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Dominique Vidal : Combattre tous les racismes.

Les affaires récentes d’Epinay et du RER ainsi que les déclarations d’Ariel Sharon confirment que la question de l’antisémitisme fait l’objet d’intenses manipulations. Il serait pour autant absurde et dangereux de nier le phénomène inquiétant de la poussée récente du racisme - dont l’antisémitisme - dans notre pays depuis trois ou quatre ans. Il faut réfléchir ensemble sur la meilleure manière de le combattre, car c’est un poison extrêmement pernicieux. Je vous propose de le faire en cinq points.

Ne pas se tromper sur l’ampleur et la nature du phénomène

Selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), organisme sérieux dont les experts se fondent sur les statistiques du ministère de l’Intérieur et plus précisément sur les actes de «violence raciste» (mieux établis que les «menaces racistes» :


en 2002 par rapport à 2001, le nombre d’actes de «violence raciste» a été multiplié par quatre, et, en leur sein, le nombre d’actes antisémites multiplié par six ;

en 2003 par rapport à 2002, on observe un net reflux des actes antisémites au nombre de 125 (- 35,9%) et des autres actes racistes au nombre de 92 (-22,69%) ;

hélas, pour le seul premier semestre 2004, on assiste à une nouvelle poussée selon le ministère de l’Intérieur, avec 135 actions anti-juives et 95 autres actions racistes, soit plus que pour l’ensemble de l’année 2003 (respectivement 125 et 92).
La situation est particulièrement grave en Corse avec 30 actes de violence anti-arabes en six mois. Ces données inquiétantes doivent cependant être relativisées. Haim Musikant, secrétaire général du CRIF, a raison de le souligner au sujet des violences antisémites : «Comme les plaintes sont mieux considérées qu’autrefois, que la police est plus mobilisée pour retrouver les agresseurs, et la justice pour les condamner, les gens victimes d’agressions hésitent moins à porter plainte.» Ce n’est pas encore le cas, loin de là, des victimes des violences anti-arabes.

Seconde remarque : on ne saurait voir dans le niveau élevé des violences antisémites la manifestation d’une montée de l’antisémitisme comme courant politique de masse dans notre pays. «Les violences, explique le rapport 2002-2003 de la CNCDH, ne semblent pas révéler un comportement de rejet dont seraient victimes les membres de la communauté juive dans l’ensemble de la société française.»

De fait, les sondages, les enquêtes récentes, confirment le rejet massif de l’antisémitisme. Ainsi 89% des Français considèrent aujourd’hui que «Les Français juifs sont des Français comme les autres» (contre 46% en 1946). 90% des Français seraient prêts à élire un président de la république juif (contre 50% en 1965). S’agissant de l’attitude des Français d’origine arabe, un livre blanc de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et de SOS Racisme publié en 2002 et corroboré par une analyse de Philippe Méchet, directeur d’études de la Sofrès, est frappé par «l’absence d’antisémitisme de masse chez les jeunes d’origine maghrébine».

Qui alors commet les violences anti-juives ?

A partir des observations des services des Renseignements généraux, le ministère de l’Intérieur estime que l’Intifada «conduit nombre de jeunes à afficher une identification avec les combattants palestiniens, censés symboliser les exclusions dont eux-mêmes s’estiment victimes dans la société occidentale». Mais il circonscrit un cercle de coupables, observant qu’il s’agit «très fréquemment d’acteurs originaires des quartiers dits “sensibles”, souvent délinquants de droit commun par ailleurs, qui essaient d’exploiter le conflit du Proche-Orient». Il précise d’ailleurs que ces groupes sont «peu sensibles» aux discours idéologiques. L’analyse des Renseignements généraux recoupe l’intuition de Théo Klein qui, dès 2001, parlait de «violence sociale» dans les banlieues en soulignant que les mêmes petits groupes de jeunes des banlieues sont impliqués dans des délits de droit commun, des attaques anti-juives, des agressions de jeunes filles, des bagarres avec les pompiers,...

Nous voici en tout cas très loin de la Nuit de cristal évoquée par Alain Finkielkraut. Pour mémoire, au cours de ce gigantesque pogrom à l’échelle de tout le Reich nazi, le 9 novembre 1938, 91 juifs furent assassinés, 191 synagogues détruites, 7 500 magasins juifs saccagés et 30 000 juifs déportés. Nous sommes aussi très loin de la «nouvelle judéophobie» attribuée par Pierre-André Taguieff aux militants islamistes, alter-mondialistes ou tiers-mondistes.

