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Migrations, MRE… la vision Benmoussa

Entre un dîner-débat avec quelques membres de la communauté marocaine résidant en France et le lendemain un déjeûner-discussion à bâtons rompus avec quelques grands patrons et sénateurs français, Chakib Benmoussa a rencontré le 14 avril à Paris son homologue français, Nicolas Sarkozy, avec qui il a abordé notamment la coopération policière franco-marocaine et la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogues et les migrations clandestines. L’Economiste a saisi cette occasion pour interviewer le ministre de l’Intérieur marocain. Ce sera sa première sortie médiatique.

- L’Economiste: Vous avez rencontré des jeunes membres de la communauté marocaine installée en France et qui occupent divers postes et responsabilités au sein de la société française. Qu’avez-vous retenu de ces entretiens?
- Chakib Benmoussa:
Je retiens tout d’abord la richesse de la communauté marocaine en France qui, à travers quelques-uns qui étaient parmi nous au dîner, provenait d’horizons très divers, des cadres intégrés aujourd’hui en France, de deuxième ou troisième génération, mais aussi des tout jeunes. Je retiens aussi que cette communauté exprime un attachement très fort à son pays d’origine, le Maroc.
Je ressens aussi dans tout ce qu’ils ont dit, beaucoup de fierté par rapport aux réformes, aux actions engagées par Sa Majesté au Maroc et qui créent un contexte aujourd’hui de renforcement de cet attachement au pays et avec une mobilisation pour que, chacun à son niveau, chacun dans son contexte, puisse contribuer à ce qui est en train de se construire dans le pays, soit en retournant au Maroc, soit en investissant en fonction des opportunités et des occasions qui peuvent s’y présenter. C’est aussi une communauté qui, à travers le Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger, à travers la représentation au niveau du Parlement, à travers le droit de vote et le droit à la candidature, cherche à être présente et à développer des liens institutionnels avec son pays d’origine pour débattre d’un certain nombre de problèmes spécifiques à la communauté marocaine en France et autour desquels avec ses représentants, on essaie de trouver des réponses adéquates.

· Les élections législatives marocaines, c’est en 2007, c’est-à-dire demain. Serez-vous en mesure d’être dans les temps pour organiser leurs modalités en ce qui concerne la communauté marocaine à l’étranger?
- Il y a un processus aujourd’hui qui est engagé. Nous menons actuellement une concertation avec les partis politiques, processus qui va être suivi d’une concertation avec la communauté marocaine à l’étranger pour identifier, pour apporter la réponse adéquate en termes de modalités de cette représentation, que ce soit à travers le Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger, à travers les mécanismes permettant d’exercer le droit de vote ou le droit de candidature de la communauté marocaine, ou encore à travers le processus de représentation au niveau du Parlement. C’est un calendrier qui démarre mais qui, dans les semaines et mois à venir, devrait s’accélérer.

· Certains participants au dîner-débat vous ont rappelé les difficultés rencontrées par les candidats investisseurs marocains dans le pays, que ce soit au niveau de la qualité de l’accueil de l’administration ou encore des pesanteurs de la justice marocaine. Il y a pas mal de déception de ce côté-là…
- Je n’ai pas eu ce sentiment de déception par rapport à l’accueil. C’est vrai que certains ont évoqué des problèmes en termes de procédure d’accueil mais je ne pense pas que ces difficultés les découragent, soit par rapport à l’investissement, soit par rapport à leur propre projet. Cela étant, c’est certain qu’il y a tout un travail à faire sur ces procédures, sur les modalités d’accueil, les modalités d’accompagnement de la communauté marocaine à l’étranger. Une communauté dont une grande partie ne reste que quelques semaines par an au pays et pour qui la simplicité et la rapidité dans la mise en œuvre des procédures sont essentielles pour leur permettre de régler leurs affaires au cours de leur séjour au Maroc. Ce sont des aspects auxquels nous devons accorder une attention particulière. Un processus a déjà été engagé au cours de ces dernières années et il convient aujourd’hui de le renforcer et de l’accélérer pour créer des conditions favorables à l’investissement.

