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Les enfants, nouveau drame de l'émigration

C'est un nouveau visage de la migration : les mineurs non accompagnés. Une étude sur le phénomène vient d'être présentée jeudi à Rabat par les représentants des gouvernements et de la société civile marocains et espagnols. C'est un premier pas sur la voie de la réflexion sur un nouveau phénomène.

L'enquête s'est faite auprès de quelque 300 enfants en Espagne et au Maroc. Elle est le fruit d'un partenariat entre l'UNICEF-Rabat, l'association marocaine Attadamoun, Junta de Andalucia, l'ONG espagnole « Fondation Jaume Bofill».

L'étude s'avère d'une plus haute importance car elle dresse les différents profils des mineurs non accompagnés et souligne leurs divers problèmes.

Les migrants marocains mineurs ne sont pas seulement en Espagne. Ils sont présents dans beaucoup d'autres pays, notamment les Pays-Bas, la Belgique, l'Italie et la France. On ne peut définir facilement leur nombre.

«La quantification de ce groupe est compliquée du fait de l'inexistence de registres opérationnels, de l'absence de coordination entre les administrations régionales, étatiques et internationales et de la mobilité des mineurs.» Ce sont essentiellement des garçons dont la moyenne d'âge est de 16 ans. On note même des enfants de neuf ans. Rares sont les filles mineures qui recourent à l'immigration. Mais, le rapport signale qu'elles sont on ne peut plus vulnérables à l'exploitation sexuelle et économique. Certaines travaillent comme petites bonnes dans des conditions désastreuses. La méthode de leur immigration diffère de celle des garçons. Elles passent, en effet, souvent avec leurs parents, cachées dans des voitures.

La plupart des migrants mineurs proviennent des quartiers périphériques des grandes villes marocaines ou des zones rurales les plus pauvres. Bon nombre d'entre eux ont abandonné l'école au cours de la sixième année du primaire ou la première année du secondaire. Ils ont travaillé par la suite comme apprentis dans des conditions précaires. Ce qui les a poussé à quitter le pays dans la quête d'une vie meilleure. Ils ne savaient pas qu'une fois arrivés entre autres en Espagne, ils seraient soumis à un processus long et complexe pour pouvoir vivre.

Les migrants doivent passer par nombre d'institutions, organismes, réglementations et autorités compétentes. Quelques-uns déclarent que l'acquisition de leurs documents leur a pris de 1 à 7 ans. Malgré l'obtention des papiers, à 18 ans, on doit chercher une offre de travail pour pouvoir conserver le permis de séjour.

Ils ignoraient tous ces obstacles avant de mettre en péril leur vie en se cachant sous les camions et autocars pour franchir l'autre cap. Généralement, ils comptent sur un contact dans le pays de destination. En Italie, à titre d'exemple, plusieurs mineurs ont un lien direct avec les parents qui ont émigré dans ce pays et qui les prennent en charge. Différentes raisons poussent les plus jeunes à émigrer. Leurs familles sont souvent nombreuses et démunies.

Le divorce, la violence familiale et le second mariage sont également des caractéristiques communes à plusieurs mineurs. Les enfants de la rue figurent aussi dans la catégorie des mineurs clandestins. Tétouan, Chefchaouen, Larache, Fnideq, Ksar Lekbir, Souk Larbaâ, Nador, El Hoceima, Ouezzane, Casablanca, Rabat, Kénitra, Fès, Meknès, Béni Mellal, Marrakech et Zagora sont autant de lieux de provenance de cette catégorie de personnes. Tanger est le point principal d'origine des migrants mineurs en Espagne (62,58 %).

Cette ville est aussi le principal point de sortie des mineurs qui traversent le détroit. Les ports de Nador et Melilla, celui de Casablanca et Tarfaya constituent également des portes de passage des frontières. Ce sont des zones de commerce international, de trafic aérien, maritime ou terrestre, avec un grand mouvement de marchandises. Tarfaya est un passage particulier où l'on utilise des pateras en direction des Iles Canaries. Généralement, l'adolescent garde le contact avec sa famille et quelques garçons envoient même de l'argent à leurs parents. Dans la plupart des cas, les familles ne sont pas au courant de l'intention de leurs enfants d'émigrer clandestinement.

Certains parents reconnaissent " un consentement tacite" car ils savaient que leurs fils descendaient au port dans ce dessein. Les petits frères sont toujours considérés comme des candidats potentiels à la migration clandestine. Le phénomène est certes récent. Mais il doit interpeller tous les acteurs de la société. A l'heure actuelle, des mineurs marocains, qu'on nomme " la bande à la colle ", déambulent dans les rues de Madrid, Barcelone ou Grenade.

C'est alarmant ! Nombreux sont les parents qui vivent un véritable cauchemar car ils ignorent où vivent leurs enfants. Une lourde tâche incombe au Maroc et aux organismes de coopération au développement.

Jihane Gattioui
Source : Le Matin

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