Le principal terreau de la violence, ce sont ces ghettos de chômage, de misère et d’ennui où végètent, sans le moindre espoir d’avenir, des centaines de milliers de jeunes défavorisés, au premier rang desquels les jeunes issus de l’immigration.

Le fait que des jeunes délinquants soient les principaux acteurs de violences antijuives n’exclut évidemment pas l’incitation que représente pour eux l’antisémitisme propre à certaines mouvances islamistes intégristes. Celles-là même qu’ont dénoncées plusieurs personnalités musulmanes, notamment Tariq Ramadan dans sa fameuse tribune du Monde de la fin décembre 2001 et dans la plupart de ses conférences-débats. Le philosophe déclarait notamment : «Il faut être honnête et aller jusqu’au bout de l’analyse du phénomène : comme cela se voit à travers le monde musulman, il existe aujourd’hui en France un discours antisémite qui cherche à tirer sa légitimité de certains textes de la tradition musulmane et qui se sent conforté par la situation en Palestine. Ce discours n’est pas uniquement le fait de jeunes désoeuvrés ; il est aussi véhiculé par des intellectuels ou des imams qui, à chaque écueil, au détour de chaque revers politique, voient la main manipulatrice du “lobby juif”. La situation est trop grave pour se satisfaire de propos de circonstance. Les musulmans, au nom de leur conscience et de leur foi, se doivent de prendre une position claire en refusant qu’une atmosphère délétère s’installe en France. Rien dans l’islam ne peut légitimer la xénophobie et le rejet d’un être humain par le seul fait de sa religion ou de son appartenance. Ce qu’il faut dire avec force et détermination, c’est que l’antisémitisme est inacceptable et indéfendable. Le message de l’islam impose le respect de la religion et de la spiritualité juives considérées comme la noble expression des “gens du Livre”.»

Si les violences anti-juives sont le fait de minorités isolées, on ne peut pas en dire autant des attaques anti-arabes et anti-musulmanes : elles sont aussi menées par de petits groupes, souvent d’extrême droite, mais qui misent, eux, sur les préjugés d’une partie significative de la population. Car il subsiste un racisme «politiquement correct» anti-arabe et anti-islamique.

Un racisme “politiquement correct” : l’islamophobie

Le CNCDH relève une augmentation des actes hostiles à l’islam : 22% au total en 2003 contre 12% en 2002, avec notamment des attaques de mosquées, des profanations de tombes et des agressions contre des personnes. Cette évolution coïncide avec la détérioration de l’image de l’islam, après des progrès observés sur plusieurs années. A preuve l’enquête réalisée fin 2003 :


Si 75% de Français considèrent les musulmans comme «des Français comme les autres» (contre 89% pour les juifs), 39% les jugent «trop nombreux». Pour 57%, ils forment un «groupe à part dans la société française» (contre 36% pour les juifs, 19% pour les noirs, et 11% pour les catholiques) ;

l’idée de développer des projets tendant à faciliter le culte musulman est rejetée par 47% des Français (contre 46% qui sont pour) ; celle de former des imams en France est rejetée par 48% (contre 40%) ; celle de construire des mosquées à proximité rejetée par 47% (contre 26%) ;

dans la même enquête, le terme «islam» est perçu comme «positif» par 23% des sondés et «négatif» par 66% d’entre eux. Pour le «christianisme», les chiffres sont respectivement de 52% et 13%, et pour le judaïsme de 30% et 20%. De plus, si l’on remplace le mot «islam» par «religion musulmane», la perception négative tombe de 66% à 31%.
On voit là que la propagande menée ouvertement contre l’islam par des Houellebecq, Fallaci et autres Imbert a produit ses effets. Au-delà de ces trois cas particuliers, et quoiqu’on pense de la loi finalement votée, il faut noter que le débat sur le port des signes religieux à l’école a été l’occasion de graves dérapages de la classe politique et des médias. De nombreux musulmans ont eu, à juste titre, l’impression que leur religion - la deuxième du pays - était mise au ban des accusés, présentée comme responsable du terrorisme, de l’antisémitisme et de l’oppression des femmes.

