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Itinéraire d’un «Jdidi» parti à l’assaut de l’Europe

Natif d’El Jadida et fils de douanier, Nabil Derrazi, 46 ans, est à la tête de la société d’assurance Agis Maroc. Avant d’accéder aux responsabilités, «l’enfant du pays» a été confronté aux réalités liées à l’intégration économique dans un pays d’accueil, les Pays-Bas, à l’âge de 22 ans. Arriver à s’accomplir, à se réaliser, alors qu’au préalable, il ne maîtrise ni la langue, ni la culture de son nouvel environnement, peut relever de l’exploit. Exploit! Nabil n’y croit pas. Sa réussite, c’est le résultat de 20 années de travail acharnées, où il a su conjuguer, ambition, détermination et le sur-moi qui permet de se surpasser quand… le choix de vie l’exige.

· L’Economiste: Votre départ pour la Hollande en 1982, c’était la course à l’Eldorado?
- Nabil Derrazi: Présenté de cette façon, je préciserai que cela a été un Eldorado au doux parfum sentimental. En effet, à l’occasion d’un séjour en Europe durant la période estivale, j’ai fait la connaissance… de ma future épouse. Si l’amour n’a pas de frontière, il n’en reste pas moins que pour le vivre pleinement, il est préférable de se retrouver côte à côte. Dès lors, nous avons œuvré conjointement pour que le rêve devienne réalité.

· Les démarches administratives pour l’obtention d’un passeport n’étaient pas de tout repos à cette époque.
- C’est vrai. Je me suis accroché, battu, pour obtenir le sésame. Patience et abnégation ont été nécessaires pour décrocher le quitus, synonyme de nouvelle vie. Je me souviens encore de l’exaltation qui m’animait quotidiennement. Et même puis, je n’étais pas seul. De l’autre côté de la rive, avec ma compagne, nous étions sur le même mode. Lorsque vous traversez ce type d’épreuve, le soutien moral est important, cela permet de mieux gérer les situations de stress et d’angoisse.

· A votre arrivée en Hollande, d’autres épreuves étaient au menu.
- Ne maîtrisant pas la langue, l’intégration socioéconomiques s’avérait plus difficile que je ne l’avais imaginé. Certes, nous étions deux dans la même barque, néanmoins je me devais de fournir les efforts personnels nécessaires pour me sortir de cette situation. Comme le dit l’expression, «c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon». Pour me familiariser à la fois avec la langue et l’environnement professionnel, j’ai commencé par des petits «jobs», comme la plonge dans un restaurant, et en parallèle, je suivais des cours de langue. Puis, je me suis formé pour devenir cuisinier. Si le métier me remplissait de joie, il n’était pas compatible avec le désir d’avoir un enfant. Les horaires de travail sont devenus une contrainte.

· Et qu’avez-vous fait?
- Plus à mon avantage au niveau de la langue, j’ai décroché un poste administratif à la Detam (organisme public qui finance les personnes suite à une perte d’emploi) dans le cadre d’un contrat à durée déterminée. Devenu demandeur d’emploi à mon tour, je découvrais des locaux magnifiques d’une société d’assurance RZMN située à Utrecht. Spontanément, j’ai déposé ma candidature. Peu de temps s’est écoulé avant que je sois convoqué à un entretien d’embauche qui allait s’avérer déterminant pour la suite de ma carrière professionnelle. En 1993, RZMN fusionné avec le groupe d’assurance Anoua, ce qui m’a permis de quitter un service purement administratif pour rejoindre le département commercial.

