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Droits humains: Présentation de l'expérience de l'IER à Montréal

L'expérience marocaine en matière de réconciliation présentée à un colloque à Montréal sur "le devoir de mémoire et les politiques de réconciliation".

Devant des dizaines de professeurs, chercheurs universitaires, fonctionnaires internationaux et "intellectuels militants", réunis à Montréal en colloque sur le "devoir de mémoire et les politiques de réconciliation", la jeune mais singulière expérience marocaine de l'Instance de l'Equité et de réconciliation" (IER), a été présentée par le chercheur marocain, Mohamed Berdouzi, du département de droit public et sciences politiques de l'université Mohammed V.

Lors de ce colloque, qui s'est tenu du 13 au 15 courant, M. Berdouzi est intervenu dans un atelier consacré à "la mémoire et la vérité", particulièrement dans les cas de la Palestine et de l'Algérie. Il a eu à décrire le processus politique institutionnel qui a amené au bout de plusieurs années de combats et de mutations, notamment durant les dix ou quinze dernières années, d'abord à la création de la "Commission indépendante d'arbitrage pour l'indemnisation", en1999 , puis à celle de l'IER en janvier2003 .

Cet exposé d'information sur l'expérience marocaine, qui est unique dans le monde arabe, rejoignait l'objectif de "restauration de la dignité des victimes par la reconnaissance des torts historiques et l'indispensable dialogue que nécessite la réconciliation" que ce colloque visait aux yeux de ses organisateurs, le Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté (CRIEC qui regroupe des chercheurs de plusieurs universités canadiennes) et l'Institut des études internationales de Montréal (IEIM).

En fait, à l'occasion de cette rencontre initiée dans le sillage de la "Déclaration de Durban", votée en septembre 2001 par les Nations Unies et la société civile mondiale à propos de la "vulnérabilité croissante des victimes du racisme colonial", la présentation de l'expérience marocaine s'est inscrite par rapport à un double souci que soulignaient les organisateurs de ce colloque de Montréal: "analyser les enjeux philosophiques, sociaux et éthiques reliés à la mémoire historique, à la réconciliation et au dialogue" et examiner également les mesures particulières de réparation, comme les recours utiles, les voies de droit et les mesures d'indemnisation", comme le précise Mme Micheline Labelle, directrice du CRIEC et professeur de sociologie à l'UQAM.

Inter/Volonté collective et rôle du pardon

Les étapes de conceptualisation, d'approche, de mesures et décisions politiques, législatives et institutionnelles, franchies à ce jour par l'expérience marocaine permettent à cette expérience "d'essayer d'agir sur ces différents niveaux", dit M. Berdouzi, dans une déclaration à la MAP à l'issue de ce colloque scientifique multidisciplinaire.

En comparant les différentes expériences nationales visitées à cette occasion aux plans des réparations, des auditions publiques, des mécanismes d'indemnisation, des formules et prises en charge sanitaire et de soutien psychologique des victimes, de réhabilitation des lieux et des communautés particulièrement touchées par les violations, d'implantation de politiques de réinsertion sociale et professionnelle..., le chercheur marocain, qui est aussi membre de l'IER, considère que l'expérience marocaine se distingue, non seulement par le fait qu'elle soit déclenchée "à froid" et non imposée par "une crise ouverte", mais aussi par le fait qu'elle rencontre "une volonté collective de toutes les forces en présence pour traiter le problème selon une approche distincte, originale et qui se veut aussi assez complète", dit-il.

Après avoir décrit quelques uns des grands moments historiques et tournants décisifs dans cette expérience marocaine, notamment l'amnistie générale de1995 , l'alternance politique de 1998 et la création de la Commission indépendante d'arbitrage en1999 , M. Berdouzi a exposé le mandat de l'Instance et l'agenda des activités qu'elle a lancées depuis avril dernier, dans la perspective de produire, en avril prochain, "un rapport final consignant ses référentiels, ses approches, son parcours, ses découvertes, ses actes de réparation et ses recommandations pour le futur".

Révélant, à l'occasion, que l'IER a traité, à ce jour, quelque15 . 000 requêtes de réparation, sur un total avoisinant les20 . 000dossiers reçus et répertoriés, M. Berdouzi souligne que "sur quelque14 . 000requêtes émises par des plaignants ou leurs ayant droit, 80 pc réclament surtout une indemnisation pécuniaire". Il a aussi rappelé qu'avant la mise sur pied de l'IER, la précédente Commission d'arbitrage de 1999 a traité "en trois ans,7 . 000réclamations et distribué aux victimes avérées des violations des droits humains, la somme totale de 960 millions de dirhams".

Insistant sur le fait que "chaque situation appelle à une approche spécifique, adaptée au contexte, à son ampleur et à sa situation", le conférencier marocain a pu exposer et commenter les principales stratégies d'action menées par l'IER, devant une assistance qui a aussi longuement analysé durant les trois jours de conférences, de débats et d'ateliers divers contextes: Chili, Argentine, la Palestine, l'Algérie, la minorité amérindienne au Canada, la minorité noire aux Etats-Unis, les peuples autochtones dans les Amériques.

De l'agenda de l'IER marocaine présenté par M. Berdouzi, les participants ont pu retenir comme actions spécifiques celles de "faire la lumière sur le sort des disparus forcés, de reconnaître les lieux d'enterrement de triste mémoire, de réhabiliter les lieux et communautés particulièrement touchés par les violations, d'assurer la prise en charge sanitaire des victimes souffrant de maladies graves et de faciliter le réinsertion sociale et professionnelle des victimes, d'organiser un grand débat sur les concepts et les approches de la vérité, de la violation étatique, de la réconciliation et du pardon".

A l'instar des 24 autres conférenciers de ce colloque, l'universitaire marocain a confirmé par son exposé, à travers notamment le cas de l'IER, la pertinence du but recherché par de telles rencontres scientifiques, à savoir : "tirer des leçons du passé et rétablir la vérité afin de mieux préparer l'avenir", comme le soulignent les organisateurs de ce forum de Montréal.

Sachant que quel que soit le contexte "d'injustice historique" examiné, dit la directrice du CRIEC, "les revendications touchent d'abord la réparation symbolique: reconnaissance de la faute et de la violence impliquée, clarification historique de la mémoire des victimes". Mais, "la mise en place des formes de réparation et de pardon interpelle la société et la responsabilité de l'Etat, et le rôle que joue le pardon dans le processus de réparation de mémoire est tout aussi important et demeure un élément délicat auquel on n'a pas encore donné toute la signification".

Source : MAP

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