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Technologies : Que vaut la stratégie e-Maroc ?

Il est vrai, mais moins qu’on ne l’a dit et écrit surtout, la stratégie e-Maroc, lancée en novembre 2003, sous l’égide du ministère de l’Industrie, du Commerce et des Télécommunications, a pour maîtres-mots «développement des télécommunications et des technologies de l’information». Son objectif: lutter contre la fracture numérique. Le coup d’envoi de ce grand chantier remonte en août 1997, quand la loi 24-96 réglementant le secteur des télécoms, mais les séparant surtout des activités de la poste et favorisant la création de Itissalat Al Maghrib, a été promulguée. Soit.

Pour donner corps à cette volonté politique, le département Poste, télécommunications et technologies de l’information du ministère, élabore une plateforme nommée stratégie e-Maroc. Inaugurée le 17 avril 2006 par le Premier ministre, Driss Jettou et Le Tout Rabat, ce qui sera le portail ou vitrine du Maroc (www.maroc.ma) reprend à son compte les cinq grands chantiers de cette stratégie: e-éducation, e-business, e-commerce, e-gouvernement et une généralisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la société marocaine; le tout basé sur une réforme sectorielle et des orientations stratégiques.

· Services de base
Gouvernement, communes, régions, organismes étatiques décident de favoriser la création de nouveaux espaces publics numériques et/ou l’extension des existants. Les bornes informatiques et autres espaces numériques au sein des associations culturelles, bibliothèques, maisons des jeunes,... serviront de laboratoire à cette nouvelle politique. C’est peu dire que l’accès public aux réseaux électroniques comporte des avantages importants, car il permet de contourner l’obstacle du prix élevé du matériel informatique et favorise l’apprentissage en groupe d’utilisateurs réunis dans des lieux publics. A ce titre, Khalid A., responsable de l’espace numérique dans un centre culturel à Casablanca, est éloquent: «les utilisateurs sont formés dans ces espaces, et accompagnés dans leurs démarches, qu’il s’agisse de chercher un emploi, un logement, de prendre connaissance d’activités culturelles ou de se renseigner sur un ensemble de services de base, administratifs ou bancaires par exemple, qui ne cessent de s’informatiser jour après jour».

En effet, ce type d’espace contribue non seulement à favoriser l’accès des publics fragilisés mais aussi leur formation de base à l’utilisation de l’Internet. Mais réduire toute la stratégie e-Maroc à cette seule mission, aussi noble soit-elle, serait simpliste. Car le gouvernement entend répondre au défi de l’informatisation de tous ses services, et au besoin de l’Internet pour tous comme cela se fait ailleurs. La rengaine est connue: «Internet n’est pas un privilège mais un droit pour tout le monde».

· Vers la société du savoir
De plus en plus de Marocains se servent quotidiennement d’un ordinateur, de l’Internet et de l’e-mail, et ce, tant dans leur vie professionnelle, que dans le cadre de leurs études ou à des fins privées. A cet effet, le volet e-gouvernement se fixe, d’ici à 2010, une généralisation de l’administration en ligne.
Déjà, le site géré par le ministère de la Modernisation des secteurs publics, www.service-public.ma, fait figure de proue. Initié dans un projet global, composé de trois volets (émission télévisée, centre d’appels administratifs et portail électronique), sous un énoncé éloquent: «Idaratouk» ou votre administration, son contenu en dit plus: «le projet Idaratouk s’inscrit dans le cadre de la stratégie de mise en œuvre de l’administration électronique marocaine», laisse-t-on entendre au sein du ministère.
Mise en oeuvre! Le mot est lâché. Mais, c’est à ce niveau que le Maroc traîne encore le pied, derrière des pays comme la Jordanie, la Bulgarie et l’Ile Maurice. Selon les dernières statistiques, datées de 2004, ces trois pays ont réussi à mettre en place l’équivalent de la stratégie e-Maroc, en un temps record de deux à trois ans. Dans ces trois pays, la machine informatique est déjà bien huilée. On peut même y faire des achats en ligne et payer donc par Internet. C’est dire...
Il n’empêche, le processus de la stratégie e-Maroc est en marche et est irréversible. Le prochain défi sera de mettre à la disposition du citoyen marocain le eFormulaires. Un site de téléchargement de formulaires administratifs pour le renouvellement de carte nationale, de passeport ou de demande de déclaration de naissance, de certificat de mariage, de résidence...

· Administration, collectivités locales et offices publics
L’évolution vers une vraie société de la connaissance nécessite la généralisation de l’utilisation de l’informatique. Le Maroc est en bonne voie. Les résultats de la dernière étude (2003) du département Poste, télécommunications et technologies de l’information ressortent que tous les offices possèdent une structure informatique contre 80% chez les administrations et 11% chez les collectivités locales (voir graphique). Ce n’est pas rien. Encore faut-il s’en servir! Mieux, le plan de formation en informatique du personnel révèle des pourcentages intéressants: 56 dans l’administration, 70 (offices) et 67 (collectivités).

Si le site des Habous qui, avec une bibliothèque de plus de 40 mille ouvrages mis en ligne, héberge la radio Mohammed VI, dispose des équipes bilingues (arabe et français) dédiées, est cité en exemple, le service de la douane et les impôts font très bonne figure.
En attendant de voir aboutir l’énorme chantier du e-éducation, d’autres chantiers de taille font rêver: e-justice, e-mairie (wilaya), permis à puce, informatisation du formulaire unique pour la création d’entreprises...

Paiement online: L’Office des changes pointé du doigt
Qui faussera le tout informatique au Maroc voulu par l’Etat, incarné depuis peu par la mise en place de la stratégie dite e-Maroc? Pour toute réponse, c’est l’Office des changes qui est mis à l’index. Protectionnisme? Contrôle des flux financiers? Les deux à la fois? A l’Office des changes, l’on parle de réglementation: «Pour effectuer des règlements par Internet, il faut disposer d’une carte de crédit internationale, délivrée par votre banque, sur autorisation de l’Office des changes». Est-ce à dire que l’on peut alors, avec cette carte, acheter un livre ou un disque sur Internet et payer par ce même canal? La transaction doit répondre aux conditions requises par l’autorisation.

En clair, pour une autorisation de dotation touristique, portée depuis peu à 15.000 DH, le détenteur de la carte de crédit ne pourra payer avec que sa réservation d’hôtel, son billet d’avion à l’étranger. Pour sa part, l’exportateur, autorisé à hauteur de 20% de ses produits d’exportation pour des transactions par Internet, ne pourra régler d’autres achats que ceux qui sont liés à son activité! C’est un faut débat alors que de mettre en avant la question de sécurité de paiement par Internet. Vous avez dit libéralisation des changes!

Bachir THIAM
Source : L'Economiste

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