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Trop de morts sur les routes marocaines

Selon des statistiques relatives aux accidents corporels rendues publiques à Rabat par le ministère de l'Equipement et du Transport en 2005, le nombre d'accidents avait connu une baisse de 0,25%, passant de 51.687 en 2004 à 51.559 l'année dernière, une nette diminution (-11,37%) du nombre des blessés graves (de 13.579 à 12.035) et d'une légère réduction (-2,02%) de celui des blessés légers (de 66.571 à 65.229).Le nombres des citoyens tués dans les accidents de la route a connu une baisse de 7,11 % en 2005 par rapport a 2004 (3617 contre 3849).

Si le pauvre Karim Ghallab ministre de l'Equipement et des transports tente chaque fois de rassurer, force est de constater que les accidents de la route sont un véritable fléau, un réel drame national. Preuve en est le dernier accident de la route survenu le mercredi 30 août 2006 à 4 heures du matin dans la province de Settat, accident qui a coûté la vie à 17 personnes sans oublier les 43 blessés dont 12 sont dans un état qualifié de grave et dont le devenir et les pronostiques sont très réservés, autant dire que certains pourront décéder.

Les causes sont connues
La route au Maroc tue plus qu'en France, Allemagne, Italie, Turquie ou Espagne. Les accidents de la route ne font pas que des blessés graves, dont le diagnostic est parfois très réservé, mais des centaines et des centaines de handicapés à vie, avec tout ce que cela représente comme prise en charge lourde, rééducation, insertion parfois très difficiles. Devant cette hécatombe qui prend plus d'ampleur chaque année, on a assisté à des atermoiements des principaux acteurs impliqués dans la lutte contre ce fléau.

Les différentes instances de réflexion chargées du dossier des accidents de la route (ministères de l'Equipement et du transport, de l'intérieur, Comité national de prévention des accidents de la route) ont fait des études, émis des avis, rédigé des rapports qui sont allés grossir les archives des différents ministères en charge du dossier des accidents de la route. Cela fait des décennies qu'on nous rabat les oreilles avec le fléau des accidents de la route, des pertes en vies humaines, de l'état des véhicules, des permis de conduire, des visites techniques, du non respect du code de la route, de la corruption, de l'état des routes. Piètres excuses ! Tous les responsables savent où se situe le problème...

Tant que l'abus persistera, tant qu'on ne mettra pas un terme aux dépassements des brebis galeuses, il y aura toujours des accidents meurtriers de la route.

Sollicitude royale
S.M Mohammed VI avait présidé une séance de travail consacrée aux accidents de la route, le vendredi 16 février 2005, au Palais Royal de Casablanca. C'est dire tout l'intérêt qui est accordé à ce triste fléau, qui endeuille des centaines et des centaines de familles chaque année.

En présidant cette séance de travail SM le Roi a tenu à adresser un signal très fort aux différents responsables (gendarmerie royale, police, justice), sans oublier le Comité national de prévention des accidents de la route. Chacun doit assumer ses responsabilités du mieux qu'il pourra car ce sont des vies humaines qui sont en jeux.

La sollicitude royale est le meilleur gage, pour que tout le monde (chauffeur, motocycliste, piéton), chacun a son niveau, assume ses responsabilités. La lutte contre les accidents de la route est la responsabilité de tous les Marocains.

Des campagnes, toujours des campagnes...
Le problème des accidents de la route, qui sont responsables de milliers de morts chaque année, sans oublier leur cortège des handicapés à vie, a ceci de particulier: c'est l'engouement énigmatique dont font preuve certains responsables chargés de veiller à la prévention et à la lutte contre les accidents de la route.

Chaque année, c'est le même rituel : on mobilise des jeunes garçons et des jeunes filles auxquels on apprend quelques phrases que ces pauvres vont seriner tout au long de plusieurs journées au niveau de certains ronds points bien en évidence à Rabat et à Casablanca, comme c'est le cas ces derniers jours.

Il en est de même pour certains spots télévisés qui ont le mérite de faire peur, alors que l'objectif recherché reste celui de faire prendre conscience en toute lucidité et non de provoquer des cauchemars chez les téléspectateurs, surtout les plus jeunes.

Grâce au concours de certaines vedettes et à plusieurs centaines de milliers de DH, la donne a changé en mieux : les gens comprennent et en même temps admirent.

