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Procès et lourdes amendes inquiètent la presse indépendante

Attachés à une liberté de ton très rare dans le monde arabe, plusieurs journaux marocains indépendants dénoncent un rétrécissement de la liberté d'expression par le biais de procès et de très lourdes amendes.

Une série de procès ont été intentés à des journaux indépendants pour "diffamation" ou pour avoir abordé des sujets politiques sensibles.

Dernière inculpation en date, celle de l'hebdomadaire arabophone Al Ayam (indépendant) qui a publié le 6 novembre un dossier intitulé: "Secrets du harem du palais entre trois rois".

Cet hebdomadaire a décrit le fonctionnement du harem royal sous le sultan Mohammed V et le roi Hassan II, tout en soulignant que l'actuel roi Mohammed VI, intronisé en juillet 1999, a "coupé avec l'ère du harem".

Le directeur d'Al Ayam Nour Eddine Miftah et la journaliste Meriem Moukrim, auteur du dossier, seront jugés le 23 janvier à Casablanca pour diffusion de "fausses informations" et publication "sans autorisation" de photos de membres de la famille royale.

"Les procès ne peuvent être en dernière analyse qu'une atteinte à la liberté d'expression", déclare à l'AFP M. Miftah.

"Il faut des marges de liberté d'autant plus que, de l'aveu de l'Etat lui-même, le Maroc sort d'une période sombre et tente d'explorer un avenir meilleur dont les contours ne sont pas encore dessinés", ajoute-t-il.

M. Miftah et Meriem Moukrim risquent une peine allant d'un mois à un an de prison et une amende pouvant atteindre les 100.000 dirhams (9.000 euros).

D'autres amendes lourdes, d'un montant global de 1,96 million de dirhams (environ 176.000 euros), ont été prononcées en première instance lors de deux procès en diffamation contre l'hebdomadaire TelQuel (indépendant).

"Clairement, le pouvoir cherche à nous abattre (...) Nous ne céderons pas", souligne le directeur de TelQuel, Ahmed Réda Benchemsi qui ne conteste pas le droit des personnes se sentant diffamées à recourir à la justice.

"De l'issue de ces procès (en appel), prévus les 29 décembre et 3 janvier, dépendra la stabilité financière et la pérennité de TelQuel", s'inquiète M. Benchemsi.

Des enquêtes judiciaires ont été également engagées à l'encontre de deux hebdomadaires arabophones, Al Michaâl (Le Flambeau) et Al Bidaoui (Le Casablancais) pour avoir publié des propos "portant atteinte à l'islam et à la patrie", selon le procureur de Casablanca.

"Il faut mettre un terme à cette série de poursuites judiciaires", estime Younès Moujahid, le secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM).

"Les jugements des tribunaux doivent avoir pour rôle de prévenir les journaux et non pas de les tuer avec des amendes trop lourdes", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Toutefois, souligne M. Moujahid, il faut trouver un équilibre entre le droit d'informer et la vie privée des citoyens. L'investigation ne doit pas empiéter sur la déontologie du métier", ajoute-t-il en admettant qu'"il y a parfois eu des dépassements".

Le ministre de la Justice Mohamed Bouzoubaâ avait par ailleurs vivement critiqué, sans les nommer, des journaux qui voudraient "semer désespoir et découragement et attenter aux institutions nationales et aux constantes islamiques du pays". Il a annoncé le 13 décembre qu'il existait une cellule de suivi des écrits diffusés par la presse.

"Evoquer la création d'une cellule qui suit tout ce qui se publie constitue une menace de retour à la censure administrative", commente le quotidien Al Ahdath Al Maghribia.

"Visiblement, la cellule mise en place par Mohamed Bouzoubaâ tourne à plein régime, la presse n'est plus libre de ses actes", juge de son côté TelQuel.

Source : AFP

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