La CNCDH discute du terme d’islamophobie. De fait, la critique de l’islam - comme du judaïsme ou du christianisme - est évidemment légitime. Sauf si elle devient une forme nouvelle du vieux racisme anti-arabe, enraciné en France par l’histoire coloniale et conforté depuis le 11 septembre 2001 par la présentation de l’islam comme l’ennemi de l’Occident, dans cette nouvelle guerre des civilisations chère au président américain. Au point que même le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a déclaré lors de sa visite à la grande mosquée de Paris : «Je m’inquiète d’une islamophobie qui se développe incidemment dans notre pays.» Personnellement, je suis et me sens fils de la République laïque. Je tiens à ce que l’Etat échappe aux pressions de l’Eglise, de la Synagogue, de la Mosquée et de la Pagode. Mais je trouve inacceptable que la laïcité soit dévoyée au service d’une entreprise politicienne.

On peut bien sûr critiquer Tariq Ramadan - c’est d’ailleurs parfois mon cas - mais à condition de le lire. Il a écrit récemment : «La laïcité a bon dos. On veut faire croire au peuple français et aux enseignants qu’on veille sur eux, qu’on les protège des dangers qui les guettent : dépérissement de l’unité de la République, communautarisme, violence, etc. La loi contre le foulard devrait faire ce miracle et cacher, au détour, les vraies causes des dangers. Penser la laïcité en terme de lois et de structures, poursuit Ramadan, c’est oublier qu’elle se fonde aussi et surtout sur une certaine idée de la citoyenneté et de l’organisation sociale : l’égalité, le refus de la discrimination et du racisme, l’accès à l’éducation, l’opposition au communautarisme social sont autant de principes et de valeurs qui donnent sens au cadre légal de la laïcité.» Et de conclure : «La République ne sera laïque que si elle sait renouer avec sa vocation sociale.» En réalité, et c’est la seule critique qu’on pourrait lui faire à la lecture de cette prise de position, Tariq Ramadan paraphrase ici, sans le citer, Jean Jaurès, qui ne disait pas autre chose il y a environ un siècle.

Quand la stigmatisation s’ajoute aux discriminations

A suivre TF1, Europe1, Le Parisien et même parfois Libération, on pourrait croire que l’islam représente le principal problème de la France contemporaine, et la cause de tous les troubles des cités populaires. En réalité, ce qui risque, de mettre le feu aux poudres, c’est la stigmatisation de l’islam ajoutée aux discriminations que les jeunes des cités subissent déjà dans tous les domaines : éducation, emploi, salaire, santé, culture.

Leur vie quotidienne, c’est en effet la ghettoïsation et ses terribles conséquences. En France, plusieurs centaines de quartiers et de cités sont souvent abandonnés par l’Etat, les municipalités et bien des services publics. Mais également par les forces les politiques traditionnelles, y compris de gauche. A quoi ressemble la planète mondialisée ? Deux types de régions s’y côtoient. D’un côté des zones «blanches» qui se développent (Amérique du Nord, Europe, «tigres» asiatiques et certaines grandes villes du tiers-monde) et de l’autre des zones «grises» qui périclitent et souvent s’enfoncent dans des conflits terribles sans que personne n’intervienne (en premier lieu en Afrique). Toutes proportions gardées, nous subissons la même situation en France, avec des zones «blanches» (les centres des grandes villes) et des zones «grises» (les cités populaires déglinguées). Ceci constitue une atteinte majeure à l’égalité des citoyens qui fonde le contrat républicain.

Plus généralement, si ««l’intégration»» - j’inscris ce mot entre quatre guillemets, tant il est discutable, s’agissant de jeunes citoyens français - est en panne, c’est parce que l’ascenseur social est bloqué. La société française a «intégré» successivement les juifs, les Italiens, les Polonais, les Espagnols et les Portugais : à l’époque, une bonne formation générale et professionnelle équivalait à une promesse d’emploi sûr, d’accès à un logement correct, de moyens pour fonder une famille et élever dignement des enfants et de la possibilité à devenir citoyens à part entière.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et c’est là l’origine de la poudrière - là et non la religion ou l’«ethnie». La nomination d’un «préfet musulman» ne trompe personne. Le problème, c’est sans doute qu’il n’y a pas de préfet musulman, mais pas non plus de député musulman, ni de sénateur musulman. Et j’ajoute presque pas de musulmans dans la haute administration, la haute magistrature ou dans les instances de contrôle. L’expérience - en France comme ailleurs - montre qu’il est impossible de rattraper ce retard aussi considérable sans mettre en oeuvre une politique volontariste.