· De commercial à Utrecht à DG à Casablanca, vous avez parcouru du chemin.
- Le tournant a été l’organisation d’un déjeuner-débat, en 1998, au sein d’un quartier composé essentiellement de Marocains résidant à l’étranger. Notre objectif était d’identifier les besoins-attentes de la communauté lors de ces déplacements au Maroc. Les MRE ont fait part de leurs difficultés d’avoir des interlocuteurs qui les comprennent et qui connaissent le territoire pour des prises en charge santé ou lors d’accidents de la circulation (assistance). On m’a chargé de travailler sur la base des besoins exprimés. Tout est allé très vite. Du premier point de chute au quartier Bourgogne à Casablanca où mon appartement servait de bureau en 2000 à aujourd’hui. En six années, l’activité est montée en charge. De 3 salariés en 2002, nous sommes passés à 7 personnes l’année suivante, puis à 12, et ensuite 22 en 2005, pour aujourd’hui être 30 à animer une plateforme professionnelle, basée au carrefour des artères du boulevard Yaâcoub Mansour et celui de Ghandi.

· Fier et heureux de relever un défi au pays de votre enfance.
- Mon objectif était de valoriser l’image du Maroc au travers de mon engagement professionnel auprès de la population hollandaise et des 4 millions d’adhérents(1) que comptent Agis Hollande. Du reste, l’implantation d’Agis Maroc a boosté la destination, l’augmentation des passagers fréquentant la ligne Amsterdam-Casablanca le prouve. Participer, à mon modeste niveau, à la promotion du Royaume, me remplit de joie. Une joie que je partage dorénavant avec mon épouse et mes enfants qui m’ont rejoint depuis le mois de septembre dernier.

· Tout va donc pour le mieux dans le meilleur coin du monde.
- Malgré quelques difficultés dans le management car notre activité nécessite une disponibilité entière et une fibre sociale profonde, je ne me plains pas. Le tableau de marche de la filiale Agis Maroc est alléchant. Sur les 60.000 MRE qui nous ont fait confiance en 2000, nous en comptons 160.000 aujourd’hui, soit 50% de la communauté résidant en Hollande. L’objectif est d’atteindre 80% d’adhérents MRE et de confirmer notre place de leader sur le marché hollandais de l’assurance assistance. Pour atteindre ce double objectif, nous avons mis en place une stratégie de proximité dont la finalité est de servir au mieux les ressortissants marocains de Hollande durant leurs séjours au Maroc.
Partenaire d’une centaine de cliniques et de centre d’hémodialyse couvrant la totalité du territoire marocain, notre cœur de cible est également d’assurer une assistance médicale à nos adhérents de Hollande en visite au Maroc.

Lendemain difficile après Van Gogh
Interrogé sur les conditions de vie de la communauté MRE en Hollande au lendemain de l’assassinat du petit-fils du célèbre peintre Vincent Van Gogh, Nabil Derrazi déclare que «la société hollandaise a changé de comportement vis-à-vis des ressortissants marocains». Il ajoute que les difficultés d’intégrations économiques sont encore plus marquées. «De plus, et contrairement à la France où de nombreux MRE occupent des fonctions sociales honorables, les jeunes MRE en Hollande ne mettent pas tous les atouts de leur côté pour faire leur place». Selon Nabil Derrazi, l’échec scolaire frappe de plein fouet cette jeunesse, plus particulièrement chez les garçons, pour prétendre à des responsabilités politiques, économiques ou sociales. «En Hollande, pas un médecin n’est d’origine marocaine», déplore-t-il. Quant à la participation des MRE au scrutin législatif 2007 au Maroc, il se montre favorable. «Si ma génération reste attachée à son pays d’origine, ce n’est pas le cas des nouvelles générations. Accorder le droit de vote aux ressortissants marocains établis à travers le monde, c’est une manière de ne pas sectionner le cordon ombilical avec la 3e et 4e génération», conclut le DG d’Agis Maroc.

(1) Agis Hollande qui comptait 1,6 million d’adhérents a récemment fusionné avec deux organismes hollandais en assurance: la compagnie Delta Loyd et la compagnie Menzis. De cette fusion est né le Groupe Agis Hollande occupant la première place sur le marché hollandais de l’assurance assistance, soit 4 millions de clients représentant 25% de la population du pays (16 millions d’habitants).

Rachid Hallaouy
Source: L'Economiste

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