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CCDH. Un agenda surbooké

Indemnisations, réparation communautaire, MRE, Code de la presse et abolition de la peine de mort… Les dossiers chauds s'accumulent sur le bureau du Conseil consultatif des droits de l'homme.

Tous les membres du Conseil vous le diront : “Driss Benzekri est incroyablement présent au CCDH”. Affaibli par la maladie, l'homme est, certes, peu visible dans les couloirs de la vieille bâtisse de la place des Chouhada à Rabat. Il n'en imprègne pas moins une touche personnelle au travail du Conseil qu'il préside depuis 2006. “Acharnée, rigoureuse et tellement humaine”, dira un membre du Conseil, qui demandera, comme tous les autres, à garder l'anonymat. Depuis la fin du mandat de l'Instance équité et réconciliation (IER), les dossiers se bousculent au portillon du Conseil. Indemnisations, citoyenneté, éducation aux droits de l'homme… c'est finalement au CCDH qu'échoit la lourde mission de veiller à l'application des recommandations de l'IER.

Le volet des indemnisations semble déjà bouclé : depuis quelques semaines, des victimes ont commencé à percevoir leurs indemnisations par voie postale. Mais les sommes débloquées ne plaisent évidemment pas à tout le monde. “C'est trop peu, vu l'attente qui a précédé l'indemnisation. Que représentent quelques dizaines de milliers de dirhams pour un jeune qui a été enlevé à 24 ans et dont l'avenir a été compromis”, se demande cet acteur associatif. Au sein du Conseil, on explique que “des critères objectifs ont été respectés pour évaluer les indemnisations. En plus, le CCDH a traité ces dossiers dans l'urgence. En une année, entre janvier et décembre 2006, tout était bouclé. C'est un record”, argumente un conseiller. Il fallait ensuite passer les accords nécessaires avec la poste, pour gérer la distribution des indemnisations et, surtout, négocier un important accord de prise en charge médicale des victimes et de leurs familles. Certaines ont déjà reçu les formulaires à remplir pour bénéficier d'une couverture médicale dans le cadre de l'Assurance maladie obligatoire. “Evidemment, reconnaît ce membre du Conseil, tout cela demande beaucoup de procédures, de documents et de dossiers souvent compliqués à constituer. Mais c'est un préalable nécessaire pour garantir l'aboutissement de l'opération et sa pérennité, puisque les cotisations sont payées par l'Etat”. Un Etat visiblement préoccupé par la santé des victimes de sa propre répression, mais qui n'a toujours pas tranché quant à la manière dont il compte leur présenter ses excuses. Théoriquement, ce sera au premier ministre de choisir le timing et la forme pour le faire de manière officielle, mais au sein du Conseil, on se refuse encore à tout commentaire sur la question.

Vérité, où es-tu ?
Reste la question de la recherche de la vérité. Il y a quelques semaines, Driss Benzekri avait promis “des révélations intéressantes concernant un dossier emblématique des années de plomb”. Tout porte à croire que l'homme faisait allusion au dossier de Mehdi Ben Barka, d'autant que de récentes déclarations du ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, promettaient une proche résolution des problèmes liés à la fameuse commission rogatoire franco-marocaine. “En tout cas, souligne-t-on au CCDH, les commissions d'enquête n'ont jamais cessé de travailler sur plusieurs dossiers restés en suspens”. Les services, décriés par quelques membres de l'IER, auraient-ils enfin accepté de collaborer avec le CCDH ? La réponse ne saurait tarder.

