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Torture de Binyam au Maroc: Des photos à charge contre la DST

Le gouvernement anglais refuse de déclasser les dossiers des transferts des détenus de Guantanamo au Maroc. Mais des documents accablant le royaume pourraient atterir chez certains journaux londoniens.

Les autorités britanniques vont-elles finir par lever le voile sur les dossiers détenus par leurs services de renseignements sur les prisonniers de Guantanamo ayant «transité» par le Maroc pour y être inhumainement interrogés ? Jusqu'à maintenant, le Maroc peut souffler, la Justice britannique ayant décidé de maintenir confidentiels les documents liés aux opérations de transferts orchestrées par la CIA américaine en coordination avec certains pays «amis» et avec le fort appui de la Grande-Bretagne. Mais officieusement, une opération de distillation de certaines informations serait en cours de préparation. C'est du moins ce que nous affirme cette source digne de foi à Londres, parlant de «risque d'organisation d'une fuite d'informations». Un risque que confirment nombre de sources, les renseignements britanniques ayant l'habitude de «filtrer» ce qui ne peut être dit officiellement à la presse.
De quels documents s ' agirait-il ? «En plus des méthodes peu orthodoxes utilisées pour soutirer les aveux, il est également question des photos du passage de Mohamed Binyam au siège de la DST», affirme notre source. Le risque d'éclabousser le Maroc est donc réel. Il l'est d'autant plus que les autorités continuent à nier en bloc toute accusation d'avoir accueilli sur le sol marocain des détenus de Guantanamo. Ce n'est pas ce qu'avancent nombre d'anciens détenus, étrangers, tels le Britannique Mohamed Binyam, ou le Maroco-italien Abou Al Kacim Britel. Comme ce n'est pas ce que disent des ONG comme Reprieve, une association de défense des détenus de Guantanamo, dont les responsables ont effectué de nombreux déplacements au Maroc pour y recueillir des témoignages et enquêter sur les sécuritaires marocains mouillés dans le fameux programme «Extraordinary Rendition». C'est dans ce cadre que Chris Chang, membre du Reprieve, a effectué, l'été dernier, une visite au Maroc. Ce responsable affirme d'ailleurs que Mohamed Binyam a subi des sévices au niveau de son sexe, entaillé à plusieurs reprises au scalpel, alors qu'il se trouvait en détention au Maroc, où des responsables américains l'ont conduit en 2002 depuis le Pakistan. Chris Chang parle également de photos prises lors des séances de torture de Binyam.

Selon les témoignages recueillis par Reprieve au Maroc, le nom d'un certain Redouane revient très souvent. Ce Redouane, qui aurait bien cuisiné Benyam, serait un des tortionnaires les plus en vue au siège de la DST à Témara. LA trentaine, de grande taille et gros fumeur. Il habite Kénitra et serait propriétaire d'une Fiat Uno vert bouteille. Reprieve n'hésite pas à citer de gros bonnets de l'appareil sécuritaire au Maroc, qui seraient fortement et directement impliqués dans ces opérations. Il s'agit notamment de Hamidou Laânigri, l'inspecteur général des Forces Auxiliaires, à l'époque patron de la DST (de 1999 à 2003) et de la DGSN (jusqu'à 2006), présenté comme l'homme stratège de ces opérations au Maroc, et de Abdellatif Hammouchi, l'actuel patron de la DST, qui aurait supervisé les différentes opérations entrant dans ce cadre. Par contre, et toujours d'après ces témoignages, à aucun moment, la DGED de Yas-sine Mansouri n'a été citée.

Si on ne connaît pas le nombre exact de détenus qui ont été «interrogés» au Maroc, le nombre d'escales faites par la CIA au royaume est, quant à lui, connu. Selon un récent rapport de la commission du Parlement européen chargée d'enquêter sur les vols secrets de la CIA en Europe, quelque 40 atterrissages d'avions de la CIA aurait été effectués au Maroc, de 2001 à 2005. A rappeler que la prison de Guantanamo abrite toujours deux Marocains. Il s'agit, selon Reprieve, de Abdellatif Nacer (originaire de Casablanca) et Younès Chakouri (originaire de Safi). Depuis 2004, le Maroc a déjà rapatrié onze personnes qui étaient détenues dans ce centre.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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