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La diaspora marocaine: Pour une intégration politique innovante

Tous les décideurs politiques marocains portent un grand intérêt à la participation de la diaspora marocaine aux élections législatives. Ceci étant dit, le souci principal demeure dans la manière de veiller à rendre ce souhait une réalité. Sachant que la finalité politique, plus que de faire participer le plus possible la diaspora, de surcroît ses jeunes générations, est avant tout de réinventer une stratégie politique innovante envers cette population qui soit fondée sur une logique de partenariat interactive et durable.

· Droit élémentaire
Constitutionnellement, la participation politique de la diaspora aux élections nationales marocaines est un droit élémentaire, mais également un devoir que chaque citoyen doit accomplir. A ce sujet, la participation aux élections législatives de 2007 de la diaspora comme citoyen électeur doit être une des nouvelles composantes progressistes défendant une démocratie juste et en faveur de tous.

Tout naturellement, une participation politique de cet ordre confirme, d’un côté, le fort sentiment d’appartenance et le poids de la relation organique de la diaspora avec son pays d’origine; de l’autre coté, elle va prouver que l’Etat veut que ces populations s’impliquent de manière concrète dans la gestion des affaires publiques. Une manière franche de les inciter davantage à aller de l’avant à la quête de nouveaux lobbyings politiques et économiques en faveur de leur nation.
Toutefois, d’emblée il faut signaler que la participation de la diaspora aux élections législatives marocaines ne doit nullement être un obstacle juridique(1) ni un frein psychologique vis-à-vis de ses choix et son engagement politique dans sa (1re ou 2e) patrie; ni encore empiéter sur le développement de sa personnalité collective aussi bien au niveau sociologique que culturel. Ce sont l’affirmation de sa transnationalité et son goût permanent du multi-résidentiel qui la rend, tantôt opportuniste dans ses choix, tantôt mutante dans son indécision. Néanmoins, pour longtemps encore ici comme là-bas, elle se sent demi-citoyenne certes, peu intégrée et fortement vulnérable

· Renouveau et intelligence politiques
Par expériences d’autres pays d’émigration récente(2) ayant échoué dans leur programme d’intégration politique des ressortissants, je préconise en premier lieu que les Marocains de l’étranger participent aux élections législatives comme des électeurs et repoussent, pour plus tard, leur droit d’éligibilité. Soyons honnêtes, s’il y a des tares ou des défaillances institutionnelles, elles ne viennent pas du dehors, de la diaspora. C’est une affaire strictement interne se rattachant au déficit chronique et à la mauvaise gestion des mécanismes de fonctionnement des institutions administrativo-juridiques et politiques marocaines.

A cet effet, jamais l’Etat marocain n’a su mettre en œuvre une stratégie politique efficace en faveur de la participation de ses ressortissants aux élections nationales. Et pour cause, il n’a jamais su, non plus, les écouter ni les intéresser à s’impliquer en tant que citoyens électeurs, à dimension transnationale, pouvant apporter du renouveau et de l’intelligence en matière de discours et de pratiques politiques.

Conséquences directes d’opacité politique ou détachement volontaire? Ce qui est sûr, l’Etat marocain navigue depuis des décennies sans boussole ni outils d’investigation et de sondage pour mesurer l’opinion et les aspirations politiques de sa diaspora. Ce n’est pas un hasard si tous les systèmes conçus dans le passé pour la faire participer à la vie politique marocaine se sont soldés par des échecs.
Une fois que ce premier chantier sera achevé dans la clarté et sans grabuges, l’Etat pourra prétendre à tracer une stratégie impliquant les forces vives(3) de la diaspora dans la gestion des affaires politiques marocaines, en un mot: leur permettre d’être éligibles.

Allons donc pas à pas et créons d’abord les conditions nécessaires de réussite. En premier lieu, le Conseil supérieur qui doit être un modèle de représentativité de tous les groupes de croissance (jeunes générations, cadres, intellectuels, chefs d’entreprises, sportifs professionnels, artistes) de la diaspora et qui doit également prendre en considération, dans cette composition, les grandes poches à forte migration d’origine marocaine. Il va de soi qu’une bonne définition(4) de son rôle, des critères de choix concernant la nomination et la mission des représentants qui y siègeront seront des atouts indispensables pour son «admission». Autrement dit, ce sont les qualités morales et les compétences des membres du Conseil qui confirmeront sa reconnaissance et sa crédibilité auprès de la diaspora et des institutions internationales. Logiquement, les pouvoirs publics auraient inventé le leitmotiv pour aller de l’avant dans l’intégration politique de la diaspora.