Mais il semblerait que ces clichés sont hélas dépassés, que toute la publicité, que tous les spots télévisés du monde peinent à trouver un feed back auprès de nos concitoyens.

Le terrible accident de la route qui a eu lieu près de Settat (17 morts) en dit long sur le drame quotidien que connaissent nos routes. A coté des pertes humaines qui sont tout simplement dramatiques, il y a la douleur des familles qui perdent des êtres très chers, des enfants à la fleur de l'âge, un mari, une épouse, un frère, une soeur.

Les chiffres sont effrayants et se passent de tout commentaire : près de 4000 morts, des centaines de milliers de blessés, une perte sèche de 11 milliards de dirhams pour l'économie nationale, soit 2,5% du PIB.

Cette situation a la particularité de durer et de s'aggraver d'année en année. Il y a donc quelque chose qui cloche mal dans le système.

Laxisme meurtrier
Devant l'échec des actions enregistrées tant par l'inamovible Comité national de prévention des accidents de la route ou de ce qui lui ressemble et des campagnes de lutte contre la guerre des routes, nous ne pouvons que dénoncer le silence et parfois le désintérêt qui sont enregistrés au moment où des milliers de citoyens sont fauchés à la fleur de l'âge par des chauffards qui, dans bien des cas, ne sont pas inquiétés outre mesure. Bien plus, ils continuent de semer la mort et la désolation.

On ne peut nier les efforts qui sont entrepris à l'occasion de tel ou tel événement, mais la prévention routière ne peut se concevoir tant qu'il y aura des abus : excès de vitesse, conduite en état d'ébriété, non respect du code de la route, utilisation du téléphone portable au volant, intervention des relations, corruption En d'autres termes, la persistance et l'aggravation des accidents de la route sont étroitement liées à la même cause qui prévaut depuis des décennies : il s'agit comme chacun l'aura deviné du laxisme, du je m'en-foutisme et de tant d'autres maux qui sont connus de tous

Une nouvelle approche, mais... !
Conscients de l'ampleur des dégâts, les décideurs ont pris plusieurs initiatives, dont l'objectif est d'agir sur la conduite irresponsable des automobilistes imprudents et dangereux.

Pour mener à bien cette nouvelle approche, la sûreté nationale a mis au point une nouveauté qui consiste en la création d'une unité mobile qui aura pour tâche de traquer les chauffards, les conducteurs irrespectueux du code de la route, ceux qui conduisent en état d'ébriété...

A côté de cette brigade qui est en action, il y a la profusion de postes de surveillance par des radars utilisés par des policiers en faction au niveau de certaines artères avec des résultats que nous ne pouvons pas commenter, il y a lieu de signaler l'apport du ministère de la Justice qui a donné des instructions pour qu'un magistrat puisse se rendre sur les lieux d'accidents mortels..

Si ces actions louables, certainement utiles et appréciables, donnent aux citoyens des raisons d'espérer, nous ne pouvons nous empêcher de soulever quelques petites questions et remarques de bon sens.

Personne ne doute que ces campagnes ou plutôt ces actions, nouvelles formules, qui certainement sont appelées à durer dans le temps aussi bien en milieu urbain qu'en milieu péri-urbain et rural grâce aux actions des unités mobiles de la gendarmerie Royale, sont la première du genre et suscitent des actions répressives, qui se soldent ici et là par des procès verbaux, de fortes amendes, des véhicules mis en fourrière, des retraits de permis de conduire motivés, ce que nous saluons au passage. Il y aura comme à l'accoutumée des dérapages, des dépassements, des actions contre-nature, des agissements de certaines brebis galeuses qui n'honorent ni ceux sensés appliquer la loi, ni ceux qui la violent, il est clair que tous ceux qui sont pris en flagrant délit sont condamnés par la loi. Mais aujourd'hui, le vrai problème, c'est de savoir où se situe la ligne de démarcation entre ceux qui violent la loi, et ceux qui abusent en toute impunité de la loi.

