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Enfants « harraga » : Ces petits qui rêvent de « brûler » à Tanger

Enfin une enquête sur « la tragédie des enfants du port de Tanger ». Ces laissés pour compte qui rêvent de « brûler », au risque de leur vie, les 13 Km qui séparent Tanger de « l’eldorado » européen. Synthèse.

Le nombre approximatif des enfants « harraga » à Tanger varie entre 150 et 300, selon les périodes de l’année avec un record durant la saison estivale. Leur « jeu » consiste à réussir à tromper la vigilance des agents de sécurité et pénétrer dans l’enceinte portuaire. Leur espoir est de pouvoir se glisser sous les essieux des camions et autocars en partance pour l’Europe. Cette terre qu’ils voient comme l’eldorado dont ils rêvent tant. Un rêve pour lequel ils vivent des situations, pour le moins, inhumaines. A commencer par la pénible attente de la « bonne opportunité ». Attente qui peut durer jusqu’à plus de quatre ans. C’est ce qui fait qu’un petit qui a aujourd’hui 12 ans, peut se retrouver encore à 16 ne faisant qu’attendre de passer à l’autre bord de la Méditerranée.

Selon l’enquête de l’Unicef, qui a été réalisée entre octobre 2007 et avril 2008, en collaboration avec l’Institut national de l’action sociale, 8% des mineurs « harraga » survivent aux alentours du port de Tanger depuis plus de 4 ans, 27% y séjournent depuis plus d’une année. Selon les témoignages de ces malheureux qui ont eu à raconter maintes fois leur calvaire aux équipes des télévisions occidentales, ils n’ont qu’une « idée fixe », celle de « tenter leur chance » eux aussi. Dans la plupart des cas, cette idée est directement liée aux « expériences d’émigration réussies » de proches parents : frères, oncles, cousins... Les cas d’échec et les risques dramatiques de leur dessein ne semblent même pas leur traverser l’esprit.

L’enquête vise à « combler le manque en informations sur la situation des mineurs vivant dans un contexte d’extrême vulnérabilité au port de Tanger ». Elle établit un diagnostic des facteurs qui motivent et expliquent cette décision d’émigrer malgré tous les risques et périls auxquels peuvent être confrontés les candidats mineurs à l’émigration clandestine. Ces derniers sont âgés entre 13 et 16 ans. Malgré cela, ils semblent avoir déjà « des idées toutes faites sur l’expérience de la vie », note un assistant social qui passe son temps à dissuader ces « petits désespérés qui n’ont plus rien dans la tête que l’idée d’effectuer ce voyage périlleux sous les essieux des camions et autocars en partance pour l’Espagne ». « Ils n’ont peur de rien... même pas de la mort. Ils doivent être profondément désespérés », note avec stupéfaction un transporteur international français qui a l’habitude d’assister aux courses poursuites entre ces jeunes « harraga » et les agents de sécurité en service au port de Tanger.

Précarité inqualifiable

Les « brûleurs du Détroit » n’étaient pas des SDF (sans domicile fixe) dans leurs milieux d’origine. Seuls 8% d’entre eux n’ont jamais été scolarisés. La majorité a déjà fait une première expérience de travail après avoir abandonné l’école, en sixième année de l’enseignement fondamental pour la plus grande partie et ce, pour différentes raisons : maltraitante, manque de motivation, manque de moyens financiers... Selon l’enquête : ils vivent dans la rue pour pouvoir émigrer et quand ils ne supportent plus la précarité de leur situation, qui s’avère plus dure qu’ils n’imaginaient, ces candidats à l’émigration clandestine consomment de l’alcool, sniffent des dissolvants afin de se sentir mieux ». L’enquête décrit les nombreuses souffrances de ces enfants qui font l’objet d’agressions physiques et morales quotidiennes et qui « vivent angoissés, anxieux et ont toujours peur ».

Autres constats tout aussi dramatiques : « ces enfants dorment dans la rue ou cachés dans les tuyauteries du port et manifestent de sérieux problèmes de santé et de malnutrition », « ils restent pendant des mois sans prendre de douche. Ils ont des teignes et sont infectés par la gale. Ils ont des blessures mal soignées et des infections de la peau »...

Concernant les conditions de départ, l’enquête révèle que les familles de ces enfants sont dans l’écrasante majorité des familles nombreuses (avec une moyenne de cinq enfants). Et dans 40% des cas, l’enquête constate l’absence de l’un des parents : décès du père ou de la mère, divorce ou abandon du foyer par le père notamment.

Les entretiens réalisés avec des familles de ces mineurs permettent de conclure que 30% des parents interviewés approuvent et appuient le « projet » de leurs enfants. Tandis que les 70% restants « qui ne sont pas d’accord », déclarent qu’ils ne peuvent rien faire pour retenir leurs enfants. Affligeant !

Hassan Laghcha
Source: Le Reporter

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