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Habitat insalubre au Maroc: Il y a péril en la baraque

A Dar Bouazza, le logement clandestin revient en force et gagne du terrain. Corruption et malversation, tout est bon, pour s’approprier, en un temps record, un toit à Casablanca.

Le vendredi 11 janvier, l’opération de démolition d’une habitation insalubre à Dar Bouazza a tourné au drame. Elle a entraîné la mort d’un garçon, âgé de 11 ans. Cette affaire remet au devant de la scène le problème des bidonvilles et des logements clandestins.

Aujourd’hui, plus que jamais, les pouvoirs publics sont appelés à prendre, à bras le corps, cette problématique de développement anarchique des constructions. Car non seulement, ce problème se répercute négativement sur la qualité de logement. Mais il constitue un réel danger pour les propriétaires de ces habitations. En témoigne, d’ailleurs, la tragédie du décès de ce jeune garçon, survenue suite à la démolition par des représentants des autorités, de l’habitation concernée. Corruption, malversation ou absence d’une loi réglementant l’urbanisme ? En tout cas, les exemples de constructions qui ont été réalisées d’une manière informelle et en un temps record ne manquent pas, à Casablanca.

Aujourd’hui, l’informel est devenu plus « performant » que le formel dans la rapidité de sa production. A Dar Bouazza, justement, ce type d’habitat revient en force et gagne, de plus en plus de terrain. Pourtant, pas moins de 1,4 milliards de dirhams ont été mobilisés pour mener à bien l’opération de lutte contre l’habitat insalubre, affirment des responsables proches du dossier. Aujourd’hui, pour les pouvoirs publics, il s’agit surtout de trouver de nouveaux moyens pour accélérer le rythme du programme de résorption des bidonvilles dans la métropole. Objectif : venir à bout de ce phénomène, à échéance 2010. Il faut dire que d’ici là, il ne devrait pas y avoir de répit. D’autant plus que, de l’avis même des responsables, pour résoudre le problème de l’habitant clandestin, les solutions adéquates n’ont pas encore été trouvées. « Si certains habitent un logement clandestin, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé sur le marché une offre suffisante, en terme de nombre et en terme de typologie correspondant à leurs attentes. C’est pour cela qu’ils virent facilement vers l’informel, en empruntant la voie de la corruption », confie Abderrahmane Efrassen, directeur de la société Idmaj Sakan. Pour ce dernier, la solution à ce phénomène est de renforcer l’offre en logement, aussi bien social qu’économique.

Pour ce qui est de la résorption des bidonvilles, la région du Grand Casablanca est concernée par un programme qui repose sur une nouvelle démarche. Une démarche qui est, aujourd’hui, entreprise dans le cadre de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain. Depuis la création de la société Idmaj Sakan, cette démarche porte effectivement sur la restructuration, carence de foncier dans cette région oblige. Une situation qui fait que, aujourd’hui, le foncier est hors de prix. En effet, il est difficile de mobiliser suffisamment de foncier pour les ménages, actuellement concernés par le programme Villes Sans Bidonvilles. Autre raison qui privilégie l’idée de faire des programmes in site, c’est qu’il s’agit surtout de noyaux ancrés sur des sites aussi bien sur le plan social qu’économique. C’est, le cas d’ailleurs, pour les bidonvilles relevant de Dar Bouazza. Lesquels totalisent 21 douars.

La région du Grand Casablanca totalise, à elle seule, quelque 98.000 ménages vivant dans plus de 450 poches de bidonvilles. A fin décembre 2007, les opérations portant sur l’amélioration des conditions d’habitat de plus de 35 milles ménages ont été mises en chantier, dont celles portant sur 15.000 ménages qui ont été relogés, indique M. Efrassen. Selon, le directeur de Idmaj Sakan, les opérations engagées par la société touchent de grands noyaux, en l’occurrence Madinat Errahma (6500 ménages) et le recasement de Thomas et Seqouila (6000 ménages). Un programme ambitieux est établi en partenariat avec le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme pour la résorption des noyaux restants et ce, d’ici à horizon 2012. S’étalant sur une période de cinq ans, ce programme nécessite un investissement global de 8 milliards de dirhams, dont 3 milliards seront assurés par le Fonds de Solidarité pour l’Habitat, souligne M. Efrassen.