Les abus sont légendaires, ce n'est un secret pour personne. Il faut dire qu'il y a une véritable mafia au sens propre du mot pour désigner ceux qui s'enrichissent, ceux qui agissent en toute impunité, que ce soit sur les autoroutes ou bien sur certaines routes secondaires appréciées des chauffards et autres délinquants de la route qui ne respectent ni code, ni vitesse, ni priorité, ni feu, ni stop. Le drame dans cette triste histoire, c'est que très souvent, ces énergumènes ne sont pas inquiétés outre mesure. C'est a croire que nous sommes dans une véritable jungle : c'est la loi du plus fort qui prévaut. Tant qu'il y aura ce genre d'abus, de part et d'autre, il ne faut pas s'attendre à des miracles. Dans ce registre les exemples sont nombreux, il suffit pour s'en rendre compte de voir ce que font les taxis blancs à Casablanca du côté du marché central, le rond point Chimicolor, le boulevard des FAR, le boulevard Ibn Tachfin, la route de Médiouna, l'avenue du 2 mars, le boulevard Mohammed V, ou encore comment roulent les grands taxis entre Mohammedia et Casablanca.

Tout Casablanca est concerné, comme le sont les autres villes du Royaume. Autres dangers omniprésents à Casablanca : les bus et les camions... La liste est très longue, vouloir tout énumérer prendrait beaucoup de temps.

Nous gardons espoir de voir les choses changer en mieux pour le plus grand bien des citoyens grâce a la mobilisation, au sérieux, à la vigilance des brigades mobiles de la circulation routière et avec l'engagement de la justice afin que les choses changent, et que la quiétude et la sécurité des usagers de la route soient non pas un slogan, un spot télévisé, mais une réalité sur le terrain il est grand temps d'en finir avec les accidents de la route. La réprobation est collective, les citoyens sont pour des actions répressives.

Enjeux politico-économiques
En prenant en main le douloureux dossier des accidents de la route en 2005, SM le Roi a tenu à lancer un message très fort : «Le Maroc ne peut plus sacrifier des milliers de ses concitoyens sur l'autel de la délinquance routière qui fauche chaque année plus de 4.000 victimes, des centaines, voire des milliers, de handicapés à vie, des centaines et des centaines de familles endeuillées». Très souvent, c'est la perte du principal soutien familial qui est à déplorer, avec tout ce que cela représente comme difficultés pour joindre les deux bouts.

En présidant la campagne de sensibilisation à la sécurité routière, le souverain avait tenu à démontrer que le problème des accidents de la route le préoccupe sérieusement. Ce sentiment est partagé par tous les membres du gouvernement, et à leur tête le Premier ministre. La classe politique est unanime pour dénoncer cette hécatombe, nos élus ne cessent d'apostropher les différents responsables au niveau des deux chambres. Les citoyens dans leur grande majorité ne comprennent pas cette situation qui est décriée aujourd'hui par tout le monde.

Dans tous les cas de figure, elle ne peut pas durer, car des milliers de vies sont sacrifiées chaque année sur l'autel de la délinquance routière, des milliers de vies sont perdues, brisées, volées.
Plusieurs centaines de milliers de blessés souffrent dans leur chair des conséquences de drames qui ne peuvent pas être imputés à la fatalité. Cette situation est d'autant plus inacceptable que 60% des victimes sont totalement innocentes : elles ont été victimes du comportement ou de l'inconscience d'autrui. Si la circulation est un domaine qui a toujours été très réglementé, les occasions de violer la norme y sont nombreuses : beaucoup de conducteurs considèrent les règles du Code de la route comme optionnelles. Le temps est venu pour que nos politiques puissent assumer pleinement leur rôle comme le souhaite SM le Roi. La loi est faite pour être respectée et appliquée par et pour tous. Le temps est venu pour assainir la présente situation qui n'a que trop duré. L'enjeu politique est de taille car il y va de la crédibilité des actions, des stratégies, des objectifs et des moyens mis en place par les membres du gouvernement qui ont en charge ce dossier et qui en principe doivent en assurer la réalisation, le suivi sur le terrain, les évaluations aux différents stades.

Autre point, et non des moindres: la pérennité de ce dossier qui est, et restera, la condition sine qua non pour la réussite de ce grand chantier qui est inscrit au programme du gouvernement. SM le Roi a présidé à cet effet une réunion le 18 février 2005 au palais royal de Casablanca, réunion consacrée à la campagne de sensibilisation qui vise à assurer la sécurité routière. Cependant, la sécurité routière ne saurait être du seul ressort de ministres ou de corps de métiers (gendarmerie royale, sûreté nationale), bien plus, elle doit être inscrite au calendrier de tous les partis politiques, des syndicats, qui ont le devoir de sensibiliser les gens, de leur inculquer les bonnes pratiques. La lutte contre le fléau représenté par les accidents de la route doit être l'affaire de tous les Marocains. C'est une affaire nationale qui doit être considérée comme une priorité car elle touche chacun de nous en ce que nous avons de plus chers : la vie de Marocains.

