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Lettre pour l'Histoire. L'affaire devant la Cour d'appel de Rabat

Sur fond de colère, le feuilleton de la «Lettre pour l'Histoire» se prolonge. L'affaire a été soumise de nouveau à la Cour d'appel de Rabat. Le procès aura lieu le 28 mai prochain.

La «Lettre pour l'Histoire» ne finit pas de faire des remous. Ses auteurs, Lhabib Hajji, Abdellatif Kenjaâ et Khalid Bouhayel continuent de payer au prix fort leur action de dénonciation de la corruption dans la justice. Le dossier a été soumis à la Cour d'appel de Rabat. Les trois avocats du barreau de Tétouan comparaîtront le 28 mai prochain devant cette instance judiciaire. «Le jugement de la Cour d'appel de Tétouan concernant la suspension des fonctions des trois avocats impliqués dans cette affaire a été annulé en cassation auprès de la Cour suprême. Celle-ci a envoyé l'examen à nouveau du dossier à la Cour d'appel de Rabat», note le bâtonnier Abderrahman Benameur, l'un des avocats qui assurent leur défense. Cette décision vise à garantir un procès transparent, indépendant, équitable et respectueux des droits des accusés, fait remarquer un professionnel. Le tribunal de Tétouan était à la fois juge et partie. Le manque de neutralité dans le jugement a été vivement décrié. Cette affaire qui a secoué les milieux des droits de l'homme était à l'ordre du jour du 26e congrès national de l'Association des barreaux du Maroc, tenu la semaine dernière à Tanger sous le signe «Etat de droit et des Institutions : une pratique et une participation». A l'issue des assises, les robes noires ont décidé de défendre en masse les signataires de la «Lettre pour l'Histoire», ajoute Abderrahman Benameur. Ainsi, plus d'une vingtaine d'avocats, poursuit Lhabib Hajji, seront présents le jour J. Parmi les défenseurs figurent des noms connus dans la profession comme Abderrahim Jamaï, Mohamed Akdim, Mohamed Sebbar et Tayeb Sassi, président de l'Association des barreaux du Maroc.

Cette affaire a éclaté en 2006. Souvenez-vous, Lhabib Hajji, Abdellatif Kenjaâ et Khalid Bouhayel ont dénoncé dans une lettre, rendue publique en juin de la même année, les actes de «corruption» au tribunal de Tétouan. Une réaction sévère ne s'est pas faite attendre longtemps. Le parquet contre-attaque en justice. Deux chefs d' accusation pèsent sur eux : «Atteinte à l'honneur de la profession» et «Outrage à la défense et à la justice». En l'absence d'un cadre juridique protégeant les dénonciateurs de la corruption, les trois bâtonniers ont été radiés du barreau de Tétouan par la Cour d'appel de cette ville. Les avocats sanctionnés ne jettent pas pour autant leurs armes. Soutenus par un comité fédérant des avocats et des défenseurs des droits de l'homme, ils décident de faire appel auprès de la chambre administrative de la Cour suprême. Celle-ci rend un jugement en leur faveur. Lhabib Hajji et Khalid Bouhayel reprennent leurs fonctions. Sauf maître Abdellatif Kenjaâ Ce dernier est poursuivi dans une autre affaire. «On m'accuse d'infractions liées à la profession», explique laconiquement le concerné. Actuellement, Abdellatif Kenjaâ demeure privé de son droit au travail en attendant que La Cour suprême rende son jugement à ce sujet. Les mésaventures des trois co-signataires, qui ont osé s'élever contre les abus de la justice, ne semblent pas se terminer. Pourtant, leur démarche jugée «courageuse» par nombre de personnes a été applaudie. Lhabib Hajji, Abdellatif Kenjaâ et Khalid Bouhayel se sont vus récompensés. En effet, le Prix Mahdi Elmandjra pour la Défense de la Dignité 2008 a été attribué à l'Association Transparency Maroc et à ces trois auteurs de la «Lettre pour l'Histoire». Les dénonciateurs de la corruption ont même été classés deuxièmes parmi les personnalités les plus marquantes de l'année 2007 par le mensuel «Afrique magazine». Juste derrière Barak Obama, le candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine.

Contre la corruption

Pour mettre à profit leurs expériences et compétences juridiques, Lahbib Hajji et Abdellatif Kenjaâ pilotent la cellule d'écoute de l'Observatoire de la corruption et du développement de la transparence au Maroc. Cette structure, mise en place par Transparency Maroc, a pour mission de recueillir les doléances des victimes, de soutenir ces dernières en leur apportant une assistance juridique et de les orienter vers les autorités compétentes. Toutefois, le nombre des personnes qui dénoncent les actes de corruption est faible. Ce n'est pas parce que la corruption a diminué mais plutôt parce que les Marocains ont peur de porter plainte. L'absence de loi protégeant les victimes et les témoins de corruption en est pour beaucoup. Pourtant, le Maroc a ratifié la convention internationale des Nations Unies contre la corruption. Transparency Maroc a, à maintes reprises, appelé le gouvernement marocain à respecter ses engagements internationaux. Toutefois, ses appels sont restés sans réponses.

Khadija Skalli
Source: Le Soir Echos

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