A noter qu’une convention a été signée, en juillet 2004, pour éradiquer 17500 baraques. Et en septembre 2005, une deuxième convention a été signée pour la résorption de quelque 34500 baraques et s’étale sur la période 2006-2009. La troisième tranche de ce programme a, quant à elle, été lancée, l’année dernière, et profite à quelque 46.000 bidonvillois.

Par ailleurs, pour un coût global de 300 millions de dirhams, l’opération de résorption des bidonvilles qui relève de la commune Dar Bouazza consiste à recaser quelques 6500 ménages dans des lots bi familiaux (70 m2 en R+2). Quelque 600 familles ont déjà été relogées. Le montant à payer par les propriétaires des baraques est de 15.000 dirhams.

Des milliards de dirhams pour les bidonvilles

Pour accompagner le programme Villes Sans Bidonvilles, à l’échelle nationale, jusqu’à horizon 2010, et jusqu’à l’an 2012, pour la région du Grand Casablanca, les responsables de ce programme ont opté pour la mobilisation du foncier public. Ensuite, il y a le Fond de Solidarité Habitat qui appuie ce processus. Ce Fond dispose, en effet, d’un budget annuel de 1,2 milliards de dirhams et accompagne aujourd’hui ce programme qui coûtera à l’Etat un montant de 6 milliards de dirhams, à l’échelle nationale. A cela vient s’ajouter la contribution des bénéficiaires qui s’élève également à 6 milliards de Dh. Enfin le tiers qui reste est pris en charge par les programmes intégrés que le ministère de l’Habitat réalise.

53.000 baraques démolies

Le programme national « Villes Sans Bidonvilles » (VSB) qui vise, à horizon 2010, la résorption de l’ensemble des bidonvilles en milieu urbain, boucle en 2008 sa quatrième année. Pas moins de 53.000 baraques ont été démolies, à travers tout le Royaume et ce, entre 2004 et 2006.

L’objectif est d’atteindre, d’ici à l’an 2010, un rythme de démolition de 50.000 baraques, chaque année, au lieu de 5000 avant l’an 2004, indique-t-on au ministère de l’Habitat. Sont concernées par la problématique de bidonvilles, quelques 83 villes marocaines. Selon le ministère de tutelle, à ce jour, quelque 60 contrats VSB ont été signés dans ce cadre. Soit 60 villes qui s’engagent, aujourd’hui, par le biais de ces contrats, à résorber ce phénomène.

Cette année, 16 villes sont d’ores et déjà déclarées VSB. Parmi les 23 villes qui n’ont pas encore signé le contrat, il y a sept cités dans les provinces du sud qui ne sont donc pas concernées par le programme VSB. Et pour cause, les populations concernées vivent dans des campements et non pas dans des bidonvilles.

Au total, il faut compter quelques 16 villes, dont Casablanca et Temara, qui ne sont pas encore concernées par les contrats VSB. Ces deux villes concentrent, à elle seules, près de 46% des ménages vivant dans des bidonvilles à l’échelle nationale.

Pour la région du Grand Casablanca et Temara, les pouvoirs publics ne sont pas encore arrivés à mettre en place un programme adapté. Néanmoins, elles sont actuellement concernées par des contrats partiels, c’est-à-dire des contrats de financement qui portent seulement sur des parties de l’ensemble des bidonvilles existants. Il faut dire que l’ampleur du phénomène et la difficulté de mobiliser le foncier au niveau de ces deux villes sont les principales causes. Par ailleurs, sur les 270.000 ménages vivant dans des bidonvilles, près de 227.000 familles sont concernées par des contrats VSB ou des contrats de financement à l’échelle nationale.

Naïma Cherii
Source: Le Reporter

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