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Un Marocain à l'Académie francaise de chirurgie

Le Pr. Younès Bensaïd vient d'être nommé à la préstigieuse Académie francaise de chirurgie. Une consécration pour un long parcours qui a pourtant commencé par le fruit du hasard.

Il rêvait de faire décoller des fusées, mais le destin lui a tracé un tout autre chemin, sur la Terre et pas vers l'espace. Younès Bensaïd, 56 ans, est, aujourd'hui, une référence internationale en chirurgie vasculaire. Il est même devenu, il y a quelques jours, le premier Marocain à accéder à la prestigieuse Académie française de chirurgie. «J'ai eu un parcours mathématique jusqu 'au baccalauréat que j'ai décroché au lycée Descartes. J'étais très mordu de physique théorique et c'est mon père qui m'a convaincu de changer de voie pour m'inscrire en médecine», confie-t-il. Sans regret, Younès Bensaïd a prêté le serment d'Hippocrate après de brillantes études d'abord au Maroc, puis en France où il a perfectionné ses acquis à l'hôpital La Pitié Salpêtrière à Paris. En 1985, le jeune surdoué est un homme heureux : il décroche haut la main son agrégation en chirurgie. «J'étais major de promotion !», lance-t-il, fièrement assis dans son bureau de chef de service de chirurgie vasculaire «D» à l'hôpital Ibn Sina à Rabat. Younès Bensaïd a choisi la plus dure des branches en chirurgie par défi peut-être, mais surtout par conviction. Et c'est à juste titre qu'il est le directeur du diplôme national de la chirurgie vasculaire. «Mon vœu le plus cher, à dix ans de la retraite, est de parvenir à développer cette spécialité, à former plus de chirurgiens d'excellence au Maroc», affirme-t-il.

Le travail et toujours le travail, à ce grand professeur on reconnaît l'envie de se battre, de changer le cours des choses. D'ailleurs, la consécration de l'Académie française de chirurgie arrive comme par logique dans la vie de ce chirurgien. «J'ai, en fait, déposé une demande à l'Académie française de chirurgie, depuis trois années, pour en devenir membre. Et c'est sur la base de mes travaux que j'en ai eu le droit», précise-t-il. Une série d'articles scientifiques réunissant des synthèses de recherches très pointues sur la chirurgie vasculaire, c'est ce qui a forcé l'admiration de l'Académie française.

Le 21 janvier à Paris, la cérémonie d'investiture a officiellement consacré le Pr. Younès Bensaïd ainsi que trois autres spécialistes étrangers (deux Belges et un Congolais) désormais nouveaux membres de cette institution scientifique. «La médaille, je la garde sur mon bureau. Cette consécration est avant tout, pour moi, une reconnaissance par mes pairs», révèle-t-il en ouvrant le boîtier bleu pour montrer sa médaille. Cette recorrnaissance permet au spécialiste de pénétrer dans l'univers de la chirurgie vasculaire à l'échelle internationale.

Le Pr. Younès Bensaïd aura à approfondir ses recherches scientifiques, mais aussi à apporter ses commentaires, ses critiques, à évaluer les travaux effectués dans le monde entier en chirurgie.

Tout cela ne lui a jamais donné envie de quitter le Maroc pour pouvoir travailler dans de meilleures conditions. «Non, je n'ai jamais voulu partir. Je suis de ceux qui pensent naïvement au patriotisme que certains qualifient d'idiotie. J'ai toujours voulu servir mon pays, tout simplement», avoue ce chirurgien pour qui l'unique regret demeure : «l'état catastrophique de la santé dans (son) pays. Il est irrégulièrement servi et cela n'a pas changé». Les mots, le Pr. Younès Bensaïd n'en emploie pas beaucoup. Souvent, c'est son émotion et ses regards qui en disent long sur ses sentiments. Comme Candide de Voltaire à la recherche du bonheur impossible, le Pr. Younès Bensaïd a opté pour la potion magique : «Cultiver son jardin».

Une morale devenue, au fil du temps, la devise du spécialiste en chirurgie vasculaire. Avec le peu de moyens, dont disposent nos structures hospitalières, la philosophie a de quoi panser les blessures les plus profondes des blouses blanches.

L'astronomie en temps libre
Pr. Younès Bensaïd est né le 7 juillet 1952 à Salé. Dans la famille Bensaïd, il n'est pas le seul à avoir creusé son chemin dans l'univers médical. Il a un frère radiologue et une sœur médecin du travail. Ses deux autres frères ont, pour leur part, choisi l'ingénierie. «Mais aucun de mes enfants ne penche pour la médecine», dit-il en souriant avant d'ajouter : «Je n'ai jamais cherché à imposer une orientation à mes trois enfants. Je les laisse libres». Sa fille a investi le monde du commerce en France, alors que ses deux fils poursuivent leur scolarité au lycée. Côté loisirs, c'est l'astronomie qui sert de passe-temps au chirurgien vasculaire. Normal, il voulait faire décoller des fusées ! Mais, là, il se contente d'un télescope au planétarium d'Akrach grâce auquel il peut scruter le monde merveilleux des étoiles. «Si on pouvait disposer d'une autre vie, on ne la refuserait pas», avoue-t-il.

Leïla Hallaoui
Source: Le Soir Echos

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