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Le marché du hashish au Maroc

Le prix du hashish flambe à Casablanca. D’une part,le marché a changé de configuration et les dealers de méthodes. Les petits "beznassas" préfèrent se convertir dans le commerce du karkoubi. Alors qu’au Nord, les périodes de sécheresse et les campagnes de destruction des plantations de kif à Taounate, Larache et Ksar El Kbir ont contribué également à la hausse du prix du cannabis. Récit.

Ancienne Médina, à proximité de l’ex-cinéma Empiria. Il y a de cela quelques années, ce quartier regorgeait de dealers de hashish. Depuis, les choses ont bien changé. «Les petits beznassas existent encore. Mais, ils vous vendent du henné plutôt que du shit. Pour avoir la bonne, il faut faire appel à une autre catégorie de dealers», explique Rachid, 36 ans, consommateur de hashish depuis maintenant 20 ans. Il est clair que le marché du hashish à Casablanca a subi de grands changements.

De la «moquette» pour le peuple
Avant, les jeunes pouvaient acheter du shit un peu partout dans des quartiers phares connus pour la qualité de leur marchandise. L’on pouvait se procurer pour 10 DH, un joint “fumable” chez un revendeur à l’ancienne Médina, mais aussi à Derb Kabir, Derb Moulay Cherif… «A l’époque, le gramme valait 10 DH. Et la qualité y était. Maintenant, il faut payer jusqu’à 50 DH le gramme pour avoir cette même qualité», ajoute Rachid. Les méthodes des dealers ont également changé. Nous sommes dans l’ère du portable et des rancards dans des cafés ou dans les bars. «Les pros ne s’affichent plus aux coins des rues. Ils ne se déplacent que pour des quantités supérieures à 10 grammes», assure-t-il. Les temps ont changé et les prix ont pris un sérieux coup. Plusieurs dealers se sont convertis dans le commerce des psychotropes chimiques, plus faciles à transporter et devenus ces dernières années, très prisés par les jeunes des quartiers défavorisés. «Le prix du karkoubi ne cesse de diminuer alors que celui du hashish augmente. C’est un véritable danger pour notre jeunesse car les psychotropes, à l’opposé du shit, incite à la violence, à l’agression et au crime», alerte Mustapha, militant associatif dans un des bidonvilles de Hay Mohammadi.

Il semble que les récentes campagnes de destruction des terres de kif dans les provinces du Nord ont aussi contribué à la hausse du prix de “l’or vert”. En effet, tous les douars et les localités autour des villes de Taounate, Ksar El Kebir et Larache ont été l’objet d’opérations de rasage des terrains de kif. En deux ans, les cultures ont été presque entièrement supprimées tout au long des terres longeant le fleuve Loukous ainsi que les flancs des crevasses de cette zone montagneuse. Les récents rapports des organismes internationaux en ont fait écho. Le dernier en date, celui de l’OICS (Organe international de contrôle des stupéfiants) publié début mars reprend les chiffres d’une étude réalisée en septembre dernier par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et confirme surtout ce que l’on savait déjà : la culture et la production de cannabis au Maroc ont connu une baisse spectaculaire en 2005.

Le prix d’une éradication
On peut y lire que la superficie totale plantée en cannabis a diminué de 40% entre 2004 (120 500 hectares) et 2005 (72 500 hectares), et que la production de la plante du kif a chuté de 45% en 2005.Les conditions climatiques défavorables ainsi que les efforts des autorités marocaines pour éradiquer la culture du cannabis sont, selon les experts de cet organisme onusien, derrière la cause de ces baisses. Le tableau publié par l’OICS montre également que le prix de vente chez les agriculteurs du kif comme de la résine de cannabis ont augmenté de manière spectaculaire passant pour le kif de 25 Dhs le kilo au double. La résine de cannabis qui était vendue à 1.400 Dhs/kg en 2004, a atteint 4.000 Dhs/kg en 2005, soit une augmentation de près de 200%. Alors que les recettes des cultivateurs ont augmenté, passant de 2,9 milliards de Dhs à 3,5 milliards de Dhs. L’éradication des terres a un prix pour les petits cultivateurs des régions ciblées par les autorités.Les agriculteurs de la petite localité de Koula, située dans la province de Ksar El Kebir, vivent actuellement dans le dénuement le plus total après avoir vécu deux saisons sans cultiver du kif. «L'Etat n'arrête pas de nous mentir. Il nous a promis quantité de choses. Des oliviers et deux chèvres pour faire vivre toute une famille, c’est franchement injuste», s’emporte cet ex-cultivateur de kif. Bref, selon les agriculteurs et les militants associatifs de la région, le gouvernement n'a pas jugé bon d'apporter une véritable solution de rechange à ces milliers de familles touchées par cette opération. «On assiste à une montée vertigineuse de l’exode rural et de l’éclosion de nouveaux bidonvilles autour de Larache et de Ksar El kebir. Le taux des agressions a augmenté. L’éradication des terres du kif ne touche pas autant les grands barons de la drogue qui, auparavant, ont placé leur argent dans des projets immobiliers ou des commerces. Ce sont les petits agriculteurs qui paient le prix de cette politique. Distribuer deux chèvres maigres par famille, ce n’est pas comme ça que l’on va aider ces familles» déplore Mme Salah, activiste d’Annahj.

Les jeunes de la région tentent le pari de l'émigration clandestine vers l’Espagne puisqu’ils n’ont plus de travail. « Des centaines de journaliers qui travaillaient dans les champs n’ont plus cette opportunité. Les “hammalas” qui s’occupaient de l’approvisionnement et du transport de la marchandise des champs aux villes avoisinantes sont au chômage. L’éradication des terres a rompu l’équilibre déjà fragile de la région», ajoute ce militant de l’AMDH à Larache.

Devant la forte demande des consommateurs européens du shit marocain, confirmée par les rapports des organismes spécialisés, le prix du hashish dans les grandes villes ne cessera d’augmenter. La “crise” due à l’éradication des terres des provinces de Taounate, Larache et Ksar El Kebir fera certainement le bonheur des barons et autres grossistes des régions encore non touchées par les autorités, notamment ceux de Nador, El Hoceima et Chefchaouen (qui représentent près de 60% des terres cultivées). Ainsi que celui des revendeurs des grandes villes qui n’auront aucun scrupule à doubler leurs bénéfices, vu que face à la forte demande, l'offre ne suit pas…

Hicham Houdaïfa
Source: Le Journal Hebdomadaire

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