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Un village entier au secours d'une famille sans papiers

A Fabrègues, dans l'Hérault, maire, voisins et parents d'élèves se mobilisent pour empêcher l'expulsion d'une Marocaine et de ses trois enfants.

Qui pense que les Français en ont marre de «subir» l'immigration ? A Fabrègues, petite cité pavillonnaire de 7 000 habitants située entre Montpellier et Sète, tout le monde se mobilise contre l'expulsion annoncée de Tamimount Koubaa et de ses trois enfants, Ibtissan, 11 ans, Hanae, 7 ans, et Omar, 4 ans et demi.

«En moins d'une semaine, j'ai reçu la copie de 81 attestations que des habitants ont envoyées au préfet, avec la photocopie de leur carte d'identité», souligne Mme Koubaa, une jolie brune de 35 ans, en feuilletant la pile de lettres. Parmi elles, celle de Bernard, un voisin, qui écrit : «J'atteste par la présente être en bons termes avec ma voisine. Madame Koubaa s'avère être une personne bien intégrée, polie, serviable et se comportant comme une bonne mère.» Michel, lui, «atteste qu'ils sont très bien intégrés à nos cultures et au respect de notre République». Paula, dont la fille Julia est en CP avec Hanae rapporte : «Ma fille me dit souvent : je voudrais que Hanae soit mon amie pour toute la vie.»

Mariage arrangé. Puis Tamimount commence à raconter sobrement son histoire : arrivée en France à l'âge de 3 ans, elle a fait toute sa scolarité à Montpellier. Lorsqu'elle a 17 ans, ses parents s'installent à Fabrègues, dans une villa construite par le père, un maçon marocain. Tamimount passe un bac de biologie, poursuit ses études au CHU de Montpellier. Elle devient française en 1992, naturalisée en raison de sa présence en France depuis plus de cinq ans et de sa parfaite intégration. L'année suivante, en 1993, elle obtient un diplôme d'Etat de manipulatrice en radiologie médicale. A peine ses études achevées, son père la force à partir pour le Maroc, où il a arrangé son mariage avec un lointain cousin. Tamimount se soumet.

Douze ans (au Maroc) et trois enfants plus tard, elle décide de quitter son mari. Direction son «vrai pays», la France. Et la maison de ses parents à Fabrègues. C'était en juillet 2005. A la rentrée, ses enfants sont inscrits à l'école, dans laquelle la jeune femme prend en main l'atelier pâtisserie, ce qui lui vaut une immédiate notoriété. Elle engage alors des démarches afin de récupérer sa nationalité française, perdue en 1999 sous prétexte qu'au moment de sa demande de naturalisation, elle avait coché la case «célibataire», alors que son père l'avait déjà mariée administrativement au Maroc. Une erreur que l'administration française considère comme une «tentative de fraude». En mars, le préfet lui a donné un mois pour quitter le territoire.

A peine la décision préfectorale connue, un comité de soutien s'est mis en place autour de Tamimount. Composé au départ de parents d'élèves, il se gonfle rapidement «d'un éventail très large de Fabrégois, qui ne tient aucun compte des clivages sociaux ou politiques traditionnels», explique Bernard Delord, un chercheur en économie, dont la fille est à l'école de Ibtissan et Hanae. On y trouve un orthophoniste, un employé de la poste, une greffière au tribunal, un agent commercial, un contrôleur aérien, une infirmière, un directeur d'école... Des gens de gauche, bien sûr, mais aussi des Fabrégois plus conservateurs, qui, comme ce voisin, n'en considèrent pas moins que «madame Koubaa, avec son diplôme de manipulatrice en radiologie, correspond à ces personnes qualifiées dont on a absolument besoin sur le marché du travail».

«Etre réaliste». Dans le groupe, il y a même Christian Garcia, un rapatrié d'Algérie, qui avoue sans aucune honte «voter Le Pen» depuis des années. «Mais quand j'ai vu ce petit bout de femme qui ne montrait rien de sa souffrance, ça m'a touché. J'en connais qui vont avoir du mal à comprendre que je défende une Marocaine, mais je ne sais pas ce qui s'est passé, je me surprends moi-même. Comme quoi, y'a des choses qui peuvent faire que tout bascule en vous...» Pour les autres immigrés, Christian Garcia continue néanmoins d'exiger «d'être réaliste» : «La France ne peut pas supporter toute la misère du monde. Au train où ça débarque, ils arrivent par centaines chaque jour. Alors là, je dis non !»

A Fabrègues, même le maire, un ancien UMP devenu «apolitique centriste», prend fait et cause pour cette mère en danger et ses enfants : «Notre position est très claire : cette femme doit rester en France», affirme Jean-Marc Alauzet, le premier adjoint. Preuve de son engagement : le 17 juin, la mairie prête une salle au collectif pour une grande fête de soutien.

Pierre Daum
Source: Libération

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