· Vous avez rencontré Sarkozy avec qui vous avez évoqué, entre autres, le problème des migrations régulière et clandestine qui intéressent les deux pays. Quelle conclusion en tirez-vous?
- Nous avons notamment discuté du projet de conférence Europe-Afrique sur les migrations et le développement, qui sera organisé en juillet prochain à Rabat. Conférence pour laquelle la France, l’Espagne et l’Europe apportent tout leur soutien, convaincues que les problèmes d’immigration concernent aussi bien les pays émetteurs que les pays de transit et d’accueil et que l’approche de cette immigration ne peut pas être seulement une approche sécuritaire mais doit aussi prendre en considération le développement socioéconomique de ces pays dans le cadre d’une responsabilité partagée entre tous les pays concernés. Aujourd’hui, le Maroc, pour sa part, a pris un certain nombre de mesures pour limiter les réseaux d’immigration clandestine. Il a engagé aussi des décisions internes pour initier, à travers des actions comme l’INDH ainsi qu’un certain nombre de réformes et de projets de grande envergure pour créer des conditions favorables au développement du pays. Mais il est certain que sur ces aspects-là, la coopération régionale et la coopération internationale peuvent créer les conditions favorables pour que ce processus réussisse. En même temps, tout le travail sur l’immigration régulière, sur les conditions de séjour de la communauté marocaine en Europe avec la préservation de ses droits, la préservation de ses acquis ainsi que les conditions qui favoriseraient une mobilité des gens, tout cela devrait être préservé et renforcé.

· Vous seriez donc favorable à ce concept de «l’immigration choisie» proposé par Sarkozy?
- Nous pensons que toutes les formes qui peuvent favoriser la mobilité entre les pays sont des formes à encourager parce qu’elles permettent quelque part de mieux réguler les migrations clandestines. Nous ne pouvons pas simplement nous appuyer sur des formules de lutte contre les réseaux de migration clandestine, sans en même temps, offrir des possibilités à travers l’immigration organisée comme soupape par rapport à ce processus. Aujourd’hui, il est illusoire de penser que le Maroc puisse mettre un frein à la globalisation de l’économie. D’ailleurs, beaucoup de Marocains participent déjà à ce mouvement de globalisation.


Cinq missions de police technique et scientifique

La rencontre Benmoussa-Sarkozy le 14 avril a duré une bonne heure à la Place Beauvau et a permis aux deux hommes de se féliciter de «l’excellence» de la coopération policière franco-marocaine en général et de la «très bonne» coopération entre les services. Ils ont notamment abordé l’assistance technique et scientifique apportée par la France à la police et la gendarmerie marocaines. Cinq missions de police technique et scientifique françaises seront lancées dans les six mois à venir et dont la première sera au Maroc dès ce mois d’avril, afin de former des agents marocains en matière d’identification judiciaire. Les parties marocaine et française ont également évoqué la Conférence de la Cimo (Conférence des ministres de l’Intérieur de la Méditerranée occidentale), qui réunit les «5+5» (Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye + France, Italie, Espagne, Portugal et Malte), qui doit se tenir les 11 et 12 mai à Nice avec pour principaux thèmes le trafic de drogues, le terrorisme et les migrations clandestines. Président en exercice de cette conférence, le Maroc devra céder son titre à cette date à la France.

L’évaluation des menaces terroristes dans la région a également fait l’objet des discussions entre les deux ministres de l’Intérieur. Le Maroc a notamment évoqué l’inquiétant «no man’s land» formé au Sahel entre le sud de l’Algérie, le nord de la Mauritanie et l’ouest du Mali. Un espace «non sécurisé» qui serait livré à des bandes armées utilisant trafic de drogues et trafic d’armes et qui serait en relation avec des «filières terroristes» venues d’Asie. Les techniques de maintien de l’ordre ont également fait partie du menu des entretiens. Comme la France a fait preuve d’une certaine efficacité lors des dernières manifestations contre le CPE (contrat première embauche), le ministre marocain a souhaité que des «échanges d’expériences» soient développés dans ce domaine. Ça peut toujours servir, on ne sait jamais…

Aziz BEN MARZOUQ
Source : L'Economiste

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