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Trois mamans privées de sorties scolaires pour un foulard

La rentrée scolaire 2004 a mal commencé pour Chakika Ben Farhat, Sefika Ozen et Zahra Doudouh. Les trois jeunes mères de famille se doutaient bien que la loi sur les signes ostensibles à l’école auraient peut-être des conséquences pour elles. Mais elles ne s’attendaient tout de même pas à la situation qu’elles vivent depuis le mois de septembre.

Dès la réunion de parents d’élèves, la nouvelle directrice du groupe scolaire Jules-Vallès à Vernouillet a annoncé la couleur : les mamans qui portent le voile ne pourront plus accompagner les sorties colaires.

Pour les trois mamans, la nouvelle mesure est vécue comme une injustice et elles ne comprennent pas « cette application extensive de la loi sur le voile » d’autant plus que deux d’entre elles sont élues au conseil de l’école comme représentantes des parents d’élèves et qu’elles se sentent très impliquées dans l’école.


« J’en pleurais »

« Depuis quatre ans, j’accompagne toutes les sorties scolaires. J’ai même fait de l’initiation des enfants à l’informatique de façon bénévole », explique Sefika Ozen dont le foulard plutôt discret ne cache ni le cou ni les épaules.

La mesure est également mal vécue par Zahra Doudouh. « Ma petite fille de trois ans et demi a de graves problèmes médicaux. Je suis volontaire pour accompagner les sorties scolaires notamment pour la portée lorsque les sorties se font en forêt par exemple ». Lors de la dernière sortie programmée dans les bois de Comteville, Zahra Doudouh a bien cru que sa fillette serait privée de sortie. « J’en pleurais tellement cela me faisait mal de voir qu’elle ne pourrait pas y aller. Heureusement, il a plu ce jour-là et la sortie n’a pas eu lieu ».


Le respect de l’école

Même désarroi chez Chafika Ben Farhat dont la petite fille de quatre ans est trisomique et nécessite un accompagnement de tous les instants. « J’ai même proposé à Mme Forumy (la directrice, ndlr) de troquer mon foulard contre un béret ou un bonnet. Mais cette proposition ne l’a pas fait changer d’avis. »

Les trois jeunes femmes voudraient que l’administration fasse un pas. « Nous avons fait ce pas en acceptant la loi sur le voile à l’école. Moi, j’ai une fille au collège, si elle veut le porter un jour, ce sera en dehors del’école. Dans la loi il est spécifié que la mesure ne concerne pas les parents. Ces sorties scolaires étaient importantes pour nous, c’était l’occasion de discuter avec des mamans d’autres cultures. On a toujours appris le respect de l’école et des enseignants à nos enfants, on ne veut pas entrer en conflit avec l’école. »

Depuis la rentrée, les trois jeunes femmes se sentent un peu trahies par la France. Surtout, Chafika Ben Farhat qui a tenté le retrou en Tunisie pour faire plaisir à son mari. Mais elle n’a pas tenu un an : « mon pays c’est ici. On a tout abandonné en Tunisie pour revenir en France ».

Hors textes
Une pétition a recueilli plus de quatre cents signatures dans tous les milieux

En s’apercevant qu’elles avaient le soutien de nombreux parents d’élèves de confession musulmane ou non, les trois mères de famille ont décidé de lancer une pétition qui a recueilli plus de quatre cents signatures. « Nous avons recueilli la plupart des signatures sur l’école Jules-Vallès. Pas un seul parent sollicité n’a refusé de signer la pétition. Nous avons également recueilli des signatures en centre-ville de Vernouillet », explique Chafika Ben Farhat.

Fortes de cette bienveillance de la part de nombreux parents, elles sont bien décidées à continuer à faire le tour des écoles vernolitaines mais aussi drouaises pour recueillir un maximum de signatures.
Dans la pétition, elles demandent à « Monsieur l’inspecteur d’académie de tout mettre en œuvre pour que la loi soit appliquée sans zèle ni idéologie afin que nous puissions continuer à nous investir dans la scolarité de nos enfants ce, dans le respect de nos croyances et spécificités culturelles ; »

« Elles sont considérées comme bénévoles du service public »
Gisèle Fourmy, la directrice de l’école Jules-Vallès n’a pas souhaité commenter cette affaire en expliquant qu’elle était « tenue par un devoir de réserve absolu ». Elle a préféré donc laisser l’inspecteur de l’éducation nationale réagir.

Ce dernier, Alain Hesling, a précisé qu’il n’avait pas encore vu la pétition et qu’il ne pouvait donc pas se prononcer sur le contenu mais il a accepté d’expliquer la position de l’éducation nationale face à cette question. « ces mamans d’élèves peuvent encore s’investir au sein de l’école puisque deux d’entre elles sont élues et elles ont donc une place importante dans l’école.
Par contre, quand elles sont accompagnatrices, elles sont considérées comme des bénévoles du service public et comme tout membre payé ou bénévole, elles ont un devoir de neutralité politique et religieux. »

Interrogé sur le cas spécifique des enfants présentant un handicap , il a répondu que « l’intégration de ces enfants est possible au sein de l’établissement sans que les parents soient présents. » Il a également tenu à préciser que cette neutralité n’était « pas spécifique au voile. Elle est valable dans le domaine religieux et politique. »

Valérie Beaudoin
La république du Centre "Agence de Dreux"

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