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Le "prince rouge" au secours de la presse libre au Maroc

Titre phare de la presse marocaine francophone, Le Journal hebdomadaire a trouvé son "chevalier blanc". Condamné le 16 avril par la cour d'appel de Rabat à verser 3 millions de dirhams (270 000 euros) pour diffamation et 50 000 dirhams (4 500 euros) d'amende, le directeur de la publication, Aboubaker Jamaï, dans l'incapacité de payer une telle somme, pensait qu'il n'avait d'autre choix que de fermer.

La menace semble écartée, au moins provisoirement. Dans une lettre à l'avocat de la publication, datée du vendredi 21 avril, le cousin du roi, le prince Moulay Hicham, a offert de régler la somme afin que le journaliste puisse "préserver sa liberté".

Dans cette lettre, celui que ses opinions progressistes ont fait surnommer le "prince rouge" - troisième dans l'ordre successoral au trône - prend soin de préciser que son initiative s'inscrit "dans le cadre d'une relation d'homme à homme" et qu'elle "n'interfère en rien avec (leurs) profession et activités respectives".

Au Monde, le prince Moulay Hicham a précisé : "Le directeur du Journal était à mes côtés dans les moments de crise ; je tiens à être à ses côtés aujourd'hui qu'il a des difficultés. Je ne fais pas cela pourle Journal, même si j'en suis un lecteur fidèle. Et je ne veux pas porter de jugement sur la décision judiciaire qui a conduit à sa condamnation."

Le geste du "prince rouge" sort Le Journal hebdomadaire d'une mauvaise passe due à un article publié fin 2005, dans lequel il mettait en doute la probité du rapport d'un organisme de recherche, basé à Bruxelles, laissant entendre que le Front Polisario, favorable à l'indépendance du Sahara occidental (occupé par l'armée marocaine), pourrait verser dans le terrorisme international. Dans cet article, le Journal avait évoqué un document "téléguidé" par Rabat. D'où la plainte en justice pour diffamation et, in fine, la sanction financière prononcée par le tribunal de première instance en février et confirmée par la cour d'appel.

LES DETTES S'ACCUMULENT

Il est probable que le Palais royal, à Rabat, aura une lecture politique du sauvetage par le "prince rouge" du Journal hebdomadaire, connu pour ses analyses critiques du régime. Les relations de Moulay Hicham, perçu comme un dissident de la monarchie, avec son cousin Mohammed VI sont médiocres depuis que ce dernier est devenu roi, en 1999 : les deux hommes ne s'adressent plus la parole.

Ces dernières années, les tensions ont été nombreuses, même si le cousin du souverain réside souvent à l'étranger. Il y a quelques mois, le prince Moulay Hicham avait, par exemple, apporté son soutien, au nom de la liberté d'expression, à Nadia Yassine, fille d'un dirigeant islamiste, inquiétée par la justice pour avoir déclaré qu'à titre personnel elle était favorable à un régime républicain.

L'aide du "prince rouge" ne signifie pas que les ennuis sont terminés pour le Journal hebdomadaire. Porteur des espoirs nés de l'arrivée des socialistes au gouvernement à la fin du règne d'Hassan II, il subit aujourd'hui le contrecoup de la dépolitisation de la société et de l'hostilité du Palais royal. Sa diffusion stagne, la publicité se fait rare et les dettes s'accumulent. Elles équivalent à plus de huit mois de son chiffre d'affaires. S'il veut sauver Le Journal hebdomadaire, le cousin du roi devra mettre à nouveau la main à la poche.

Jean-Pierre Tuquoi
Source : Le Monde

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