Cette même idée a guidé les inventeurs de la loi pour promouvoir la parité entre femmes et hommes. Pratiquer «l’action positive», ce n’est pas créer des discriminations - même «positives» -, mais contribuer à l’égalité des chances qui fonde le contrat républicain. La dernière mode à l’UMP, c’était la danse du ventre pour séduire les Franco-Maghrébins. La droite a promis des postes éligibles sur les listes électorales - promesses qu’elle n’a évidemment pas tenues -et déversé de l’argent sur des centaines d’associations. Mais, pour quelques carrières offertes à des jeunes aux dents longues, combien de dizaines et dizaines de milliers d’autres resteront sur la voie de garage ? Clientélisme et électoralisme ne mèneront pas loin.

Comme le souligne Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme : «En donnant quelques places à des personnes issues de l’immigration, la société s’exonère de la situation dans laquelle elle laisse tous les autres et se sert de ces quelques-uns pour démontrer que le système est bon (...). Le rattrapage à faire n’est pas de l’ordre du symbolique.»

Il est donc absurde, injuste et improductif, sous couvert du voile, d’ajouter à l’exclusion sociale, civile et politique la stigmatisation indifférenciée et humiliante. Exclure une partie de la communauté nationale, c’est menacer la démocratie elle-même. Car la participation à droits égaux de millions de Français issus de l’immigration, immigrés vivant parmi nous, est décisive pour l’avenir de la société française. Comment combattre le racisme ?

Il ne s’agit pas là d’un débat de chercheurs ou d’intellectuels. L’analyse de la réalité des racismes est décisive pour bien lutter contre eux. Si le diagnostic n’est pas bon, il y a de fortes chances que l’ordonnance soit mauvaise.

Quelle est mon ordonnance?

A chacun ses responsabilités. L’Etat a les siennes, mais le mouvement social aussi. A l’Etat incombe la recherche des coupables - et à la justice leur condamnation. Au gouvernement revient la responsabilité de protéger les victimes de tous les racismes et la création des conditions économiques et sociales qui permettront de résorber le fossé creusé au sein de la société française.

Mais le mouvement social ne saurait se décharger simplement de toute responsabilité et s’en remettre à l’Etat. Il lui faut notamment: mobiliser les forces démocratiques aux côtés de toutes les victimes, et contre tous les racismes (anti-Juifs, anti-Arabes, anti-Noirs, sans oublier de lutter contre le racisme anti-Tziganes, le pire, parce que le plus commun et dont on parle le moins); mais aussi et surtout faire pression sur les autorités pour modifier en profondeur le terreau même : les conditions de vie et de travail des millions de Français défavorisés, notamment ceux issus de l’immigration.

Dans cette bataille, l’impératif essentiel, c’est l’alliance entre les jeunes des cités et l’ensemble des forces de renouveau, en premier lieu les alter-mondialistes. Il sera décisif de dépasser les prétendues divisions entre «Français de souche» et «immigrés» pour bâtir un front commun de toutes les victimes du néolibéralisme. La construction d’une telle alliance s’avère une tâche difficile en raison de sa nouveauté, des préjugés de part et d’autre (qu’il faudra lever) et des pressions de la classe politique et médiatique. Mais de toutes les façons, il n’y a pas le choix : les jeunes des cités ne changeront pas de vie sans appui ni sans alliés ; et le mouvement alter-mondialiste ne progressera pas durablement sans aller à la rencontre des jeunes des cités. Y compris dans le combat pour une solidarité avec le peuple palestinien et pour une paix juste au Proche-Orient.

Pour s’allier, il faut dialoguer. Avec Leila Shahid et Michel Wacharwski, nous avons entamé une tournée des cités dites «sensibles». Nous allons dans ces quartiers pour actionner le levier de changement. Nos débats permettent non seulement d’informer sur la situation en Israël et en Palestine, mais aussi d’aborder toutes les questions qui «fâchent». Nous discutons ainsi clairement sur la question de l’antisémitisme : nous expliquons que le conflit du Proche-Orient n’est pas une guerre de religions ou d’ethnies, mais un affrontement politique qui appelle une solution politique. Nous dénonçons aussi le fantasme du «complot juif»: même aux Etats-Unis, le «lobby pro-israélien» pèse moins dans la politique de George W . Bush que celui des «chrétiens conservateurs».