L'enjeu est aussi économique. En effet, les accidents de la route sont un véritable fardeau qui coûte au Maroc 11 milliards de DH, soit 2,5% du PIB, chaque année. Onze milliards de DH perdus, ce sont des projets en moins, des opportunités d'emplois en moins, des chômeurs en plus... Mais onze milliards de DH épargnés, ce sont des hôpitaux, des médicaments, des médecins, des infirmiers, des écoles, de l'eau potable, des routes... en plus.

Le Maroc peut relever ce défi de mettre fin à l'hécatombe routière, car nous payons un lourd tribut en vies humaines chaque année.

Responsabilité
Avec plus de responsabilité dans l'exercice de la fonction dans les différents corps de métiers, avec l'application de la loi au niveau des tribunaux, avec la réalisation de routes qui respectent les normes, avec un parc automobile qui ne représente pas de dangers pour la population et avec la présence des gendarmes et des agents de police bien visibles. Sans oublier de punir sévèrement les chauffards en retirant les permis de conduire à ceux qui sont de véritables assassins de la route. L'exemple qui ne peut laisser indifférent, c'est celui qui a coûté la vie à 17 Marocaines et Marocains dans la province de Settat et fait plus de 43 blessés graves Le problème qui se pose, c'est de savoir ce que coûte la prise en charge d'un polytraumatisé au niveau de nos hôpitaux. Il est évident que de la réponse découleront les moyens à mettre en place pour assurer cette prise en charge. Ces moyens sont très coûteux, très onéreux.

La prise en charge d'un polytraumatisé coûte à l'Etat des millions de DH, qui auraient pu être utilisés à d'autres actions plus urgentes. Il est aisé de deviner ce que coûtent des centaines, des milliers d'accidentés par mois au Trésor public au moment où nous avons besoin d'utiliser ces ressources à d'autres fins plus utiles. En payant chaque année 11 milliards de DH au profit des accidents de la route, le Maroc paie un lourd tribut, qui n'est autre que le résultat de frivolité, d'incompétence, et autres dérapages au sens large du terme.

Pour conclure, nous dirons que tous les espoirs sont permis; il s'agit de sortir des sentiers battus, de passer à l'action, de réprimander sévèrement tous ceux qui enfreignent la loi, quels que soient leur position, rang, et métier. C'est à ce prix que les choses pourront avancer, progresser. Il faut être sans pitié pour les chauffards, ceux qui ne respectent pas le code de la route, ceux qui n'ont pas de respect pour autrui. Il faut aussi rester très vigilant face au problème de la corruption qui est souvent la source de beaucoup d'accidents.

Plan stratégique intégré d'urgence de sécurité routière, campagne de sensibilisation, spots télévisés qui dénoncent les accidents de la circulation, sont des préalables pour la réussite de ce challenge, mais notre société tout entière a un rôle à jouer, une mission à accomplir pour combattre l'insécurité routière qui doit être placée au rang de cause nationale.

En faisant de la lutte contre l'insécurité routière une grande cause nationale, nous faisons le choix de la vie contre la mort, le choix d'un comportement pacifié sur la route, le choix d'une société qui refuse la violence et la transgression. Nous devons remercier grandement les médias, surtout la presse écrite, d'avoir sans relâche rappelé aux pouvoirs publics, aux élus, aux ONG qu'il est grand temps de mettre un terme à la barbarie routière, à la fâcheuse propension à toujours essayer de comprendre les coupables sans jamais parler des victimes.

Il faut donc en finir avec le laxisme, le clientélisme, le laisser-aller qui nuit à toutes les tentatives d'aller de l'avant. C'est à ce prix, et en assurant la pérennité de ce programme que les choses pourront progresser.

Les accidents de la route tuent quotidiennement 10 personnes en moyenne au Maroc et coûtent 11 milliards de dirhams (1,2 milliard de dollars) par an, soit 2,5% du Produit intérieur brut, à l'économie du pays.

Cependant, il est de notre devoir de nous poser des questions sur le rôle, les résultats, voire l'existence même du comité national de prévention des accidents de la circulation, qui ne prévient rien du tout, car les accidents de la circulation ne cessent d'augmenter de jour en jour.

Abdelaziz Ouardighi
Source: Al Bayane

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