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CCDH: Polémique sur un rapport final de l'IER

Fin avril, les recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER) seront presque une affaire classée. C'est en tout cas ce que prévoit de faire le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH), chargé de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles, institutionnelles et sociales promises par feu Driss Benzekri et censées tourner officiellement la page des «années de plomb».

En visite de travail depuis lundi à Washington, le président du CCDH Ahmed Herzenni pour présenter les «progrès accomplis par le Maroc en matière de droits humains». Le successeur de Driss Benzekri a fait une annonce de taille aux Etats-Unis. Un rapport final sur les réalisations de l'IER sera rendu public à la fin du mois prochain.

Après cela, le «CCDH pourra passer à une autre étape, à savoir la promotion et la protection des droits de l'homme, en focalisant son attention sur les droits économiques et sociaux», a expliqué Ahmed Herzenni. Des déclarations qui vont dans le même sens que les précédentes sorties médiatiques du président du CCDH, qui avait promis l'été dernier que « toutes les recommandations de l'IER seront mises en œuvre à la fin 2008». A l'époque, cette déclaration avait provoqué un tollé dans les milieux associatifs qui estimaient que la majeure partie des recommandations de l'IER n'avaient pas encore été mises en oeuvre. «Il est impossible detout terminer d'ici fin avril. Les recommandations de fond n'ont pas du tout été entamées», prévient Khadija Riyadi, présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). L'AMDH énumère trois principaux points sans lesquels il n'y a aucune garantie que les exactions ne vont pas se reproduire. Tout d'abord, il y a la réforme constitutionnelle qui n'a pas encore été entreprise, puis la question de la primauté du droit international sur le droit interne, ensuite l'intégration du Maroc à la CPI (Cour pénale internationale). Khadija Riyadi accuse le CCDH de tenir un double discours et de donner à chaque fois des chiffres différents sur les cas résolus. «Herzenni annonce vouloir passer à autre chose, tandis que son secrétaire général nous a dit le contraire lors d'une réunion tenue dernièrement. Le SG nous a affirmé qu'il fallait quelques mois, voire des années pour régler ces questions», explique Mme Riyadi.

La position d'une autre ONG, l'Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH) est plus nuancée. Sa présidente, Amina Bouayach estime que le rapport d'avril est un document d'évaluation et qu'il est très important car il vient couronner les efforts du CCDH. «Ce document nous dira ce qui a été fait au niveau de chaque recommandation, à la lumière de ce qui a été discuté lors de la dernière assemblée générale du CCDH», estime Mme Bouayach. Pour la présidente de l'OMDH, le CCDH est une instance consultative, ce n'est donc pas à elle de dire quelles sont les réformes à entreprendre. Son rôle se limite à faire des propositions et de jouer un rôle de médiation. «Nous attendons de ce rapport qu'il nous dise quelle sera l'étape prochaine. Quelles seront les mesures d'exécution et comment cela va être géré», précise Mme Bouayach, qui cite comme exemple le code pénal sur lequel le CCDH a beaucoup travaillé. Au final, les avis divergent donc sur la pertinence de ce rapport qui donne l'impression qu'on va finir, petit à petit, par jeter aux oubliettes les fameuses recommandations de l'IER.

Disparitions forcées: Guerre des chiffres sur les cas résolus

Un point rend le président du CCDH particulièrement «fier», selon ses propres termes, des réalisations de son instance consultative : la réparation communautaire. Lors de deux rencontres débats à Washington mardi, Ahmed Herzenni a donné les dernières statistiques sur les travaux du CCDH. Ainsi, on apprend que 16.000 personnes ont été indemnisées et 1.200 cas de disparitions forcées ont été résolus, selon lui. Il ne resterait plus que 10 à 15 cas de disparition que l'instance espère élucider. «Herzenni donne les chiffres qu'il veut. Avant cela, il avait parlé de 66 cas non encore élucidés», s'insurge la présidente de l'AMDH, Khadija Riyadi. Cette militante explique que les familles des disparus n'ont pas reçu d'informations sur les cas solutionnés et qu'il n'y a aucun moyen de vérifier l'assertion du CCDH. Pour Mme Riyadi, les indemnisations financières ne sont pas suffisantes, il faut également une intégration sociale pour les victimes. «Que ce soit le CCDH ou les autres instances étatiques, tout le monde est irresponsable. Les victimes continuent de tenir des sit-in et depuis 3 ans, nous n'avons pas avancé». Ahmed Herzenni reconnaît l'existence de problèmes à ce niveau. Pour lui, ils sont dus à «l'âge de ces personnes et à leurs qualifications» qui rendent difficile leur insertion professionnelle.

Zakaria Choukrallah
Source: Le Soir Echos

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