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Du sport pour oublier la galère des bidonvilles

Il est 10 heures tapantes: cap sur les bidonvilles du quartier de Sidi Moumen à Casablanca. Sous un soleil de plomb, l’autoroute laisse peu à peu la place à une route sinueuse et parsemée de crevasses. Quelques instants plus tard, les bidonvilles de Sidi Moumen se profilent. Un véritable paysage de désolation: des baraques de fortune s’étendent à perte de vue. Clic-clac, les premières photos du site sont dans la boîte.

Une entreprise assez périlleuse faut-il le souligner, car un groupe de barbus interpelle de façon menaçante. «Aji, Aji (venez)»; appel pas facile à décoder. Cherchaient-ils à se faire prendre en photo ou bien jouaient-ils aux épouvantails? Les nouveaux arrivés sont facilement repérables et leur visite n’est pas toujours la bienvenue. Voilà enfin l’une des quatre carrières de l’arrondissement: la tristement célèbre carrière Thomas. La voiture ne passe pas inaperçue entre les charrettes et les vieux véhicules du quartier. Des détritus et des pneus de voiture rendent ce paysage encore plus choquant. Un ruisselet d’eaux usées distille violemment des odeurs nauséabondes. Il ceinture le bidonville. Le lieu est à des années-lumière du reste de la ville.
Petit zoom sur les alentours. Un club de sport attire l’attention dans ce décor qui semble si hostile. A l’approche de l’objectif, les clameurs se font insistantes. Ces cris proviennent sans aucun doute de l’intérieur du bâtiment. Un match de foot est en train de s’y dérouler. Enfants et adolescents du quartier dévisagent les nouveaux venus tout en essayant de rester concentrés sur leur jeu. «Nous venons nous entraîner deux à trois fois par semaine», raconte l’un d’entre eux sur un ton enthousiaste. Il n’a manifesté aucune méfiance, il était même très content de pouvoir s’exprimer. Content que l’on s’intéresse à lui. Il ajoute aussi que d’autres sports, tels que le basket, le badminton, le volley et même la musculation, sont aussi pratiqués. Un homme d’une trentaine d’années en jogging rouge accepte également de collaborer: il s’agit de leur entraîneur.

Il fait observer que cette salle couverte a été créée en 2004. Ce sont les associations El Massir et Tassamoh qui la financent.
Un planning des horaires de jeux est notamment remis par la municipalité à chacun des membres du club. Ce dernier comprend un terrain couvert, deux terrains goudronnés en plein air et aussi des douches disposant d’eau chaude. Un luxe pas très courant à Sidi Moumen. Avant de partir, l’entraîneur donne l’indication d’une maison de jeunesse: «Dar Chabab» (maison des jeunes); tout près. Sur la route, un groupe de vieux barbus discutent à l’entrée d’une des rares mosquées restées ouvertes après les attentats du 16 mai 2003 (cf. www.leconomiste.com).

Des enfants dépenaillés jouent dans le quartier, leur espace de jeux. Une sorte de «forteresse rouge» retient le regard: il s’agit de la maison de jeunesse recherchée. Le complexe est fermé mais une maisonnette servant probablement de lieu d’accueil est ouverte.
Le fils du gardien, un jeune homme d’une vingtaine d’années vêtu d’un T-shirt vert, accepte de donner quelques informations sur le fonctionnement du centre sportif. «Des tournois sont organisés tous les week-ends et les équipes du RCA et du WAC viennent jouer ici régulièrement dans l’année», lance-t-il d’un air amical.

L’activité sportive à Sidi Moumen s’est largement développée ces dernières années, mais peut-être n’y aurait-il rien eu sans le drame du 16 mai. Ces projets sportifs et culturels aident en quelque sorte les habitants du quartier à oublier les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent. Ils permettent aussi d’occuper les jeunes et de canaliser leur énergie. «Cela nous redonne un peu de joie de vivre et nous permet d’oublier pour quelques heures l’enfer dans lequel nous vivons quotidiennement», confie l’un d’entre eux.

Tout autour, la misère et la saleté sont omniprésentes. Incommodés par la chaleur, les mauvaises conditions d’habitation et le manque d’infrastructures, les habitants donnent l’impression d’endurer un calvaire sans fin.

Tout cela conjugué à la chaleur pousse les gens à passer leurs journées à l’extérieur. Les habitants de ce quartier mènent une vie pénible et difficile, loin du Maroc «Le plus beau pays du monde». Mais ça ne les empêche pas d’avoir tous la parabole!

La pauvreté n’est pas le seul problème à Sidi Moumen. «Il n’y a pas de travail, nous restons des heures et des heures assis sans rien faire, parfois des journées entières», s’exclame un vieux cireur de chaussures.

En effet, s’ils ne sont pas sans emplois, les habitants de ce quartier occupent tout au plus des métiers informels, tels que vendeur de cigarettes au détail ou encore cireur de chaussures.
Désoeuvrement, accablement, chômage, pauvreté… une véritable poudrière.

Karim Agoumi
Source: L'Economiste

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