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Haj: Nouveau scénario d’organisation

L’année prochaine, la saison du haj a de fortes chances de connaître une nouvelle organisation… Encore une. Depuis quelques années, le Maroc a été pris de court par l’affluence soudaine sur le pèlerinage.

Alors que le quota octroyé par l’Arabie saoudite était rarement atteint, les Marocains se retrouvent aujourd’hui avec des listes d’attente d’environ 80.000 personnes.
L’Etat, par le ministère des Habous, et les professionnels du tourisme sous la tutelle de leur ministère se répartissent la tâche de conduire annuellement les pèlerins vers la Mecque. L’organisation se fait souvent au petit bonheur. La partie prise en charge par les Habous est assurée tant bien que mal: l’Etat n’a pas vraiment d’obligation de résultat ni de satisfaction du client.

Mais ce n’est vraiment pas cher. Reste la partie dont s’occupent les agences de voyages et qui, chaque année, obéit à un système différent. Le point de discorde qui revient chaque saison est le quota de pèlerins octroyé à chaque agence ainsi que le choix des agences ayant le droit de participer à l’opération.

Le marché est très juteux car, là, les prix sont libres, et les professionnels se battent ouvertement pour avoir leur part du gâteau (voir interview page 5). Cette année, les tensions ont atteint un nouveau pic. A Marrakech, les voyagistes ont crié au scandale concernant le tirage au sort qui a retenu 15 agences et qui a été jugé «injuste et inacceptable» (cf. L’Economiste 6 juillet). A Casablanca, l’association des voyagistes de Casablanca est allée jusqu’à créer sa propre commission de gestion du haj et contester les tirages au sort et, plus globalement, le système défendu par Fouzi Zemrani, président de la FNAVM (Fédération nationale des agences de voyages du Maroc).

Les bases de ce système tant contesté sont toutes nouvelles et ont pris de court les agences de voyages qui se sont vu retirer leur part de l’organisation après l’avoir menée pendant des années. D’abord, l’Etat a donné le droit au client de choisir d’emblée avec qui il voudrait voyager: public ou privé. Aussi, le public, moins cher, a inscrit 90.000 candidats sur les listes d’attente. Le privé en a eu 30.000, soit 3 fois moins.

Le partage entre public et privé se fait au prorata des demandes enregistrées chez l’un et chez l’autre. 2.000 places sont réservées à certains corps constitués ou personnes qui sont récompensés sur ordres de S.M. Ces places sont gérées par le ministère des Habous. Pour les places qui restent, l’Etat en a 23.000 et les agences 7.720, ce qui est moins que l’année dernière, de quoi rendre les disputes encore plus chaudes.

Un autre changement a consisté à instaurer le principe de régionalisation. Les quotas du haj ne sont plus répartis selon la concentration des agences à travers le pays, mais selon la densité géographique régionale, question d’adapter l’offre à la demande. Casablanca, par exemple, qui compte le plus grand nombre d’agences dans le pays, n’a donc pas eu de quoi satisfaire les appétits de ses voyagistes…

Mais le plus contraignant dans l’histoire reste l’obligation du pèlerin de s’inscrire dans les agences de sa région: un Fassi ne peut en aucun cas choisir une agence marrakchie, un résident de Tétouan ne peut s’inscrire avec son parent résident à Casablanca. «Cela va à l’encontre de la liberté du consommateur et contre les lois du marché qui veulent que l’offre de chaque prestataire soit choisie pour sa qualité et son adaptabilité aux besoins», indique un voyagiste casablancais. Et puis, il est facile d’avoir des «adresses de service».

La régionalisation que le ministère des Habous justifiait par un «souci de proximité du client», et que Fouzi Zemrani défendait contre vents et marrées, malgré le tollé de contestations qu’elle a soulevé chez les voyagistes (cf. L’Economiste 4 juillet 2007), semble aujourd’hui être une grosse erreur. Le président, dans son projet de réorganiser le secteur, propose d’y mettre fin.
Aujourd’hui, il préconise «une libéralisation complète du marché où une telle contrainte de répartition ne trouve plus de justification».
Alors que l’opération du haj n’a pas encore démarré, Fouzi Zemrani, président de la FNAVM, envisage déjà un nouveau scénario pour la saison 2008. Un système «libéral». Le mot où Zemrani trouve la solution, mais que Othman Alami trouve «vide de tout sens». Alami affirme qu’ils sont plusieurs à le penser.

