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Comment le Maroc resiste à la crise alimentaire

La crise bat son plein, mais le Maroc tient toujours, à coup de subventions et d'importations. Mais jusqu'à quand ?

Officiellement, le Maroc ne figure encore sur aucune liste de pays menacés, mais la question a lieu d'être posée : le Maroc, risque-t-il une crise alimentaire ? Le débat au niveau international fait actuellement fureur, notamment au sein de la FAO, où les déclarations des chefs d'Etats et d'organisations internationales se suivent et se ressemblent quant à l'urgence d'agir pour contrer la faim dans le monde. Quarante pays, dont bon nombre d'Etats à niveau de développement comparable au Maroc, ont d'ores et déjà tiré la sonnette d'alarme. C'est le cas notamment de l'Egypte, pays pourtant autosuffisant aussi bien en pétrole... qu'en céréales. Au Maroc, la flambée des prix des denrées alimentaires, avec un déficit de production chaque année plus prononcé, et les protestations contre la cherté de la vie, qui jalonnent la scène tant politique et syndicale que sociale, font craindre le pire. Qu'en est-il alors ? «Il n'y a certainement pas lieu de s'alarmer, bien qu'une crise ne soit jamais à exclure. L'Etat a fait le choix de payer, à coup d'importations et de subventions, le déficit en production agricole qu'il accuse. La question à se poser est : jusqu 'à quand peut-il tenir?», dit Najib Akesbi, économiste et universitaire spécialiste de l'agriculture.

Le discours et l'action de l'Exécutif ont certes de quoi rassurer. «Malgré la hausse des prix des denrées de base au niveau mondial, le Maroc, riche d'un système de compensation institutionnalisé depuis longtemps, a su juguler ces augmentations. Il est d'ailleurs l'un des rares pays dans le monde à avoir éviter la répercussion de ces hausses sur le marché intérieur, sachant qu'ailleurs, celles-ci ont été d'une moyenne de 40%», a récemment déclaré Nizar Baraka, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales Bien qu'extrêmement coûteux et «aveugle», puisqu'il ne bénéficie pas qu'aux plus nécessiteux, le système de compensation marocain semble en effet avoir les qualités de ses défauts. Les différents produits qu'il couvre sont subventionnés à la source et distribués sur tout le marché. «Cela nous évite les méfaits de politiques comme celle adoptée en Egypte, voulant que les produits subventionnés soient centralisés dans des magasins spécialisés et que les populations éligibles y accèdent par le biais de bons. Il suffit qu 'il y ait un problème d'approvisionnement pour que ces produits manquent sur le marché. Si des émeutes ont éclaté dans ce pays, c'est à cause de ce système. Et nous ne sommes pas dans cette configuration, du moins dans les villes», expliqué Akesbi.

Pour l'universitaire, c'est en effet du côté du monde rural que les regards doivent à présent se tourner. «Nous n'avons pas de remontées suffisantes d'informations sur la situation sociale dans ces régions. Les seuls échos qui nous parviennent sont ceux des grandes villes. Et il est sûr que dans bien des régions, marginales et marginalisées, il existe des problèmes de sous-nutrition et de malnutrition dont on ne parle pas», affirme-t-il. L'exemple de ce père de famille qui s'est imposé pour règle de ne plus acheter de poisson est édifiant. «Si le kilo de sardine coûte 10 DH, il faut compter un litre d'huile avec. Et celui-ci me coûte 20 DH», explique-t-il, en en disant long sur les changements d'habitudes culinaires que la hausse de certains produits commence à entraîner sur les foyers.

Pour Akesbi, le débat reste artificiel tant que la question de fond n'est pas abordée. Celle-ci n'est autre que la souveraineté alimentaire. Tous les efforts de l'Etat portent sur la distribution et la disponibilité des produits de base, au risque de creuser davantage la dépendance agricole du pays. «Or, l'enjeu est celui de la productivité, élément négligé même dans le récent plan Maroc vert. On y parle de produits à haute valeur ajoutée, de solidarité, aide à la survie des agriculteurs s 'entend, mais personne ne semble avoir pensé à l'équilibre alimentaire du pays», dénonce-t-il.

La subvention remplace l'action

Pour l'heure, les efforts de l'Etat se dirigent vers deux axes principaux. Le premier est de pallier les failles d'une saison agricole jugée trop moyenne, notamment en matière de céréales. Le déficit en pluviométrie, malgré les précipitations enregistrées cette année, est palpable. La baisse en productivité est de l'ordre de 3% par rapport à la moyenne des dix dernières années. Mais pour la première fois, et au 15 avril dernier, le stock en céréales a dépassé les 14 millions de quintaux, ce qui répondra aux besoins du pays pendant 3 mois. La production en fruits et légumes, elle, est jugée satisfaisante. L'Etat n'en maintient pas moins sa politique d'aide au secteur. A la prime accordée aux agriculteurs pour encourager le stockage (2 DH par quintal sur chaque 15 jours de stockage et ce, jusqu'au mois d'avril 2009) s'ajoute l'effort de stabilisation des prix du blé à 350 DH le quintal au niveau des minoteries et de celui du pain à 1,20 DH. Le tout, avec un budget de l'ordre de 94 millions de DH. Le second volet n'est autre que la révision attendue du système, et de la caisse de compensation, pour limiter íes dégâts engendrés par la hausse des prix. Ceux-ci ont été multipliés par 6 pour le pétrole et par 3 pour les céréales. L'enveloppe dédiée sera de l'ordre de 30 milliards de DH pour cette année, contre 20 milliards prévus initialement. Un meilleur ciblage des populations à même d'en bénéficier est également en cours. Il passera par l'identification de celles-ci en empruntant les procédés, et résultats, du recensement des populations éligibles au Ramed (régime d'assistance médicale aux plus démunis).

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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