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Le mépris pour les migrants en Italie

Rome lance une enquête parlementaire après la publication d'un rapport sur les conditions de vie calamiteuses dans les centres temporaires pour étrangers.


Marocain, Khalid a vécu plus de vingt ans en Italie, avec des papiers. En 2001, il perd son permis de séjour. Clandestin, il est arrêté en 2005 et placé dans le centre de rétention de Trapani (ouest de la Sicile), l'un des dix-huit centres de permanence temporaire et d'assistance (CPTA) de la péninsule. Khalid s'est alors cousu la bouche. «Pour qu'on s'intéresse à moi, à mon histoire», a-t-il raconté à l'avocate Alessandra Ballerini, membre du groupe de travail sur les centres d'accueil temporaire. Une équipe composée de travailleurs sociaux et de parlementaires de gauche ­ parmi lesquels, Tana De Zulueta, députée des Verts ­ qui a présenté, mardi dernier, un livre blanc accablant sur les CPTA : le fruit de deux ans d'enquête, démarrée en 2004.


Ce rapport dénonce la violation des droits de l'homme dans ces centres mis en place en 1998 par le centre gauche, afin de statuer sur le sort des clandestins, et de prononcer, le cas échéant, leur expulsion. «Parmi les quinze centres que nous avons visités dans le pays, la situation est particulièrement dramatique à Trapani, Crotone ou Turin», détaille Nicoletta Dentico, coordinatrice du groupe. «A Turin, il y a eu des épisodes de révolte, la gestion de la structure est de plus en plus militarisée.» Le groupe de travail dénonce le manque d'assistance légale et «l'absence d'interprètes» lors de comparutions de clandestins devant les juges de paix. Il s'inquiète de l'administration de «calmants» pour maintenir les personnes sous contrôle.

Le livre blanc n'épargne pas non plus le centre de transit de Lampedusa, petite île sicilienne au large de la Tunisie où les débarquements de migrants sont fréquents : surpopulation (jusqu'à 1 000 personnes pour 190 places dans les périodes critiques), douches à l'eau salée, matelas jetés par terre quand les lits ne suffisent plus, présence de mineurs... Surtout, impossibilité de déposer une demande d'asile.

Désormais, les migrants restent au maximum quarante-huit heures à Lampedusa, avant d'être transférés dans l'une des structures de rétention du sud de l'Italie, pour y être identifiés. Une opération délicate : à peine plus de 44 % des clandestins seraient effectivement rapatriés. «Les autres sortent avec un ordre d'expulsion, qui leur donne cinq jours pour quitter le territoire italien. Mais sans argent ni indications. Ils restent donc dans le pays», rapporte Nicoletta Dentico.

Pour faire la lumière sur les CPTA, le ministre de l'Intérieur, Giuliano Amato, vient de mettre en place une commission d'enquête, présidée par Staffan De Mistura, représentant de l'ONU. Un premier pas vers une réforme ? «C'est trop tôt pour le dire. Cette commission doit d'abord, pendant six mois, inspecter les centres», affirme-t-on au ministère de l'Intérieur. Le débat risque encore de durer, d'autant qu'il touche à la définition même des politiques migratoires : «Il y a une hypocrisie de fond, sur le sujet. Un grand marketing autour de la lutte contre l'immigration clandestine. Mais quand il s'agit des récoltes saisonnières, dans le Sud, on fait silence sur le sort des clandestins. Ce qui les y attend est pourtant bien pire qu'à Lampedusa», conclut Andrea Accardi, chef de mission pour Médecins sans frontières-Italie.

Source: Libération

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