Les voyagistes ont eu l’occasion de prendre connaissance du contenu de la proposition lors d’une réunion de la fédération.
Contactés, plusieurs voyagistes semblent encore en ignorer le contenu, d’autres jugent que «la proposition n’est pas celle que la profession attend». Zemrani affirme, pour sa part, que «les messages d’encouragement fusent de toutes parts» et qu’il a la «ferme intention» de présenter son projet à la rentrée aux ministères du Tourisme et des Habous pour approbation. Zemrani ne semble pas trop se soucier de l’accord de la profession. «Si l’Etat valide, le nouveau système sera appliqué». Il ajoute que la fédération n’a pas le pouvoir de statuer sur les décisions.

En tout cas, la rentrée s’annonce mouvementée pour les voyagistes. La nouvelle proposition sera exposée au ministère du Tourisme et à la FNAVM à partir de septembre prochain. Une période où les bien heureux parmi les professionnels qui ont eu leur quota, seront en pleine préparation de l’opération haj 2008 . Et qui seront peut-être trop pris pour étudier une proposition de cette importance.

Les prix toujours en négociation

L’année dernière, l’opération du haj a connu une hausse des prix à cause des mesures sécuritaires imposées par l’Arabie saoudite à ses structures hôtelières. Cette année, plusieurs hôtels de la Mecque n’ont pas encore opéré leur mise à niveau, ce à quoi les autorités ont répondu par des coupures d’électricité obligeant les hôtelier à se plier. Ceci dit, aucun retard n’est annoncé pour cette saison, mais les voyagistes qui n’on pas encore fixé la liste des hôtels qui recevront les pèlerins marocains pourront trouver des surprises au niveau des tarifs. On attend que tout soit fixé dans les 15 jours à venir. Néanmoins, le président de la FNAVM assure déjà que les prix pratiqués par les voyagistes sont supérieurs à ceux qui étaient convenus.

La proposition Zemrani

Concrètement, le président de la FNAVM veut modifier deux points essentiels: la régionalisation et le choix du client. De la régionalisation, il ne veut plus entendre parler: «Abolir la régionalisation est essentiel aujourd’hui puisqu’elle va à l’encontre de la libéralisation». Aussi propose-t-il d’ouvrir le marché, que les agences de tout le Maroc démarchent leurs clients et que le client ait la liberté de choisir l’offre qui lui convient le mieux chez l’agence qui la propose, n’importe où dans le pays. Quant au choix du client, Zemrani propose de renverser l’ordre chronologique des opérations. Au lieu de s’inscrire (dans le public ou dans le privé) puis d’être tiré au sort, pourquoi, dit Zemrani, ne pas tirer au sort tous les inscrits? Une fois que le pèlerin aura eu la chance d’être tiré au sort, il choisira alors, et alors seulement, s’il veut être pris en charge par une agence privée ou par les services de l’Etat, les Habous en fait. Ainsi, s’il n’y a plus de place avec les Habous, notre pèlerin pourra toujours se retourner vers les agences, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Maintenant, pour sélectionner les agences qui auront le droit de faire le haj, il faudrait qu’elles soient labellisées. Le label est délivré par le ministère du Tourisme, et il sera valable trois ans (au lieu de tout recommencer tous les ans). Le label reposerait sur des critères classiques de santé financière: impôts payés, CNSS, bilans régulièrement déposés au greffe… Ceci donne raisonnablement à penser que l’agence est correctement gérée, transparente et rentable. Zemrani souhaite que la «bonne réputation de l’agence» figure aussi parmi les critères de labellisation. Il pense que «les associations seraient capables d’en juger». Il sera sans doute difficile d’établir la bonne entente entre les agences et leurs représentants, si cette disposition est retenue!
La deuxième condition, une fois le label obtenu, serait que l’agence ait au moins 45 inscrits pour organiser un voyage. Zemrani n’explique pas vraiment ce niveau requis. Cette année, chaque agence a eu 42 places, pour lesquelles il y a des listes d’attente interminables. Les clients, qui se retrouveraient malencontreusement chez une agence qui n’a pas réussi à remplir son quota, seront «redéployés vers d’autres agences» dit Zemrani. Ce qui ne plairait guère au client qui se trouverait dans cette situation. Mais Zemrani répond que les agences auraient le droit de se regrouper pour arriver à 45. Les esprits facétieux pourraient voir dans ces arrangements une sorte de «commerce de pèlerins».

Ichrak MOUBSIT
Source : L'Economiste

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