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Abdelfattah Zine, un ex-MRE désemparé et le cœur…blessé

C’est l’histoire ubuesque d’un RME, journaliste et homme de communication en France, qui a fini par céder aux sirènes du retour au pays avec les économies de 17 années d’exil et de travail hors de sa patrie. Son premier investissement s’est traduit par la construction d’un chalutier en bois de 21 mètres.

En quelques années ce chalutier a été payé et notre investisseur décide de prendre le train de la modernisation de la pêche côtière au Maroc. Il vend son bateau en bois, achète avec un associé une licence, 1 million de dirhams, pour construire un nouveau bateau, mais cette fois en acier, offrant toutes les garanties de sécurité en mer et de confort de vie à bord pour les marins.

Un dossier d’investissement est ficelé pour un montant de 5,6 millions de dirhams, achat de la licence non compris, et soumis au début de l’année 1998, à la Banque Populaire (BP) d’Agadir. La banque spécialisée dans le monde de la pêche consent un financement de 3 millions de dirhams pour un auto financement de 2,6 millions de dirhams.

Dès le début la BP a traîné pour débloquer les fonds entraînant un retard dans la réalisation du projet. Le premier déblocage a eu lieu seulement au mois de mars 1999 et le dernier au mois de juillet 2000.
Alors que la livraison du bateau devait se faire à la fin du mois d’août 2000, notre investisseur apprend, le 15 août, par un employé du chantier que son bateau va être vendu aux enchères publiques le 18 août au profit de la Banque Populaire. Crédule, il alla s’informer auprès de son banquier de la réalité de cette information. Et là, il apprit qu’en effet, la Banque Populaire de Safi avait entrepris une action en justice avant 1999 contre le chantier naval qui construisait le bateau pour recouvrer une créance de 400 000 dirhams que ce dernier refusait d’honorer. Cette procédure a pu être arrêtée in extremis par l’introduction d’un recours près le tribunal d’instance d’El Jadida en reconnaissance de propriété. Ce n’était que le début de la galère pour notre investisseur !

Il a fallu quatre années de procédure et d’allers retours incessants entre Agadir et El Jadida pour que la propriété du bateau soit reconnue à nos investisseurs.
Entre temps, la BP Agadir avait réclamé par voie de justice le règlement du crédit octroyé majoré des intérêts et obtenu, de manière automatique du fait d’une inscription hypothécaire de premier rang sur le navire, un jugement lui donnant le droit de saisir le navire pour sa mise en vente aux enchères publiques et si cela ne suffisait pas à recouvrir la totalité de la créance de faire jouer la caution solidaire des investisseurs et si cela ne suffisait toujours pas, à recourir à une contrainte par corps d’une année de prison.

Pour se couvrir, nos investisseurs ont contre-attaqué en justice pour faire valoir un comportement pour le moins anormal de la part d’une banque qui entame, d’un coté, une procédure en saisie d’un bateau qu’elle finance à hauteur de 3 millions de dirhams pour récupérer une créance de 400 000 dirhams tout en sachant que le bateau n’appartenait pas au chantier et, d’un autre coté, demande aux investisseurs qu’elle a financé, tout en sachant qu’ils sont privé de leur outil de travail, de rembourser le crédit octroyé.

En effet, la Banque Populaire, pour spécialiste qu’elle est dans le financement maritime, sait qu’un chantier naval ne peut être propriétaire d’un navire qu’il construit. La construction d’un navire ne peut débuter dans un chantier qu’après l’obtention d’une autorisation de construction délivrée par le ministère des pêches maritimes et qui fonde la propriété. Par ailleurs, l’hypothèque maritime, qui garantit le financement bancaire à travers l’article 84 du code de commerce maritime de 1919, établit de manière formelle que celui qui consent une hypothèque ne peut être que le propriétaire du navire.

Il est clair qu’en saisissant le bateau sur le chantier, la BP savait pertinemment qu’elle portait préjudice à une tierce personne qui n’avait aucune relation dans le litige qui l’opposait au chantier. C’est ce qui a d’ailleurs été reconnu par le jugement de la cour d’appel d’El Jadida, le 5 mai 2003.

Plus grave, ce dossier a été intégralement traité par la Banque Centrale Populaire qui a été sensibilisée à maintes reprises sur les anomalies de cette affaire aussi bien par les concernés que par la Fondation Hassan II.

Des dizaines d’écrits adressés aussi bien à la BCP qu’à la BP Agadir, tentant à rechercher une issue à cette grotesque affaire sont restés sans suite.

Et alors que les investisseurs commençaient à faire valoir leur droit :
- Autorisation du tribunal d’instance d’El Jadida pour extraire leur bateau du chantier et le remorquer jusqu’à Agadir pour le finaliser ;
- Désignation par le Tribunal d’Appel de Commerce de Marrakech d’un expert pour étudier le litige qui opposait les investisseurs aux deux agences BP et BCP ;

La BP Agadir a répondu favorablement à l’intermédiation du Président de la Chambre des Pêches Maritimes d’Agadir pour trouver une solution à l’amiable. Comme préalable, il fallait que les investisseurs se désistent de leur action en justice contre l’institution bancaire. Ce qui fut fait. Et dans la foulée le bateau fut remorqué sur Agadir et remis en état pour un montant de 1 400 000 dirhams.

Une fois le chalutier IBN LARABI prêt à sortir en mer en mai 2005, la BP Agadir a fait savoir à nos armateurs en herbe que la BCP refusait de courir le moindre risque et qu’elle réclamait le paiement intégral de la dette, intérêts compris. Soit quatre millions cinq cent mille dirhams.

Malgré les interventions du président de la Chambre des Pêches Maritimes et plusieurs propositions de règlement sur la base de ce qui était raisonnable, à savoir le remboursement du montant effectivement débloqué, 2 millions huit cent mille dirhams plus sept cent mille dirhams d’intérêts, soit 3 millions cinq cents mille dirhams, la BP est restée indifférente, sûre de son impunité.

Récemment, ignorant jusqu’à l’existence du bateau, elle a tenté la mise en vente de la maison de l’associé : une maison d’une valeur supérieure à 6 millions de dirhams pour un prix de départ de 1 million six cent mille dirhams. Notre investisseur RME, lui, n’était pas concerné parce que sa maison, il l’avait vendu pour rembourser d’autres créances dues à l’impossibilité de rentabiliser son investissement. La vente de la maison a été momentanément repoussée, alors que le bateau IBN LARABI qui a coûté au total près de 8 millions de dirhams est entrain de pourrir au port d’Agadir et sa valeur, eu égard aux conditions d’exploitation qui prévalent ces dernières années, est en train de tendre vers zéro.

Comment, devant un comportement aussi irresponsable de la plus grande institution bancaire du pays, peut-on sécuriser l’environnement économique du pays et inciter nos ressortissants vivant à l’étranger à revenir chez eux et à investir dans des domaines productifs autres que ceux réservés à la spéculation immobilière. ?

Comment une banque peut-elle financer un projet auprès d’un prestataire de service avec lequel elle est en litige et se servir du bien financé appartenant à ces clients pour tenter de récupérer sa créance, sans se soucier le moins du monde des préjudices financiers et moraux qu’elle génère ?

Ce sont les réponses à ces questions que notre investisseur espère un jour avoir une réponse. Car le Tribunal de Commerce de Casablanca a jugé recevable sa plainte contrairement à ce que pensait la BP suite au désistement qu’elle a réussi à lui arracher de manière fourbe, contre une promesse de règlement à l’amiable qui n’a jamais vu le jour.

Rachid Hallaouy
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