La manipulation de la question de l’antisémitisme

Une chose est la réalité de l’antisémitisme, autre chose est le chantage à l’antisémitisme. Et on peut observer ce dernier tant en France qu’en Israël.

En Israël: Tout commentaire est presque inutile après les récentes déclarations d’Ariel Sharon, qui dévoilent les véritables objectifs des dirigeants israéliens : d’abord relancer l’immigration juive, très affaiblie depuis l’Intifada ; mais aussi et surtout poursuivre la colonisation des Territoires occupés. Ariel Sharon veut faire venir un million de nouveaux immigrants «juifs» en provenance d’Occident, et notamment de France, d’Argentine et des Etats-Unis.

Un million d’immigrants est venu de Russie entre 1990 et 2000. Ce flux migratoire est tari. Actuellement, il arrive encore entre 20 000 à 23 000 immigrants par an, mais il en repart tout autant). Pour les dirigeants israéliens, il est vital de retarder la bascule démographique prévue à la fin de la décennie (2010) : selon tous les experts, la population du «Grand Israël» cher à la droite israélienne sera alors majoritairement palestinienne.

Israël, qui se veut «juif et démocratique», sera confronté à un terrible dilemme : - soit il choisira la démocratie, et notamment accordera le droit de vote à tous les habitants, y compris Palestiniens, auquel cas ce ne sera plus un Etat juif ; - soit il tiendra à préserver son caractère juif, auquel cas il ne pourra pas être démocratique.

Et cet apartheid imposé à une majorité arabe sans cesse plus large provoquera des soulèvements plus puissants encore, auxquels l’armée israélienne réagira par une répression plus violente encore. Vu les rapports de force militaires, un tel scénario peut certes déboucher sur l’écrasement des Palestiniens, mais il entraînera aussi à terme la disparition de l’Etat juif.

Pour éviter ce scénario, le général Sharon veut: quitter Gaza, après avoir anéanti ses infrastructures pour rendre la situation invivable aux Palestiniens; achever la construction du Mur pour réduire l’éventuel Etat palestinien à un Etat croupion et pousser les Palestiniens au départ (ce qu’on appelle le transfert); poursuivre le processus de colonisation en Cisjordanie pour contrôler de nouveaux territoires. D’où son appel à une nouvelle alya («montée», en hébreu) et sa propagande pour peupler ces nouvelles colonies.

Il n’y a rien là de nouveau : Amos Oz, dans son livre Les Voix d’Israël, rendait compte en 1983 des propos d’un dirigeant ,des colons d’extrême droite de Cisjordanie, qui se définissait lui-même comme «judéo-nazi» et délirait en ces termes : «Leurs cimetières sont profanés, leurs synagogues brûlées, tous leurs vieux surnoms réapparaissent, ils sont jetés hors des meilleurs clubs, des gens tirent dans leurs restaurants ethniques tuant de petits enfants, les obligeant à supprimer tous les signes extérieurs montrant qu’ils sont juifs, les obligeant à déménager et à changer de profession. Bientôt leurs palais seront souillés d’inscriptions disant "Youpins, en Palestine !" Et vous savez quoi ? Ils iront en Palestine parce qu’ils ne sauront pas où aller ailleurs ! Tout cela est un bienfait que nous devons à la guerre au Liban. Alors dites-moi, cela ne valait-il pas le coup ? Bientôt nous tomberons sur des temps meilleurs. Les juifs commenceront à arriver, les Israéliens s’arrêteront de partir, et ceux qui sont partis vont revenir. Ceux qui avaient choisi l’assimilation comprendront en fin de compte que cela ne les aidera pas de vouloir être la conscience de l’humanité. (...) ils n’auront plus qu’une seule option : de rentrer chez eux, tous et vite, d’installer d’épaisses portes métalliques, de construire de fortes barrières, d’avoir des mitrailleuses à chaque coin de leur clôture, et de se battre comme le diable contre tous ceux qui dans cette région élèvent la voix. Et si quelqu’un ose seulement lever la main sur nous, nous lui prendrons la moitié de sa terre et brûlerons l’autre moitié, pétrole compris. Nous pourrons utiliser des armes nucléaires. Et continuer jusqu’à ce qu’il change d’avis.» Quand on relit ce texte, on comprend mieux ce qui sous-tend une certaine propagande israélienne.



Par Dominique Vidal
Source : Libération (Maroc)

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