Dès lors, la confiance dans l’Etat marocain devient un acte naturel et de civilité. Ainsi, sans gêne ni remords, la diaspora se sentira impliquée en partenaire majeur à revaloriser l’image du Maroc, par-dessus le marché, développeur de nouvelles cultures politiques et économiques.

Des principes et des règles claires
Attention, on n’est plus au stade des tentatives hâtives et des actes hasardeux. Toute intégration de la diaspora dans le champ politique marocain doit être basée sur des principes et des règles claires et précises, sinon, il y’a risque de provoquer des effets pervers. La distance est considérable, à coup sûr, elle se transformera tôt ou tard en catastrophes.

C’est pourquoi avant la mise en œuvre des dispositifs relatifs à la participation de la diaspora à la vie politique marocaine, il serait urgent que les pouvoirs publics tiennent compte des expériences du passé et profitent des modèles réussis par d’autres nations(5). En parallèle, ils doivent lancer un grand chantier de sensibilisation, d’information et de communication en sa direction. Chantier qui permettrait aux décideurs, à terme, d’avoir une vision suffisamment lucide et objective de la personnalité complexe et bien distincte de la diaspora et, plus particulièrement, de son engagement et de sa philosophie pragmatique de la démocratie au Maroc.

Pour réussir ce chantier comme ceux qui, en toute évidence, suivront, il n’y a pas de mystère: la diaspora doit être partie prenante de A à Z dans sa conception et dans sa réalisation. A cet égard, l’Etat doit changer de comportement dans sa manière de la considérer politiquement et de lui faire appel pour toute autre forme d’investissement. Et plus globalement, il doit revoir sa feuille de route en ce qui concerne le traitement des questions qui se rattachent aux migrations internationales marocaines dans un monde perpétuellement en mouvement et en pleine mutation.


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Résident dans au moins quatre pays (Maroc, France, Suède et Canada) où il enseigne, titulaire d’une série de doctorats d’Etat, Mohamed Hamadi Bekouchi se présente comme «concepteur médiatique», qui est le titre de son dernier doctorat, celui qu’il a obtenu à Paris XIII dans la discipline Sciences de l’Homme, avec mention très bien (comme les autres!). Cet intellectuel hors gabarit se prépare à publier son cinquième livre, «La rage de gagner ou comment créer du bonheur et de la richesse dans votre entreprise». Un de ses ouvrages a eu un très fort retentissement en France, «Du bled à la ZUP» (L’Harmattan): il annonçait en 1984 les failles de l’intégration et prédisait des explosions dans les banlieues françaises, ce qui a valu à l’ouvrage d’avoir une deuxième heure de gloire, cette année. Dans les différentes disciplines qu’il pratique et enseigne, le Pr. Bekouchi défend la thèse de la prééminence de la culture.
Parallèlement, il assure des interventions de consultant dans diverses entreprises et a été administrateur du Fonds français d’action sociale (FAS, un organisme public doté d’un budget de 1,3 milliard d’euros)


(1) L’Allemagne, la Norvège et le Danemark, entre autres, refusent que les immigrés effectuent des élections «étrangères» sur leur territoire.
(2) Turquie, Mexique, Egypte, Algérie
(3) Plus de 250.000 membres issus de la diaspora marocaine ont au moins le niveau Bac + 4. Organisation internationale du travail. 2006
(4) Il faut éviter de refaire les mêmes erreurs que connaissent les Conseils de la Fondation Hassan II des MRE et de Bank Amal. Conseils, dont les membres sont nommés «à vie» et qui n’ont aucune influence sur les orientations de ces institutions en faveur des MRE
(5) France, Grèce, Italie, Suisse.


Mohamed Hamadi BEKOUCHI
Source : L'Economiste

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