Mais déjà, une autre annonce, prévue pour les semaines à venir, réjouit les membres du CCDH. Elle est relative à l'épineuse question de la réparation communautaire. Des informations recoupées indiquent “qu'une stratégie nationale sera mise en place et qu'un budget conséquent a déjà été débloqué pour son application”. L'Union Européenne aurait même mis la main à la poche pour soutenir cette stratégie qui vise à doper le développement socio-économique de certaines “régions maudites”, comme celles de Mgouna, Errachidia, Khénifra, Figuig ou le Rif. “Mais attention, préviennent les initiateurs de cette stratégie, cela n'a rien à voir avec l'INDH. Elle vise à rattraper le retard qu'ont accumulé des régions du fait des exactions ou des rébellions qui y ont eu lieu. En plus, cette stratégie préconise la création de lieux de mémoire dans différentes régions du pays”. Ainsi, le tristement célèbre commissariat casablancais de Derb Moulay Cherif est censé abriter le premier lieu de mémoire officiel. “Soit, répliquent certaines victimes. Mais qu'a fait le CCDH pour empêcher la destruction d'une partie du bagne de Tazmamart ? C'est un pan de la mémoire nationale qui a été ainsi réduit en ruines”. Ce membre du Conseil respire à pleins poumons, se tient le front avant de répondre, les traits soudain graves : “Le CCDH n'est pas l'Etat. Toutes les décisions ne passent pas forcément par nous. Mais croyez-moi, ajoute-t-il, les mesures qui vont être annoncées, concernant la réparation communautaire, seront une fierté pour l'expérience marocaine”.

Entre passé et présent
En attendant, le CCDH planche sur des dossiers plus “actuels”. Même s'il devait être examiné en Conseil de gouvernement la semaine dernière, le CCDH a décidé d'approfondir la réflexion au sujet du projet de Code de la presse, qui lui a été soumis par Driss Jettou. “Ce n'est qu'un retour à la normale. Le CCDH est censé donner un avis sur tout projet de loi qui a trait aux droits humains. Pour le Code de la presse, nous voulons être très vigilants sur les questions liées à la liberté d'expression et à la liberté d'opinion”. Mais le conseil est bousculé par le temps. Fin mai, ses membres doivent rendre leur copie concernant l'architecture et les modes de fonctionnement du Conseil supérieur des marocains résidents à l'étranger. Depuis quelques mois, les équipes qui travaillent sur le sujet sillonnent les principaux pays d'accueil, pour aller à la rencontre des ressortissants marocains et recueillir leurs visions de l'instance censée les représenter. “Il sera difficile de mettre d'accord trois millions de Marocains du monde. Mais notre objectif est de gagner l'adhésion du plus grand nombre au projet que nous soumettrons au roi”, explique un membre de l'équipe qui planche sur le dossier. Dernier point auquel tient particulièrement Driss Benzekri : l'abolition de la peine de mort. Lors du récent Congrès international pour l'abolition de la peine capitale, le président du CCDH a annoncé l'imminence de l'abolition de cette peine au Maroc, espérant à titre personnel que cela se fasse avant la fin de l'actuelle législature. L'establishment se laissera-t-il prendre par les sentiments ?


Education. Les droits de l'homme à l'école
Ce lundi 26 février, Driss Jettou, Driss Benzekri et Abdelhamid Amine ont décalé tous leurs rendez-vous pour assister, ensemble, au lancement d'une plateforme de promotion et de sensibilisation aux droits de l'homme. Un plan qui vise “l'intégration de la culture des droits de l'homme dans les programmes d'enseignement et dans l'esprit des responsables des différents services de sécurité”. Tout un programme. “Cette plateforme a été conçue comme un outil pour les agences gouvernementales et non gouvernementales du pays pour intégrer la pensée des droits de l'Homme dans leur travail au quotidien”, souligne Amina Lamrini, qui a piloté la préparation de la plateforme. Cette dernière, dont la mise en place s'étale sur cinq ans, devra être évaluée chaque année pour apporter les réajustements nécessaires à son bon fonctionnement. “Il est important de créer un mécanisme de surveillance pour veiller à la mise en oeuvre de ce programme dans les cinq ans à venir”, a notamment précisé Driss Benzekri, qui poursuit : “Ce comité réunira des responsables gouvernementaux et des militants des droits de l'homme pour évaluer, au terme de chaque année, les progrès accomplis”. Si progrès il y a !

Driss Bennani
Source: TelQuel

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