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16 mai : Deux ans après

Après le 16 mai, on craignait que le "tout sécuritaire" ne nous ramène aux années noires.
Aujourd'hui, on relativise

Vous souvenez-vous de l’ambiance dans laquelle baignait le Maroc, dans les semaines qui avaient suivi le 16 mai 2003 ? Le fameux discours royal sur "la fin du laxisme" avait sonné, à l’époque, comme un blanc-seing pour accélérer le rythme des exactions policières. Exercées principalement contre les islamistes, celles-ci avaient commencé en 2002 et avaient été largement condamnées par la presse indépendante. Une presse qui hurlait sans relâche aux risques induits par le "tout sécuritaire". Officiellement, on voulait que l’état devienne "fort". Officieusement, on avait peur que ce qualificatif ne soit qu’un habillage marketing de ce que risquait de (re)devenir le Maroc : un état policier.

Puis deux ans ont passé. Au début, le rythme des arrestations s’est en effet accéléré : dans les mois qui ont suivi l’attentat, plus de 5000 islamistes ont été interpellés, plus de 2000 jugés et plus de 900 condamnés, dont 17 à mort. Ces chiffres, à l’époque, avaient été jugés énormes. Peu à peu, avec les démantèlements successifs des cellules terroristes, on a appris à les voir d’un autre œil. Aujourd’hui, ils ne semblent plus aussi incroyables qu’il y a un an et demi. Cela ne justifiait pas, et cela ne justifie toujours pas, les simulacres de procès qui se sont joués durant l’été 2003. Mais au milieu d’une marée de condamnations morales, qu’il nous soit permis d’instiller une (toute petite) dose de cynisme, indispensable à la survie des nations. L’effet secondaire de ce total déni des droits est que pour un terroriste potentiel – nous avons fini par admettre qu’il y en avait beaucoup, au Maroc – il est extrêmement plus difficile aujourd’hui qu’il y a deux ans de se mouvoir avec aisance. C’est un acquis important dont nous serions, nous autres militants de la paix, stupides de ne pas nous féliciter.

Et les tortures ? Après le 16 mai, les témoignages ont redoublé d’intensité. 3 rapports retentissants ont été publiés : ceux de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, d’Amnesty et de Human Rights Watch. La police a réagi par le silence, et même par le "mépris" (le mot est d’un haut responsable sécuritaire). Depuis, ces témoignages ont connu une décrue progressive. Aujourd’hui, il n’y en a pratiquement plus. C’est aussi un acquis. Mais qui, lui non plus, n’excuse rien. Dans 10, 20 ou 30 ans, l’IER, ou l’instance qui lui succèdera, remettra tout cela sur le tapis. Mais nous aurons, entre temps, échappé à d’autres actes terroristes de grande envergure, voire au chaos qui menaçait de s’installer. Jamais nous n’irons jusqu’à dresser une stèle à Laânigri, à ses hommes et à ses méthodes. Mais dans 10, 20 ou 30 ans, nous serons en situation de nous demander si ces actes n’auront pas été, finalement, un mal nécessaire. Parce qu’entre-temps, la nation aura survécu. Certains diront que c’était la seule chose qui comptait. On pourra ne pas être d’accord avec eux. Mais on les écoutera avec moins de crispation qu’aujourd’hui. Parce qu’on aura du recul, et que le recul est bien souvent salutaire…

Source: Telquel

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