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Démission de Fouad Alaoui, vice-président du Conseil français du culte musulman

Une nouvelle crise vient d'éclater au sein du Conseil français du culte musulman. Parce qu'il contestait les circonstances de la nomination du nouvel aumônier des prisons, le vice-président du CFCM, Fouad Alaoui, a présenté sa démission.

Fouad Alaoui, secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France, vient donc de démissionner du bureau exécutif du CFCM. La raison principale qu'il met en avant est le manque d'autonomie de cette instance et l'absence d'une « capacité à prendre des décisions loin des pressions et des injonctions politiques ».

Le problème qui se pose depuis la création de ce conseil est celui de sa relation avec le ministère de l'Intérieur français ainsi qu'avec les différentes chancelleries, essentiellement maghrébines. Mais la goutte qui a fait déborder le vase aura été la nomination, lundi, de l'aumônier général des prisons musulman : Moulay El Hassan el-Alaoui Talibi, d'origine marocaine, qui était aumônier pour les services pénitenciers du Nord depuis cinq ans. Il est aussi aumônier à la maison d'arrêt de Loos depuis sept ans et vice-président de la Fédération nationale des musulmans de France (une organisation proche du Maroc). Le candidat de l'UOIF à ce poste était le recteur de la mosquée de Lille-Sud, Amar Lasfar.

Contrairement à ce que certains médias ont rapporté, la démission de Fouad Alaoui ne semble pas liée à un choix d'individus, mais plutôt au rejet d'une politique. Cette nomination a été précipitée par le ministère de l'Intérieur relayé par le ministre de la Justice, Dominique Perben, qui voulait qu'un aumônier général musulman soit présent à la prochaine réunion générale des aumôniers prévue le 12 mai courant. « Je ne connais pas encore très bien les circonstances de cette démission, remarque Haj Tareq Oubrou, le recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux que nous avons joint au téléphone, mais je pense que cette démarche découle de toute la pression qui a été exercée sur le CFCM pour choisir l'aumônier général.

Les choses se sont faites dans la précipitation selon certains calendriers politiques. Ce n'est pas une question de personnes, Moulay El Hassan El Alaoui est quelqu'un qu'on connaît tous et qu'on apprécie pour son sérieux et son travail. Ce qui a pu pousser Fouad Alaoui à partir, c'est le problème que pose ce genre de prise de décisions qui n'obéit à aucune règle et devient le jeu d'influences diverses ». Mohammed Béchari, vice-président du CFCM et président de la Fédération nationale des musulmans de France, qui vient pourtant de voir son candidat désigné pour le poste d'aumônier général, déplore aussi cette démission tout en la jugeant compréhensible : « Cette décision est regrettable parce que Fouad Alaoui est l'une des grandes figures de l'Islam en France.

Il y a cinq ans que je travaille avec lui. Il s'agit d'une personnalité sérieuse et qui a toujours œuvré pour les intérêts de la communauté musulmane en France. Fouad Alaoui est un partenaire d'envergure dont je regrette le départ. Mais je peux comprendre son attitude. M. Alaoui tire ainsi la sonnette d'alarme quant à l'indépendance du CFCM. La question de l'aumônier général a été une pierre d'achoppement.

Le CFCM souffre d'une trop grande présence du ministère de l'Intérieur et des petits calculs des chancelleries. La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : quelle configuration voulons-nous donner au CFCM ? Un bureau du consensus, imposé-proposé par le ministère de l'Intérieur et qui ait la bénédiction de Rabat et d'Alger ? Ou un Conseil du culte musulman qui émane de la communauté et qui soit élu par celle-ci directement ? Ce qu'il faut, c'est que cette instance ait la Baraka de la communauté musulmane ici en France et non la Baraka de l'Intérieur ».

Les tiraillements entre l'UOIF, la FNMF, et la Mosquée de Paris, sont souvent expliqués par la concurrence entre le Maroc et l'Algérie. Mais, toujours selon Béchari, le débat est bien plus complexe : « Dans les médias ou ailleurs, on veut effrayer l'opinion publique française à propos de l'UOIF en essayant de démontrer que nous avons aujourd'hui en France deux options entre lesquelles il faut faire un choix : un Islam radical donc extrémiste, qui serait défendu par l'UOIF, et un Islam politiquement correct donc plutôt modéré, qui serait incarné par la Mosquée de Paris. Les données sont faussées dès le départ. Il y a longtemps que l'UOIF vit une pleine mutation grâce à des dirigeants comme Lhaj Thami Breze (NDLR : président de l'Union) et Fouad Alaoui.

C'est pourquoi je comprends que ce dernier veuille défendre un CFCM indépendant, issu de la communauté musulmane et non un conseil protocolaire qui aurait à sa tête des personnalités non représentatives des musulmans de France ».
Les prochaines élections du bureau du CFCM auront lieu le 19 juin 2005. L'UOIF aurait d'ailleurs préféré que la nomination de l'aumônier général attende cette date.

Surtout lors que l'on sait que l'Union part favorite. En attendant, il reviendra au nouveau bureau du CFCM, qui sera issu des prochaines élections, de proposer un nom pour l'aumônerie militaire musulmane. Officiellement créée le 18 mars dernier par un arrêté ministériel signé de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, cette nouvelle fonction risque de créer de nouvelles polémiques.

Aziza Nait Sibaha
Source : Le Matin

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