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Comment vivent les Marocains des pays du Golfe ?

C'est la première fois que la Fondation Hassan II s'intéresse aux Marocains des pays arabes et surtout du Golfe. Dans sa dernière publication, elle lève le voile sur «l'esclavage» qu'endurent les domestiques marocaines.

La Fondation Hassan II pour les MRE a brisé un tabou. C'est le constat que font les experts marocains de l'immigration après la publication de son nouveau rapport : «Marocains de l'extérieur 2007». Présenté hier à Rabat, ce gros ouvrage de près de 500pages dévoile enfin les dessous d'une immigration jusqu'à ce jour «évitée» pour reprendre les propos des participants. Elle concerne les Marocains dans les pays arabes et plus particulièrement du Golfe. «Nous avions limité nos recherches publiées en 2003 sur l'immigration en Europe occidentale. C'est la première fois qu'on intègre celle effectuée dans les pays arabes dans cette publication», reconnaît Omar Azziman, président délégué de la Fondation Hassan II pour les MRE.

Les recherches se sont axées sur l'Arabie Saoudite où résident près de 28.000 Marocains et sur les Emirats arabes unis (EAU) qui en comptent plus de 30.000. Par rapport aux domaines d'activité, cet ouvrage explique que les Marocains sont employés, par ordre d'importance, dans les services de l'hôtellerie -que ce soit l'animation nocturne «art et musique» ou le management et les emplois subalternes-, du commerce et de l'administration(police, sécurité...) ou encore dans la coiffure et l'esthétique. Les femmes, plus précisément, sont en majorité nurses ou domestiques mais aussi couturières, décoratrices et hôtesses de l'air. En dehors des services, les emplois qu'exercent les Marocains dans ces pays concernent l'agriculture, la mécanique,l'électricité et l'électronique. Toutefois, fait remarquer l'étude, l'emploi féminin est prédominant, en particulier aux EAU, et la plupart du temps, les contrats délivrés ne correspondaient pas à l'activité indiquée, ces femmes étant souvent victimes de réseaux de prostitution. Plus que cela, la Fondation explique dans sa publication que la forte présence des femmes dans les services domestiques et dans la prostitution équivaut à «une exportation, d'un côté, de la tendresse et de l'autre, des services sexuels». Aux EAU, toujours, plus de la moitié des Marocaines opèrent dans les «services nocturnes» et les réseaux de prostitution. A propos des conditions dans lesquelles travaillent les domestiques femmes, l'enquête affirme qu'elles «sont parfois inhumaines. Ce qui semble dissuader les autres ressortissantes des pays arabes à occuper ces postes demeurant convoités par les Asiatiques et les Marocaines». Les salaires de ces femmes se situent en général autour de 1.500 DH, ce qui ne permet pas de constituer une épargne. La Fondation Hassan II soulève ainsi les abus dont font les frais tout particulièrement les domestiques, soulignant leur surexploitation qui les réduit carrément à «l'esclavage». Une situation engendrant souvent des cas de traumatismes psychologiques qui marqueront à vie la jeune migrante dont le seul espoir devient le retour au pays. Le responsable ? Sur la base des témoignages recueillis par la Fondation, celle-ci indique que plusieurs reprochent aux autorités marocaines de laisser s'expatrier les jeunes migrantes pour travailler dans des conditions insoutenables. Plus encore, ils affirment que «le Maroc est pratiquement le seul pays à autoriser cette forme de migration humiliante».

Image négative dont la femme marocaine ne peut plus se débarrasser dans ces pays. Alors, pour effacer cette étiquette, les Marocaines optent pour le mariage mixte, très répandu selon l'étude, en Arabie Saoudite où l'obtention de la nationalité est très difficile. Pour en avoir le droit, il faut un diplôme de haut niveau, dix années de résidence et un membre de la famille de nationalité saoudienne. Aux EAU, la difficulté est similaire et les mariages mixtes sont d'environ 7.000, d'après les estimations des autorités consulaires. Et la majorité est contractée avec des Syriens, des Egyptiens, des Jordaniens, des Palestiniens et des Libanais.

Quelques critiques

Les chercheurs et experts en migration appelés à commenter la nouvelle publication de la Fondation Hassan II pour les MRE ont mis l'accent sur l'ancienneté des statistiques prises pour base afin d'évaluer la situation des Marocains du monde. Le décalage par rapport aux années 2000, 2004 et 2005 auxquelles fait référence l'étude est plutôt énorme. «En Espagne par exemple, les conditions de vie de nos MRE ont complètement changé et en très peu de temps !», explique l'enseignant-chercheur Mehdi Lahlou.

Une réactualisation, c'est ce que revendiquent ces experts de la question migratoire, dont Driss Ajbali, expert et membre du CCME. En plus de la réactualisation des données, ces chercheurs appellent aussi la Fondation Hassan II à s'intéresser aux mutations que connaissent les MRE et les pays d'accueil.

Leïla Hallaoui
Source: Le Soir Echos

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