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Face aux immigrants, Villepin bombe le torse

Le ministre de l'Intérieur a présenté son plan de lutte contre l'immigration: pas de régularisations, 600 postes de policiers, des contrôles et beaucoup de «fermeté».

«Fermeté, volonté.» Le ministre de l'Intérieur Dominique de Villepin n'a pas donné dans la rêverie romantique, hier. «C'est un impératif très fort qui s'impose à nous», a-t-il expliqué en présentant son plan de lutte contre l'immigration : plan qui lui avait été fortement suggéré, au début de l'année, par le Premier ministre, qui le trouvait trop silencieux sur ces questions.

Fouet et Klaxon. Alors, il s'est rattrapé. D'abord, il a enfilé l'habit du père Fouettard. Systématique, voire maniaque : «Nous voulons suivre au jour le jour et semaine après semaine les flux migratoires. Effectuer un suivi méthodique et régulier des abus de droit nous permettra d'avoir une réaction. Il faut une volonté très forte pour adapter en permanence notre politique.» Ensuite, il a joué du Klaxon : «On ne peut pas avoir un pays réduit à l'état de passoire. Il n'est pas question de régularisation massive. Il n'est pas question de céder à un quelconque chantage.» L'Italien Berlusconi et l'Espagnol Zapatero apprécieront, qui ont tous les deux, et bien que politiquement opposés, récemment procédé à des régularisations massives dans leur pays.

Puis il est entré dans le détail de sa lutte contre l'immigration irrégulière. D'abord, un constat concernant les étrangers réguliers. Il ne l'a pas dit, mais tout son propos tendait à le faire : l'Hexagone a largement ouvert les vannes. Le pays délivre 217 000 titres de séjour par an (20 % de plus qu'il y a six ans), il est très ouvert aux étudiants étrangers (3e position après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne). Pour les demandes d'asile, il serait champion du monde ! «Or, 87 % de ces demandes ne correspondent pas aux critères», a lancé le ministre. L'immigration irrégulière ? Entre 200 000 et 400 000 personnes, c'est dire si la fourchette est large. Souvent, pourtant, le ministre affirme lire des «estimations bien supérieures». Cette immigration est due aux détournements de procédure : visas de court séjour qui restent au-delà du temps autorisé, mariages de complaisance, fraudes à l'identité. Alors, pour «éviter le détournement de la règle de droit», une seule solution : «La fermeté.»

Pour donner une consistance à celle-ci, des mesures. D'abord, le visa de séjour biométrique, avec photo et empreinte digitale. Grâce à ce document, on pourra retrouver l'origine et l'identité des ressortissants, qui, souvent, «n'ont pas de papiers et pas de souvenirs d'où ils viennent». Second axe suivi, l'abandon de la transcription automatique en France des mariages célébrés à l'étranger. «Le réflexe, c'est que le procureur puisse entendre les conjoints séparément pour contrôler la validité du mariage.» Pour cela, il faudra une modification du code civil. Pour l'accueil des réfugiés, le ministre veut accélérer le délai d'instruction des demandes à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Mais il leur faudra se tenir à carreau : «Nous devons savoir où ils se trouvent. Quand vous êtes à Lille et que vous faites une demande à Nice, il y a un problème. Pour les contrôler, les préfets proposent des hébergements et ils doivent les accepter.» Mieux. Pour savoir s'ils méritent d'être réfugiés, Villepin effectue un distinguo entre leurs pays d'origine, ceux qui sont «sûrs» et ceux qui ne le sont pas. «Un pays qui n'a pas de dictature sera un pays sûr. C'est un pays sans crise stable et démocratique», dit-il. Voilà qui risque de faciliter la tâche du Quai d'Orsay.

Question moyens, Villepin a parlé de 600 fonctionnaires supplémentaires pour la police de l'immigration, d'un comité interministériel de contrôle de l'immigration et de 100 millions d'euros consacrés à l'éloignement des étrangers, dont le nombre est fixé à 20 000 pour 2005 (contre 16 000 en 2004).

«Effroyable». La Ligue des droits de l'homme a condamné ces mesures «qui ne résoudront rien» et font des étrangers des «boucs émissaires». Louis Mermaz, le sénateur PS, a parlé du «ton effroyable» du ministre. En revanche, Jean-Marie Bockel, sénateur-maire socialiste de Mulhouse, s'est montré très satisfait : «L'immigration illégale reste une réalité en France. Enfin, il y a au niveau du gouvernement une volonté d'accélérer la mise sur pied d'un plan d'action contre l'immigration clandestine.»

Ce plan fera l'objet aujourd'hui d'une communication en Conseil des ministres.


Source: Libération

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