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Jeunes entre religion et politique: Ados aux antipodes !

L'utopie, il semble que les jeunes islamistes marocains l'ont déjà peaufinée : faire de ce monde un havre de paix. L'Eden avant l'Eden éternel. De l'autre côté du bord, c'est la logique du "laisse-toi aller" qui prédomine chez une autre catégorie de jeunes. Donc, entre ces deux catégories extrêmement différentes, le juste milieu demeure un mystère, si l'on peut ainsi dire.

Dans notre quartier, il se passe des choses inouïes. Seulement, avec le temps, elles ont fini par devenir banales. Samedi 21h 30, la scène est plutôt paradoxale: une bonne partie de jeunes à l'air très sérieux, et apparemment, sortent tout droit d'une mosquée et discutent d'un sujet d'Islam. Juste en face, une demi-douzaine d'autres jeunes, consomment du cannabis à tour de rôle. Des scènes analogues sont, d'ailleurs, remarquées dans plusieurs quartiers de la métropole. D'un côté, une catégorie de jeunes s'adonne à une vie où le mot d'ordre n'est que "laisser-aller" ( Coul Raoul, Hania, hip-hop, Peacful, Relax-max, Du calm ah B'chaïb, Erraha Al Fellaha...), alors que de l'autre côté, une population du même âge se consacre à des principes islamiques avec tout ce qu'ils comptent de prières, de devoirs et d'obligations. Du point de vue d'un analyste, ce dernier phénomène trouve sa signification dans le passé pas très ancien du Maroc. Le "retour du religieux" chez les jeunes marocains, explique-t-il, comme par ailleurs dans le monde arabo-musulman, est né d'une explosion à multiples dimensions: socio-culturelle, politico-économique et identitaire. Ainsi de l'Association légaliste Al Isslah Wa Tajdid à l'association semi-clandestine d'Adl Wal Ihssane, force est de noter une certaine spécificité relative à toute une mouvance islamique. Il n'en reste pas moins qu'elle réside dans le degré de "participationnisme" au jeu public que dans la nature de la culture politico-religieuse véhiculée par chacune des mouvances oeuvrant dans le terrain. Quelles que soient les différences dans la forme, la mouvance islamiste présente des traits communs: la population-cible d'abord. La mosquée, dans ce shèma, devient le prolongement des Jamaâ, un espace du "glissement" de la prédiction (Daâwa) à la critique.
A.B, la trentaine, fait partie des jeunes islamistes les plus respectés de ce quartier. Pour lui, l'expression intégrisme ou extrémisme, c’est des mots provenant essentiellement de l'Occident, en particulier des Etats Unis d'Amérique et utilisés à profusion pour faire croire au monde que l'Islam est une religion source de tous les maux: terrorisme, haine, rejet de l'autre, guerres..."Pour ma part, je ne peux m'empêcher de conseiller à toutes les personnes de mon entourage qui pratiquent des actes interdits par notre religion, de se remettre en bonne voie", dit-il. Pour Karim, 36 ans, sans emploi, le changement provient de l'Islam. Car, explique-t-il, l'objectif de cette religion consiste à inciter l'être humain à faire du bien (El Kheïr) dans sa maison, dans son travail et envers la société en général. Sur un ton d'humour, son voisin Hakim l'invite à une soirée après le Ramadan. " Que dis-tu Karim d'une invitation à un week-end à Marrakech. Après, c'est fort possible que tu changeras d'avis sur beaucoup de choses". " On commence d'abord par mon invitation à un week-end à Masjid Ennour pour savoir si après tu tiendras ta promesse", lui répond Karim. Dans ce même quartier, d'autres jeunes moins âgés que Karim et A.B ont depuis quelques temps coupé tout contact avec leurs potes de l'enfance faisant ainsi d'autres amis barbus, venant d'autres quartiers. Par ailleurs, pour Yassine, Salah, Mourad, Brahim et les autres, ce qui compte c'est vivre sa vie telle quelle est et sans complexe.

Plaisirs à toute allure

Pour ces jeunes, vivre c'est briser les tabous. Désœuvrés et le plus souvent sans une "thune" en poche, ils réservent le plus clair de leur temps à peaufiner leurs besoins. Avec d'autres potes, ils aiment être entourés tout le temps de Nanas. Pour d'autres, le week-end est sacré. Un programme bien rempli. Pour terminer la semaine en beauté, ils attendent le plus souvent pour fumer, boire et honorer leurs gonzesses. " On mène une vie libre et sans complexes puisqu'on fait tout ce qu'on veut...Et cela nous met à l'aise". Prétendent-ils. En abordant des questions d'actualité politique, l'on a pu, quand même, soulever chez eux, une certaine maturité politique. Ce témoignage illustre, en quelque sorte, la vision du politique qu'ils ont: " Les nouveaux élus, comme les nouveaux ministres du gouvernement, même s'ils sont probablement pleins de bonne volonté, sont rapidement gâtés par l'exemple de leurs prédécesseurs. Dès qu'ils ont un tel poste de responsabilité ils deviennent comme eux, uniquement préoccupés par leur réélection ou leur réinvestiture. Car ils envisagent leur situation comme une carrière qu'il importe de faire durer. Nous voulons être gouvernés mais non pas instrumentalisés". Ainsi donc, autant de questions se posent dans ce contexte. Quel est en fait le point commun entre ces deux catégories de la jeunesse marocaine? Quelles sont leurs attentes? A qui incombe le devoir d'éviter toute sorte d'extrémisme du côté de notre jeunesse et d'assurer le juste milieu? Ces questions et autres interpellent aujourd'hui plus que jamais tous les acteurs de la scène politique, partis et ONG. A défaut, d'autres le feront à leurs places.
L'inquiétude est donc toujours de mise. Il s'agit là en fait d'un extrémisme droitier et intégriste et d'un autre extrémisme que l'on peut qualifier de “fuite en avant". Un choix à risque qui pourrait être en faveur de l'intégrisme. Cette seconde fraction de jeunes qui se considèrent non concernés par la chose politique ou publique et qui pensent qu'ils trouvent leur épanouissement dans cette "fuite en avant" risque de miner toute tentative ou projet de société. Pour ce qui est de la catégorie de jeunes qui a trouvé un exutoire dans un comportement intégriste, là encore se pose un véritable problème car ce n'est en aucun cas une solution aux problèmes sociaux et existentiels auxquels ils sont confrontés. Là encore, le risque est immense. Cette démarche révolutionnaire pourrait être canalisée et captée par les forces rétrogrades. La logique du changement d'une société veut qu'on s'y implique et non pas qu'on reste à côté de la plaque. Dans les deux cas, le réveil risque d'être brutal et douloureux. Les attentats du 16 mai à Casablanca l'ont, bel et bien, démontré...

Hassan.Zaatit
La Nouvelle Tribune


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