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Azrou : Touchez pas au "magot"!

Attraction très appréciée des touristes, les montreurs de singes de Marrakech ont du souci à se faire.

« Vous êtes priés de ne pas prendre de photos avec les singes ni de les acheter par sympathie, pour ne pas encourager leur capture et leur commerce illégal ». Cette phrase figure sur la brochure récemment éditée par le Haut commissariat aux Eaux & Forêts et l’Institut scientifique de Rabat.

En effet, profitant de la période estivale, les autorités marocaines lancent une campagne d’information pour mettre fin à la vente et à l’exportation illicite de singes magots vers l’Europe. L’objectif de ce dépliant distribué depuis juillet aux frontières? Sensibiliser les touristes étrangers, et particulièrement les Marocains résidant à l’étranger, à l’impact négatif du commerce de ces primates sur la préservation de cette espèce. « La majorité des singes – leur nombre est impossible à évaluer – arriveraient en Europe par voiture, achetés par des Marocains vivant à l’étranger. Nous ciblons donc principalement le port de Tanger», explique Mohammed Ribi, chef de la division des Parcs et Réserves naturelles au Haut commissariat aux Eaux & Forêts et à la Lutte contre la désertification.
Le trafic florissant de magots entre le Royaume et l’Europe ne date pas d’hier.

Ainsi à Azrou, près de la ville d’Ifrane, on trouve une forêt de cèdres habitée par des milliers de singes magots. Sans aucune surveillance, les touristes et les visiteurs peuvent approcher les animaux. Des cacahuètes et des pommes sont en vente sur place, afin de les nourrir et de les attirer. Les singes s’amusent avec les détritus: sacs plastiques et autres ordures. Attirer un singe dans une cage afin d’en faire le trafic y serait très facile, puisque aucun agent de la faune ne patrouille dans les environs. On peut également s’interroger sur le risque de transmission de maladies par ces singes. Ceux-ci ne se gênent pas pour aller chercher les pommes dans les mains mêmes des enfants et des plus grands.

Plusieurs associations pour la défense et la protection des animaux, telles que SOS-Magots en France, avaient déjà tiré la sonnette d’alarme. La réponse au Maroc se faisait attendre. La capture, la chasse, la détention, la vente et le colportage de cette espèce protégée sont pourtant prohibés par la législation marocaine (arrêté du ministre de l’Agriculture relatif à la réglementation permanente de la chasse, en date du 3 novembre 1962). La Convention internationale de Washington interdit également la vente de l’animal.

Achetés une poignée de dirhams par des touristes attendris sur les marchés marocains ou à des prix faramineux en Europe par le biais de réseaux de trafiquants, les petits primates font alors office d’animaux de compagnie. Très prisés dans les banlieues françaises, ils sont même utilisés comme bêtes de combat, remplaçant les fameux pitbulls dont la possession est fortement réglementée. Cette mode inquiète plus particulièrement les pouvoirs publics européens et les associations, du fait que ces primates, inoffensifs en liberté, peuvent devenir très agressifs à l’âge adulte. Régulièrement en Europe, les autorités découvrent des macaques de Barbarie abandonnés par leurs propriétaires. La dernière alerte en date provient de l’Union mondiale pour la nature (UICN) et de son antenne hollandaise qui recueille un nombre croissant de primates laissés dans la nature.

Du côté des spécialistes, le règlement de cette question apparaît urgent. Ces petits singes vivant dans les forêts de cèdres de l’Atlas représentent une espèce en voie de disparition. Le primate figure d’ailleurs depuis 2000 sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN. Selon des estimations récentes, la population actuelle de singes Magots au Maroc est comprise entre 8.000 et 10.000 individus.

A présent, reste à savoir si ces brochures à destination des touristes auront un réel impact auprès des trafiquants peu scrupuleux et des braconniers de l’Atlas. Le Haut commissariat aux Eaux & Forêts en a conscience. «Cette campagne de sensibilisation est indispensable mais pas suffisante. Nous allons donc renforcer les dispositifs de surveillance, notamment aux frontières», développe Mohammed Ribi. Une formation spécifique pour les agents de la douane de Tanger et Sebta est prévue en septembre prochain.

Sarah Caillaud
Source : L'Economiste

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