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Maroc-Espagne: «Nous ouvrons une nouvelle période dans nos relations»

Le 1er juin, Luis Planas boucle ses deux ans en tant qu’ambassadeur d’Espagne au Maroc. Cet ancien député socialiste au Cortès et au Parlement européen a été membre du gouvernement andalou de Manuel Chavez. Il a été directeur de cabinet de Manuel Marin, vice-président de la Commission européenne, et Pedro Solbès, commissaire européen des Affaires économiques et monétaires.

· L’Economiste: Le 1er juin, vous achevez deux ans au Maroc comme ambassadeur d’Espagne. Quel bilan?
- Luis Planas:
C’est une période très active et productive. Nous avons réussi à retrouver une confiance mutuelle entre les deux pays, base de tout travail en commun. Dans le domaine politique et économique, de la culture et l’éducation, nous avons réussi à faire avancer des dossiers. Nous sommes en train d’ouvrir une nouvelle période dans nos relations bilatérales. Cela suppose une autre façon de voir et d’orienter les relations entre le Maroc et l’Espagne et entre le Maroc et l’Union européenne. De ce point de vue, c’est très positif.

· Qu’est-ce que vous entendez par nouvelle période?
- La relation entre le Maroc et l’Espagne a toujours été très intense et profonde par l’histoire et les intérêts communs. Le Roi Mohammed VI, le roi Juan Carlos et le gouvernement du président Zapatero ont affiché une volonté de réorienter cette relation bilatérale en tenant compte des nouvelles données de la région, de l’Union européenne et du monde. D’un point de vue géostratégique, le pari pour le futur se décline dans bon nombre de dossiers. La conférence régionale sur l’émigration et le développement, qui aura lieu au Maroc en juillet prochain, en fait partie. Initiative conjointe du Maroc et de l’Espagne, elle est appuyée par la France. Cette opération inédite a une portée stratégique pour l’Europe et l’Afrique.

· Qu’est-ce que vous attendez de cette conférence alors qu’un pays comme l’Algérie, impliqué directement, refuse d’y participer?
- Nous avons pris connaissance de la réponse des autorités algériennes. Nous pensons que le sujet traité par la conférence a suffisamment d’importance pour qu’il ait une réponse positive de la part de tous les pays concernés y compris l’Algérie. Et si une question est posée par l’Algérie sur la proposition de l’Union africaine et son développement futur, la réponse est que les initiatives ne sont pas contradictoires. En tout cas, le Conseil européen a souligné son engagement pour la conférence qui aura lieu au Maroc. Le sujet mérite d’être présent.

· Pour régler la question migratoire, ne faut-il pas un plan Marshall pour développer l’Afrique?
- Je suis réaliste. Une seule initiative aussi importante qu’elle soit ne peut être la solution de tous les problèmes. Mais il faut proposer des projets concrets. De ce point de vue, l’Union européenne a pris l’initiative d’un plan Afrique qui sera discuté au cours des prochaines années. L’Espagne, comme acteur bilatéral, a placé la coopération avec l’Afrique comme une priorité dans nos relations extérieures. C’est une nouveauté. Je pense que les pays développés ont pris conscience de la nécessité d’affronter le drame de certains pays d’Afrique. Mais, cela doit suivre par du concret. Dans ce cadre, nous allons développer avec le Maroc des actions de coopération triangulaire qui impliquerait l’Espagne et des pays subsahariens.

· Quels seront les secteurs concernés par cette coopération triangulaire?
- Nos deux services de coopération se penchent sur la question. Cela touchera certainement les secteurs de base comme la santé, l’eau, l’agriculture... Le dossier n’est pas bouclé mais doit certainement aller dans ce sens.

· Dans l’affaire du Sahara, il y a eu un changement d’approche avec la proposition de l’autonomie, la création du Corcas… quelle en est la portée selon vous?
- Le président du gouvernement Zapatero avait marqué l’engagement de l’Espagne en tant que pays ami pour aider les parties à trouver une solution juste, durable et convenable comme souligné par les Nations unies. Nous avons changé d’une attitude peut-être trop contemplative dans le passé pour un engagement plus actif dans ce dossier. Nous suivons avec beaucoup d’intérêt l’annonce de SM le Roi sur la proposition d’autonomie qui sera mise sur la table dans les prochains mois. Nous suivons également les travaux du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes. Il faudra voir où ces travaux aboutissent et quelle sera la nature de la proposition. Ce qui est sûr, c’est par la voie du dialogue et la confiance mutuelle qu’un futur peut être trouvé. C’est pour cela que nous trouvons importantes les initiatives telles que les contacts téléphoniques et l’échange de familles. Les séminaires à venir renforcent la confiance et peuvent marquer le terrain pour une future solution. C’est cela notre point de vue.

· Madrid donne l’impression d’être très attachée au Polisario qui est toujours actif chez vous.
- L’Espagne est un pays très ouvert, où chacun peut exprimer son point de vue dans le respect des lois en vigueur. Le Polisario l’a fait beaucoup.
Dernièrement, le Maroc a exprimé très clairement et d’une façon plus visible ses points de vue vis-à-vis de l’opinion publique. Je trouve cela positif. Je crois que c’est important que les gens connaissent comment les choses évoluent. D’ailleurs, quelque chose d’important se passe dans nos relations. Au Maroc, on connaît mieux l’Espagne, celle qui s’est construite au cours des 30 dernières années. En Espagne, on commence à mieux connaître le nouveau Maroc, celui du Roi Mohammed VI.


Migrations: Le dialogue a bien fonctionné
Dans la lutte contre l’émigration subsaharienne, la réponse du Maroc a été positive, affirme le diplomate. Pour lui, le dialogue a bien fonctionné et la réaction des autorités marocaines a été efficace. Les événements autour des villes Ceuta et Melilla durant l’année dernière ont été si graves qu’ils auraient pu altérer les relations bilatérales ou toucher sensiblement le rapport entre l’Europe et l’Afrique. «Si nous avons réussi à maîtriser un problème qui dépassait la responsabilité de nos pays, c’était grâce au travail fait avant, durant et après cette situation», martèle l’ambassadeur. En effet, un groupe de travail permanent bilatéral sur l’émigration a été créé avant ces événements et tenait des réunions régulières durant les deux dernières années. Pour lui, les responsables politiques et opérationnels des deux pays ont réfléchi ensemble pour développer des réponses communes. C’est le cas du projet déjà en vigueur des patrouilles mixtes entre la Guardia civile et la Gendarmerie royale. Les initiatives comme le développement de l’émigration légale ont vu le jour dans le cadre de cette structure. C’est ainsi que l’Espagne a permis 123.000 contrats ayant touché des ressortissants marocains l’année dernière, dont 86.000 dans l’opération de régularisation et 37.000 nouveaux contrats de travailleurs.

Mohamed CHAOUI
Source : L'Economiste

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