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Evangélisation des marocains : Immigrés et bourgeois visés

Par petites grappes, ils s'approchent discrètement de la longue file de voitures immatriculées à Lyon, Bruxelles ou Rimini et qui attendent sous le soleil dardant d'Algesiras le bateau qui va les ramener le temps d'un été au bled.

Ce sont des évangéliques chrétiens qui distribuent gratuitement de petits livres sur Jésus et Dieu aux « brebis musulmanes égarées ». Ils sont jeunes, majoritairement anglo-saxons et manient difficilement la langue de Molière. Ils sont là parce que le cheptel est en transhumance vers les points d'entrée du Maroc.

Le maghreb n'échappe plus à leur zèle
Depuis des années, ils fournissent aux MRE de véritables « kits de conversion » comprenant l'Evangile en arabe et en français, « Bien plus qu'un charpentier », le best-seller de Josh McDowell (lire page 19), « La vie de notre Maître Jésus » en cassettes vidéo, le tout fourni par des officines protestantes millénaristes ayant pignon sur rue en Suisse, à Marseille, à Chypre, au Liban et en Floride. Une multinationale de la foi chrétienne rigoriste qui étend sa parole sur les ondes et le web. Après l'Amérique, le Maghreb n'échappe plus à leur zèle « salvateur ». Environ 150 missionnaires « travaillent » au Maroc, selon un responsable de l'archevêché de Rabat, rapporte Slimane Zeghidour dans une enquête sur cette « secte qui veut gouverner le monde » publiée en mars 2004 par « Le Nouvel Observateur ». En réalité, ces « crusaders » des temps modernes ne « travaillent » pas au Maroc. Ils le travaillent. Dans toutes les strates de la société. Leurs « bergers », appointés par de puissantes églises messianiques de la « Bible belt » américaine, ces Etats du sud des Etats-Unis, indéfectibles alliés de George W.Bush, sont reçus en grande pompe dans les hautes sphères du Makhzen. Des politiques libéraux les côtoient, un peu naïvement, et des associations éducatives et de bienfaisance reçoivent leurs émissaires et donateurs.

« Parles-en à tes enfants… »
« Ce sont d'abord certains bourgeois des grandes villes, notamment à Casablanca, qui sont visés », explique en requérant l'anonymat un jeune quadra qui fréquente un cercle de convertis. Son témoignage est éclairant. Des familles entières sont approchées et convaincues.

Le discours des missionnaires est sophistiqué, tout y passe pour jouer sur la corde sensible d'une frange sociale « déculturée » : la Moudawana obsolète, le Ramadan inadéquat etc…. Des Bibles sont distribuées à tour-de-bras, des croix que l'on cache sous ses vêtements et des petits prospectus destinés aux enfants complètent le dispositif d'approche. « Parle-s-en à tes enfants » est une injonction qui revient souvent après les séances de psalmodies à la gloire du Christ.

Dans une école privée à Casablanca, au statut pourtant laïc, on fête en chantant des cantiques pour commémorer la Nativité et Thanksgiving remplace l'Aïd. Les parents sont souvent aidés dans leur vie professionnelle, « ils se sentent protégés et solidaires et prient en communion pour que la vie soit en abondance ».

Dans ces cercles, la politique se fait discrète. On évite de parler de gouvernance et la Monarchie, assise sur le concept de commanderie des croyants, est loin d'être critiquée. D'un autre côté, on soutient la politique de Bush et l'existence d'Israël est plus que justifiée. Comme pour les puritains américains, les convertis mènent une vie austère où le divorce est banni et les relations sexuelles hors mariage démonisées.

Le phénomène aurait atteint des proportions importantes. Des centaines de cellules, disséminées à Casablanca, Tanger, Rabat et Marrakech compteraient des milliers d'adeptes dont le nombre aurait déjà dépassé celui de la communauté juive.

Source : Le Journal Hebdomadaire

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