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Flou juridique et peines ridicules contre le tourisme sexuel au Maroc

Le tourisme sexuel se mondialise. Les pays asiatiques ne sont plus les seuls à être pointés du doigt. Aujourd’hui la réalité est tout autre. Le Maroc est devenu l’une des destinations privilégiées des «abuseurs». Marrakech, Agadir, Tétouan et leurs régions ou encore Essaouira et Tanger… sont envahies par les touristes nationaux et internationaux. Ces villes sont aussi des lieux privilégiés des prostituées qui rêvent naïvement de l’eldorado.

Nos enfants sont-ils protégés contre ces abus? «Il existe un vide juridique et des lacunes au niveau des procédures judiciaires. Le code pénal doit être renforcé pour mieux affronter les abus sexuels contre les femmes et les enfants». C’est ce qui ressort du rapport 2007 sur le tourisme sexuel au Maroc, réalisé par Khalid Cherkaoui Semmouni (1), coordinateur général de la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants «COCASSE» et président du centre marocain des droits de l’homme. Le rapport devait être présenté hier à Paris auprès de la Coalition internationale pour un tourisme responsable et respectueux. Question de parler du phénomène au-delà des frontières. «Nous voulons que notre législation soit conforme aux normes internationales. Nous souhaitons également une grande médiatisation pour sensibiliser les gens sur les risques du tourisme sexuel», souligne l’auteur du rapport.

«La pauvreté et l’exclusion sont l’une des causes qui ont fait que la prostitution se propage au Maroc. C’est ce qui expliquerait par conséquent cette recrudescence du tourisme sexuel», est-il ajouté. C’est d’ailleurs l’un des points les plus chauds du rapport.

D’autres origines du phénomène: la violation des droits socioéconomiques de l’enfant, le manque d’éducation sexuelle et des droits de l’homme à l’école et dans le milieu familial, l’éclatement de la cellule familiale et la maltraitance sans oublier le travail précoce des enfants…

Le phénomène n’est plus un tabou, c’est déjà un énorme pas. Les associations locales militent pour fournir une assistance juridique, sociale et psychologique aux victimes d’abus sexuels. C’est grâce à leur vigilance que les autorités ont pu démanteler des réseaux de pédophilie. De son côté, le Centre marocain des droits de l’homme avait lancé une campagne de dénonciation baptisée “Initiative nationale de lutte contre le tourisme sexuel au Maroc”. Objectif: briser le silence sur ce fléau et sensibiliser les familles, les médias, les juges, les avocats et les agents de police aux droits des enfants. A cet effet, la COCASSE a élaboré un plan national contre l’exploitation sexuelle des mineur(e)s qui implique le gouvernement, le parlement et la société civile. Il détermine plusieurs actions notamment la possibilité d’organiser des campagnes annuelles de sensibilisation sur la journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants (19 novembre), améliorer l’éducation aux techniques de prévention et de protection à travers le monde et donner le pouvoir nécessaire aux ONG et aux réseaux …

Il est à noter que depuis près de deux ans, des affaires ne cessent d’éclater à Marrakech qui est devenue aujourd’hui la ville préférée des pédophiles. En novembre, la police judiciaire a démantelé dans un Ryad à Marrakech, un réseau de pédophiles constitué par deux touristes (un Américain et un Français) et un Marocain. Les présumés coupables ont réalisé des films pornographiques avec des mineurs. La police judiciaire a saisi un ensemble de vidéos chez l’Américain. Ils sont traduits devant le juge d’instruction sur ordre du Parquet général. La maison a été fermée par décision du wali de Marrakech pour plus d’enquête.

L’auteur du rapport cite aussi des affaires qui ont fait bruit dans diverses régions. Le cas d’un Espagnol qui a été traduit le 6 décembre dernier devant le Tribunal de 1re instance d’Errachidia pour motif d’abus sexuels sur des enfants. Il a été arrêté par la police judiciaire suite à une réclamation présentée au Parquer général par l’un des enfants abusés. Agé de 38 ans, il avait loué une maison à Errachidia dans le seul but d’accueillir des mineurs pour les exploiter sexuellement. L’Espagnol en question prétendait être le président d’une association de bienfaisance et promettait de faciliter l’émigration en Espagne.

D’autres affaires tout aussi scabreuses. Un Irlandais a été condamné en août dernier pour abus sexuels sur des enfants à Taghazout (région côtière de la ville d’Agadir). Il a écopé d’une année de prison ferme par le Tribunal de première instance et a été acquitté quatre mois plus tard par la Cour d’appel d’Agadir.

L’été dernier, la police marocaine a démantelé un réseau de prostitution dans une villa située à côté de la plage Martil où deux touristes espagnols et des Marocaines tournaient des films pornographiques. Ils ont été traduits devant le Tribunal compétent. Le rapport cite aussi des affaires qui datent de 2005 et 2006. Elles concernent des Français, un Belge, un Hollandais, un Allemand et des Saoudiens. Le rapport mentionne aussi les affaires passées sous silence et fait état des peines ridicules auxquelles sont condamnés les pédophiles (six mois de prison ferme et une amende de 10.000 dirhams, par exemple). Ne serait-ce pas une incitation à la débauche?

Un commerce rentable
Chaque année, sur quelque 600 millions de touristes recensés dans le monde, 10% choisissent leur pays de destination en fonction des opportunités de tourisme sexuel, fait savoir le rapport qui cite des chiffres mondiaux. 1 million d’enfants viennent augmenter chaque année le nombre des victimes du tourisme sexuel. Près de 3 millions d’enfants seraient victimes chaque année d’exploitation sexuelle pratiquée par des filières commerciales clandestines. Le commerce d’enfants rapporterait chaque année 23 milliards de dollars. Dès le début des années 90, l’Organisation mondiale du tourisme a attiré l’attention sur ce phénomène. Elle s’est dotée d’un plan d’action pour la protection des enfants.

Le CMDH en tournée en Europe
Khalid Cherkaoui Semmouni, président du Centre marocain des droits de l’homme (CMDH) devait se rendre dans trois pays d’Europe (France, Belgique et Hollande) pour célébrer la journée mondiale des droits de l’homme (10 décembre). Il devait tenir hier à Paris une rencontre avec des représentants d’ONG internationales des droits de l’homme et des organisations qui luttent contre les abus envers les enfants. Au programme également la commémoration de la journée avec l’organisation internationale «Aide Fédération». A Bruxelles et à Amsterdam, Semmouni ira à la rencontre des MRE, avant de se rendre à la Cour Internationale de Justice à La Haye.

(1) Il est également ambassadeur de bonne volonté de la Coalition internationale pour un tourisme responsable et respectueux

Fatim-Zahra Tohry
Source: L'Economiste

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