériens ont évoqué une étrange lettre envoyée par Anouar Haddam à la Chambre des communes après les attentats qui ont ensanglanté Londres le 7 juillet dernier. Dirigeant du FIS (Front Islamiste du Salut), interdit en Algérie, Haddam a trouvé refuge aux Etats-Unis qui l'ont toujours protégé. Dans sa missive aux parlementaires britanniques, Anouar Haddam cherche à faire apparaître le FIS comme un parti islamiste certes, mais acceptable pour les Etats occidentaux. Washington a certainement été tenu au courant de la démarche de Haddam. Dont la modération est toute relative: le 30 janvier 1995, il avait revendiqué l'attentat du boulevard Amirouche à Alger qui avait causé la mort de quarante personnes!

Alors, pourquoi le gouvernement Bush fait-il les yeux doux à la belle Nadia Yassine quitte à déstabiliser Rabat, son allié le plus constant au Maghreb (le sultan du Maroc a été le premier chef d'Etat à reconnaître l'indépendance américaine)? Pourquoi protège-t-il le FIS et son dirigeant aux mains couvertes de sang? Le général français et grand stratège Pierre-Marie Gallois a donné cette réponse: les politologues proches de la Maison-Blanche sont persuadés que l'intégrisme politique triomphera dans la plupart des pays musulmans.

Ils constatent aussi que les régimes qu'ils soutiennent sont ceux qui génèrent le plus d'anti-américanisme au sein de leur population. Dès lors, Washington prend soin d'entretenir des relations avec des intégristes plus ou moins présentables.

Mais en gardant un fer islamiste au feu, le gouvernement Bush risque fort de se brûler. Les Etats-Unis n'avaient-ils pas, jadis, soutenu les talibans afghans et… Oussama ben Laden?


Les précieux alliés maghrébins

L'Algérie et le Maroc constituent des pièces essentielles pour Washington comme le démontre cet épisode peu connu relaté par l'International Herald Tribune du 21 mai 2002.

Les services de renseignement de Rabat avaient infiltré les officines islamistes qui engageaient des combattants marocains contre l'occupation soviétique en Afghanistan. Ces services avaient même pénétré le réseau Al-Qaida et fourni aux Américains des informations de première main sur la mouvance Ben Laden. C'est ainsi qu'un agent marocain nommé Hassan Dabou était devenu un proche d'Oussama en personne. Après l'échec de l'attentat contre le World Trade Center en 1993, Dabou avait rédigé un rapport sur l'intense déception de Ben Laden. Après avoir lu ce document, les services américains ont fait venir Hassan Dabou à Washington pour engranger plus de détails.

Ce faisant, les liens entre l'agent marocain et Al-Qaida ont été rompus. S'il était resté auprès de Ben Laden, nul doute qu'il aurait pu livrer de précieux renseignements avant la destruction des Twin Towers. Cette information n'a pas été confirmée par la Maison-Blanche. Mais elle n'a pas été infirmée pour autant!

En outre, les services de renseignements algériens collaborent eux aussi étroitement avec Washington qui dispose aussi d'une autre source d'information: les membres du FIS (Front islamiste du salut) algériens qui ont trouvé refuge aux Etats-Unis. (jnc)

Source: La Tribune de Genève

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